mercredi 18 octobre 2023

 

TEMOIGNAGE : LA VIE DE SŒUR VINCIANE KASONGO DANS LA CONGREGATION DES SŒURS AUXILIATRICES DE MARIE IMMACULEE DE KOLWEZI.

Propos recueillis par l’Abbé Alain Kalenda Ket ce 1er septembre 2023.

 

La Sœur Vinciane est née le 30 décembre 1948. Nous avons passé plus de 2 heures au Couvent des Sœurs Auxiliatrices pour échanger sur sa vie : depuis sa tendre enfance dans son village de Nyonga près de Kinkonja jusqu’à ce jour où il fête 50 ans de vie religieuse à Kolwezi.

 


Ma vocation religieuse remonte de très loin. Pour autant que je me souvienne je n’étais qu’une gamine de 3e primaire lorsque j’avais commencé à avoir de l’admiration pour la vie de ces sœurs blanches qui débarquaient de temps à autre dans notre village de Nyonga situé entre Kinkondja et Bukama. Ces religieuses venaient de Kayeye. Je me disais qu’elles étaient si braves. Plus tard j’apprendrai qu’elles étaient les sœurs de Pittem. Tandisqu’à Kinkondja, il existait aussi une autre communauté des sœurs. On me dit que c’était les Sœurs de Notre Dame.

Quand le Père Gaspard, un franciscain est arrivé chez nous, je lui ai fait part de ma vocation : ‘’je voudrai devenir religieuse, lui dis-je’’. Il n’accorda pas du tout d’importance à cette demande à voir ses attitudes de doute. Mais je suis revenue plusieurs fois à la charge. C’était un temps trouble avec des guerres tribales des Mulele qui éclataient un peu partout dans la région. En 1964, le Père Gaspard m’adressa finalement une note où elle m’invitait à rejoindre la congrégation religieuse des Sœurs diocésaines du diocèse de Kamina basée à Kolwezi. C’était mieux cette orientation plutôt que d’aller chez les sœurs à tendances européennes, les sœurs de Notre Dame, avait estimé le Père Gaspard. En juillet 1964, il me conduisit à Kolwezi chez les Sœurs de Pittem qui encadraient une branche des Sœurs autochtones du diocèse de Kamina : ce sont les sœurs Auxiliatrices de Luabo. J’ai commencé la 4e année primaire à l’école primaire Reine des Anges à la cité Gécamines-Kolwezi pendant que nous étions logées à l’internat des sœurs auxiliatrices. La même année on jugea de par mon âge que je pouvais passer en 5e primaire. Après la 6e  année primaire,  on nous demanda de suivre les cours à l’Ecole de formation Familiale (actuelle Maadibisho) en couture. Trois années plus tard j’obtins mon certificat en couture. Nous étions une quarantaine de jeunes filles à cet internat qui servait à ce qu’on appelait « l’aspirandat » à la vie religieuse ici même à l’actuel couvent des Sœurs Auxiliatrices. Mais beaucoup d’entre nous n’étaient que des profiteuses qui se préparaient plutôt à la vie de mariage. En 1970, nous avons fait notre demande auprès de Sœur Dominique pour être admises comme postulantes le jour de pentecôte.  La vie religieuse avec les Sœurs venait réellement de commencer. Nous n’étions plus que trois jeunes sœurs : La Sœur Marie-Jeanne Mbuya (l’autre Sœur jubilaire de ce jour), la Sœur Marguerite Mukonkole et moi qui étions admises à ce qu’on appelait le postulandat. La jeune Sœur Vinciane que j’étais,  est affectée à Musonoie comme Maitresse de couture dans une école de la Gécamines. L’année suivante nous toutes 3 nous sommes acceptées comme novices. La Sœur Jean-Marie Mulanga est élue comme la première Supérieure Générale noire en 1969 après la remise du pouvoir aux autochtones par les Sœurs européennes de Pittem. Nous sommes parmi les premières sœurs noires formées à Kolwezi avec notre nouvelle Supérieure. Les autres Sœurs noires Auxiliatrices sont venues de Luabo, près de Kamina. C’est le cas de la Sœur Christiane, d’heureuse mémoire, de la Sœur Godelieve ou encore de la Sœur Michel...

En 1973, nous avons émis nos premiers vœux, il y a 50 ans, sous Monseigneur Victor Keuppens alors Evêque de Kamina résidant à Kolwezi. C’était justement sa dernière année à Kolwezi, avant qu’il ne démissionne et soit remplacé par Monseigneur Floribert Songasonga.

En 1976, la Congrégation m’envoie pour un an à Kinshasa afin de poursuivre une formation religieuse à l’Institut Anuarité à Kimwenza sur la gestion du personnel, la catéchèse, le Droit Canon, etc.  Il y avait au total 11 cours pendant cette formation.

De retour à Kolwezi, je suis affectée à l’Institut Technique Médical Ukarimu en 1977, en remplacement des Sœurs de Pittem comme intendante avec résidence au couvent des soeurs à Notre Dame de Grâce. J’étais aussi Maîtresse des Aspirantes. C’est là que la guerre de 6 jours va me surprendre, le 13 mai 1978. Nous avons vu la vague des rebelles katangais venus d’Angola puis quelques jours plus tard celle des français et des militaires zaïrois qui ont chassé les rebelles. C’était une expérience exceptionnelle, celle de garder les élèves infirmières pendant la guerre, avec toutes les émotions et les peurs du pire.

En novembre1981, je quittais Ukarimu pour l’Evêché où je suis affectée de nouveau  comme intendante en remplacement de la Sœur Muswamba, j’étais aussi opératrice de la phonie diocésaine. La phonie était un vaste réseau de communication qui s’étendait sur toute la République du Zaïre. Mais il y avait aussi le réseau local pour la communication avec toutes les paroisses du Diocèse.

J’ai fait 17 ans à l’Evêché de Kolwezi. Mais pendant ce temps où je travaillais à l’Evêché, dans la Congrégation,  je suis élue Vicaire en 1986,  puis en 1992,  je devins  Supérieure Générale de la Congrégation des Sœurs Auxiliatrices pendant 6 ans, cédant en un premier moment la tâche d’intendante de l’Evêché  à une autre consœur, la Sœur Jean-Marie Mulanga. Suite à un accident de circulation de la Sœur Mulanga, je me vis contrainte de cumuler les tâches de Supérieure Générale avec celle d’intendante de l’Evêché jusqu’en 1998.

Entre temps, il faut noter toutes les difficultés socio-politiques survenues dans les années 1990 : le refoulement des Kasaiens vers leur province d’origine. Cela n’avait pas épargné notre Congrégation où des consœurs ont choisi elles-mêmes de plier bagages en union avec leurs frères et sœurs expulsés du Katanga pour le Kasai : Sœur Ursule Mulaji, Sœur Muswamba Marie-André sont parties alors à Mbuji-Mayi où elles vivent encore aujourd’hui. Certaines autres religieuses avaient plutôt préféré de rester au Katanga. On a connu beaucoup de secousses dans la congrégation pendant cette période. C’est à cette période des difficultés qu’il nous a été demandé d’aller occuper les couvents de Kasaji puis de Kisenge en remplacement des  Sœurs de Lierre de la Belgique qui quittaient aussi le Zaïre. Les vocations nationales avaient par contre tari dans notre congrégation. Il n’y avait plus beaucoup de religieuses, puis on a assisté à des départs du couvent de certaines de nos sœurs…

En 1998, je suis envoyée à Kasaji après mon mandat de Supérieure Générale, remplacée par la Sœur Marie-Jeanne. Je suis restée à Kasaji jusqu’en 2007. Revenue à Kolwezi, je suis affectée au Centre d’hébergement Immaculata qui venait de naître. Le 24 janvier 2011 je quittais Immaculata pour aller à Lubumbashi. Monseigneur Songasonga, Archevêque Métropolitain de Lubumbashi  entrait dans l’Eméritat. Je suis alors attachée  à son service.

Parmi les difficultés, nous pouvons parler aussi des décès de nos sœurs, au total une dizaine des Sœurs nous ont quittés. C’est surtout à partir des années 2007 que nous avons enregistré plusieurs décès : Sœur Bénigne, Sœur Lucienne, Sœur Christiane…

Bref la vie religieuse a ses peines, elle a aussi ses joies. Je suis contente d’être là où je suis aujourd’hui. La prière m’a beaucoup aidée à me surpasser lorsque je pensais que c’était fini avec ma vocation. Dieu est merveilleux, il nous a fait grâce,  la Sœur Marie-Jeanne Mbuya et moi. Et aujourd’hui nous fêtons 50 ans de vie religieuse. Gloire à Dieu.

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