TEMOIGNAGE :
LA VIE DE SŒUR VINCIANE KASONGO DANS LA CONGREGATION DES SŒURS AUXILIATRICES DE
MARIE IMMACULEE DE KOLWEZI.
Propos
recueillis par l’Abbé Alain Kalenda Ket ce 1er septembre 2023.
La Sœur Vinciane est née le 30 décembre 1948. Nous
avons passé plus de 2 heures au Couvent des Sœurs Auxiliatrices pour échanger
sur sa vie : depuis sa tendre enfance dans son village de Nyonga près de
Kinkonja jusqu’à ce jour où il fête 50 ans de vie religieuse à Kolwezi.
Ma vocation religieuse remonte de
très loin. Pour autant que je me souvienne je n’étais qu’une gamine de 3e
primaire lorsque j’avais commencé à avoir de l’admiration pour la vie de ces
sœurs blanches qui débarquaient de temps à autre dans notre village de Nyonga situé
entre Kinkondja et Bukama. Ces religieuses venaient de Kayeye. Je me disais
qu’elles étaient si braves. Plus tard j’apprendrai qu’elles étaient les sœurs
de Pittem. Tandisqu’à Kinkondja, il existait aussi une autre communauté des
sœurs. On me dit que c’était les Sœurs de Notre Dame.
Quand le Père Gaspard, un
franciscain est arrivé chez nous, je lui ai fait part de ma vocation : ‘’je
voudrai devenir religieuse, lui dis-je’’. Il n’accorda pas du tout d’importance
à cette demande à voir ses attitudes de doute. Mais je suis revenue plusieurs
fois à la charge. C’était un temps trouble avec des guerres tribales des Mulele
qui éclataient un peu partout dans la région. En 1964, le Père Gaspard
m’adressa finalement une note où elle m’invitait à rejoindre la congrégation religieuse
des Sœurs diocésaines du diocèse de Kamina basée à Kolwezi. C’était mieux cette
orientation plutôt que d’aller chez les sœurs à tendances européennes, les
sœurs de Notre Dame, avait estimé le Père Gaspard. En juillet 1964, il me
conduisit à Kolwezi chez les Sœurs de Pittem qui encadraient une branche des
Sœurs autochtones du diocèse de Kamina : ce sont les sœurs Auxiliatrices
de Luabo. J’ai commencé la 4e année primaire à l’école primaire
Reine des Anges à la cité Gécamines-Kolwezi pendant que nous étions logées à
l’internat des sœurs auxiliatrices. La même année on jugea de par mon âge que
je pouvais passer en 5e primaire. Après la 6e année primaire, on nous demanda de suivre les cours à l’Ecole
de formation Familiale (actuelle Maadibisho) en couture. Trois années plus tard
j’obtins mon certificat en couture. Nous étions une quarantaine de jeunes
filles à cet internat qui servait à ce qu’on appelait « l’aspirandat »
à la vie religieuse ici même à l’actuel couvent des Sœurs Auxiliatrices. Mais
beaucoup d’entre nous n’étaient que des profiteuses qui se préparaient plutôt à
la vie de mariage. En 1970, nous avons fait notre demande auprès de Sœur
Dominique pour être admises comme postulantes le jour de pentecôte. La vie religieuse avec les Sœurs venait
réellement de commencer. Nous n’étions plus que trois jeunes sœurs : La
Sœur Marie-Jeanne Mbuya (l’autre Sœur jubilaire de ce jour), la Sœur Marguerite
Mukonkole et moi qui étions admises à ce qu’on appelait le postulandat. La
jeune Sœur Vinciane que j’étais, est
affectée à Musonoie comme Maitresse de couture dans une école de la Gécamines.
L’année suivante nous toutes 3 nous sommes acceptées comme novices. La Sœur
Jean-Marie Mulanga est élue comme la première Supérieure Générale noire en 1969
après la remise du pouvoir aux autochtones par les Sœurs européennes de Pittem.
Nous sommes parmi les premières sœurs noires formées à Kolwezi avec notre
nouvelle Supérieure. Les autres Sœurs noires Auxiliatrices sont venues de
Luabo, près de Kamina. C’est le cas de la Sœur Christiane, d’heureuse mémoire, de
la Sœur Godelieve ou encore de la Sœur Michel...
En 1973, nous avons émis nos
premiers vœux, il y a 50 ans, sous Monseigneur Victor Keuppens alors Evêque de
Kamina résidant à Kolwezi. C’était justement sa dernière année à Kolwezi, avant
qu’il ne démissionne et soit remplacé par Monseigneur Floribert Songasonga.
En 1976, la Congrégation m’envoie
pour un an à Kinshasa afin de poursuivre une formation religieuse à l’Institut
Anuarité à Kimwenza sur la gestion du personnel, la catéchèse, le Droit Canon,
etc. Il y avait au total 11 cours
pendant cette formation.
De retour à Kolwezi, je suis
affectée à l’Institut Technique Médical Ukarimu en 1977, en remplacement des
Sœurs de Pittem comme intendante avec résidence au couvent des soeurs à Notre
Dame de Grâce. J’étais aussi Maîtresse des Aspirantes. C’est là que la guerre
de 6 jours va me surprendre, le 13 mai 1978. Nous avons vu la vague des
rebelles katangais venus d’Angola puis quelques jours plus tard celle des
français et des militaires zaïrois qui ont chassé les rebelles. C’était une
expérience exceptionnelle, celle de garder les élèves infirmières pendant la
guerre, avec toutes les émotions et les peurs du pire.
En novembre1981, je quittais
Ukarimu pour l’Evêché où je suis affectée de nouveau comme intendante en remplacement de la Sœur
Muswamba, j’étais aussi opératrice de la phonie diocésaine. La phonie était un
vaste réseau de communication qui s’étendait sur toute la République du Zaïre.
Mais il y avait aussi le réseau local pour la communication avec toutes les
paroisses du Diocèse.
J’ai fait 17 ans à l’Evêché de
Kolwezi. Mais pendant ce temps où je travaillais à l’Evêché, dans la
Congrégation, je suis élue Vicaire en
1986, puis en 1992, je devins
Supérieure Générale de la Congrégation des Sœurs Auxiliatrices pendant 6
ans, cédant en un premier moment la tâche d’intendante de l’Evêché à une autre consœur, la Sœur Jean-Marie
Mulanga. Suite à un accident de circulation de la Sœur Mulanga, je me vis contrainte
de cumuler les tâches de Supérieure Générale avec celle d’intendante de
l’Evêché jusqu’en 1998.
Entre temps, il faut noter toutes
les difficultés socio-politiques survenues dans les années 1990 : le
refoulement des Kasaiens vers leur province d’origine. Cela n’avait pas épargné
notre Congrégation où des consœurs ont choisi elles-mêmes de plier bagages en
union avec leurs frères et sœurs expulsés du Katanga pour le Kasai : Sœur
Ursule Mulaji, Sœur Muswamba Marie-André sont parties alors à Mbuji-Mayi où
elles vivent encore aujourd’hui. Certaines autres religieuses avaient plutôt
préféré de rester au Katanga. On a connu beaucoup de secousses dans la
congrégation pendant cette période. C’est à cette période des difficultés qu’il
nous a été demandé d’aller occuper les couvents de Kasaji puis de Kisenge en
remplacement des Sœurs de Lierre de la
Belgique qui quittaient aussi le Zaïre. Les vocations nationales avaient par
contre tari dans notre congrégation. Il n’y avait plus beaucoup de religieuses,
puis on a assisté à des départs du couvent de certaines de nos sœurs…
En 1998, je suis envoyée à Kasaji
après mon mandat de Supérieure Générale, remplacée par la Sœur Marie-Jeanne. Je
suis restée à Kasaji jusqu’en 2007. Revenue à Kolwezi, je suis affectée au
Centre d’hébergement Immaculata qui venait de naître. Le 24 janvier 2011 je
quittais Immaculata pour aller à Lubumbashi. Monseigneur Songasonga, Archevêque
Métropolitain de Lubumbashi entrait dans
l’Eméritat. Je suis alors attachée à son
service.
Parmi les difficultés, nous
pouvons parler aussi des décès de nos sœurs, au total une dizaine des Sœurs
nous ont quittés. C’est surtout à partir des années 2007 que nous avons
enregistré plusieurs décès : Sœur Bénigne, Sœur Lucienne, Sœur Christiane…
Bref la vie religieuse a ses
peines, elle a aussi ses joies. Je suis contente d’être là où je suis
aujourd’hui. La prière m’a beaucoup aidée à me surpasser lorsque je pensais que
c’était fini avec ma vocation. Dieu est merveilleux, il nous a fait grâce, la Sœur Marie-Jeanne Mbuya et moi. Et
aujourd’hui nous fêtons 50 ans de vie religieuse. Gloire à Dieu.
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