mardi 28 avril 2020

Histoire de la Mission Catholique de Kapanga


AVANT-PROPOS



D’emblée, nous devons déclarer que nous n’avons pas trouvé d’ouvrages traitant de l’histoire de l’Eglise Catholique de Kapanga. Pour écrire cette histoire, nous avons recouru, en premier lieu, aux sources orales. Elle a été pour nous une mine aux renseignements assez précieux et féconds. Nous avons eu l’opportunité de rencontrer, à cet effet, des missionnaires qui ont vécu à Kapanga à des époques différentes de cette histoire. C’est notamment le cas  du  Révérend Père franciscain Marcel Van In avec qui nous avons longuement échangé dans son bureau de la Mission de Dilolo-Poste où il vit encore. Il y a aussi plusieurs prêtres salvatoriens dont, les Révérends Pères Joseph Cornelissen, Paul Wey, Arnold Stevens. Nous avons eu le temps d’échanger avec chacun d’entre eux

Nous avons interrogé certains anciens originaires de Kapanga, c’est le cas de Monsieur Koj Rumbu , de Mwant Chot, de Mwant Mutiy tous résidant à Musumba et de Mwant Karl Chikomb dans son village de Karl au nord-est de Musumba.

Mais force est de constater que la tradition orale est parfois déconcertante. Elle est pleine de confusion sur les dates, les personnes ou même parfois, l’interprétation des événements…

Pour pallier cette déficience, nous avons ensuite confronté la première source (orale) à certains documents écrits, constitués essentiellement par :

1° Les chroniques de Père Jérôme Gubbels et de Père Willy Smeets, anciens missionnaires de Kapanga.

2° Les archives de la mission Ntita constitués des correspondances ou des Livres des baptêmes.

3° Les archives de l’Evêché de Kolwezi auxquels nous avons eu accès grâce à Monseigneur Floribert Songasonga, notre Evêque.

4° Les archives du Scolasticat Franciscain Bienheureux Jean XXIII de Kolwezi. Ce sont des copies des correspondances, discours, croquis ou autres documents officiels de l’Administration coloniale belge.

5° Un précieux document des sœurs franciscaines nous a été envoyé depuis l’Europe par les sœurs fondatrices de la Mission Ntita.

6°Les archives des sœurs Salvatoriennes de Kapanga.

Pour la période actuelle, nous avons été, personnellement témoin des événements innombrables, nous avons vécu cette histoire dans notre pastorale en tant que curé dans cette contrée.

L’Histoire que nous proposons d’écrire est circonscrite entre les années 1929 et 1995. La première date, (date ad quo) marque la fondation de la Mission de Kapanga par les missionnaires Franciscains ; la deuxième, (date ad quem) est celle où, pastoralement nous avons quitté définitivement la mission de Kapang
























CHAP 1.
GENERALITES

1. L’OCCUPATION DES TERRES PAR LES MISSIONNAIRES AU CONGO

L’histoire religieuse chrétienne du Congo est marquée par deux étapes d’évangélisation.

La première, sans succès véritable, se situe au 15e siècle. C’est, en effet, en 1484 qu’est fondée la première mission franciscaine au Congo, d’après Le Panorama d’histoire de l’Eglise rédigé par Munch et Montjuvin. Cette mission ouvrit ainsi les portes aux autres ordres religieux de l’époque.

Mais, suivant certains avis autorisés des historiens intéressés à cette étude (Bontick, par exemple), c’est le baptême du Roi Kongo, Nzinga Nkuvu, le 03 Mai 1491, qui inaugura la première évangélisation du Congo.

Par la bulle super specula du 20 Mai 1596, le Pape Clément VIII créa le Vicariat apostolique du Congo, étendant sa juridiction sur le Congo et l’Angola.

Cependant, à cette époque, le Congo n’est pas pris à cœur par les missionnaires. Ainsi, à cause de la décadence du Royaume Kongo, à cause de la mortalité dans les rangs missionnaires, et en partie aussi, à cause de la résistance culturelle de la population Kongo à la nouvelle religion, on assista si tôt à la disparition quasi-totale de la religion chrétienne sur le sol congolais. Le catholicisme resta florissant à Sao Tomé et à Loanda, en Angola.

Au XIXe siècle, une deuxième tentative ramena les missionnaires européens au Congo. Nous sommes à l’époque des conquêtes colonialistes.

C’est alors que fut amorcée l’implantation définitive du christianisme au Congo. C’est ce qu’on appelle la seconde évangélisation. On vit débarquer, agent colonial agent commercial, et agent missionnaire formant ce qu’on dénomme la trilogie coloniale, déplorée par d’aucuns comme comportant des conséquences néfastes pour l’Eglise. En effet, on estimait que la collaboration Eglise-Etat était suspecte.

Le 11 mai 1888, le Pape Léon XIII créa le Vicariat Apostolique du Congo dont les délimitations ne s’étendirent qu’à l’unique Etat Indépendant du Congo (E.I.C).

C’est avec l’arrivée des Pères Blancs au Congo, en 1880, que cela fut rendu possible. Les Pères Blancs, qui étaient des français, s’installèrent sur la rive occidentale du lac Tanganika (Moba, Mpala…)

Par ailleurs, dans le Bas-Congo, ce sont les Pères Scheutistes qui y seront plus influents. La première caravane scheutiste arriva à Boma le 21 septembre 1888. Elle était composée des Pères Guely, Huberlant et du futur pionnier du Kasaï, le Père Cambier (cf. ch. II)

Au Katanga minier et méridional, c’est seulement au 20e siècle que les missionnaires y arriveront : les spiritains en 1907, les dominicains en 1910, les salésiens en 1911, les franciscains en 1920 etc…

Le chef-lieu de la Province, Elisabethville (Lubumbashi) fut spécialement évangélisé par les bénédictins. Ils se dirigèrent vers Kambove, puis vers Nguba à la recherche d’un espace favorable où ils pouvaient ériger un monastère. A la tête de cette expédition, il y a celui qui sera le premier Vicaire Apostolique de la région minière du Katanga, Monseigneur Jean-Félix De Hemptine, mort le 06 février 1958 à l’actuelle Procure de Lubumbashi, qui était son habitation, nous rapporte monsieur l’Abbé Achille Mutombo Mwana dans son ouvrage intitulé l’Evangélisation de l’Archidiocèse de Lubumbashi 1910-1986.

Après ces occupations et bien d’autres encore qui suivirent, chaque congrégation installée dans l’E.I.C, se voyait octroyer des vastes portions de terre à évangéliser.

Les diocèses actuels sont le résultat ultérieur de ce partage entre différentes familles religieuses.

D’une façon ou d’une autre, beaucoup d’entre nous connaissent à peu près l’histoire de cette implantation des églises chrétiennes au Congo. Leur développement se poursuit encore aujourd’hui.

Officiellement, au plan national, c’est en 1980 que le Congo a célébré le centenaire de l’implantation de l’Eglise catholique.

A Kapanga, cependant, l’Eglise catholique n’a qu’une soixantaine d’années.
Que savons-nous de ces soixante ans d’âge de l’Eglise catholique de Kapanga ?
Dans les causeries, il nous arrive souvent de parler avec admiration de l’œuvre accomplie par le missionnaire.

Nos villages sont balisés par des édifices remarquables. Vrais monuments sacrés :
Contemplez l’imposante mission de Ntita à Kapanga, et celle de Sandoa ; descendez plus au sud, émerveillez-vous devant l’impressionnante église de Dilolo-Poste et de Kasaji-Lueu.
C’est l’Europe Romane qui essayait de se transporter chez nous avec ses hautes tours et ses vitraux.

Cependant, on est sidéré de constater que, bien qu’on puisse souvent s’extasier sur l’œuvre magnifique accomplie par les missionnaires, d’aucuns restent assez ignorants sur la période très importante du premier matin de l’évangélisation de nos villages.

Comment apprécier à leur juste valeur les réalisations brillantes des révérends Pères et des Révérendes sœurs pionniers du christianisme dans notre Diocèse ?
Nos références à ce sujet nous paraissent plonger dans la nuit des temps d’une histoire vague de certains pères portant longue barbe et soutane blanche, entonnant des chants en latin. Voilà, pour beaucoup, l’unique souvenir caricatural qui résiste encore à l’érosion du temps.

C’est pourquoi, pour notre part, nous avons interrogé l’histoire, recherchant parmi les papiers poussiéreux une traitresse information pour alimenter notre savoir.
Nous voudrions ainsi sauver du gouffre de l’oubli, les noms de ceux qui nous ont évangélisés. C’est, pour le moins, notre façon de traduire notre gratitude à la génération franciscaine qui a planté la croix de Jésus-Christ dans le sol rouge de Kapanga et à celle des salvatoriens qui y poursuivent encore la Mission.

2. TRADITION SUR LE POUVOIR LUNDA

Kapanga est la terre des aruund (les Lundas) de Mwant Yav.

Au commencement était Chinawej Mbar et Musangu, nous dit la tradition. Il séjournait dans une grotte. Le sort élit Mbar qui engendra Mwaku a Mbar, Mwaku engendra Iyal a Mwaku. Ce dernier est pratiquement le premier chef politique prestigieux des aruund. Son fils Nkond a Matit aura trois garçons et trois filles : Chingud a Nkond, Chinyam a Nkond, Ndondj a Nkond, Karumbu a Nkond, Rukombu a Nkond et Ruwej a Nkond. Cette dernière héritera l’anneau qui fera d’elle la Reine-Mère des aruund. Cette histoire est racontée en détails, dans l’ouvrage écrit par les méthodistes, « Ngand Yetu » (pp9, 10).

Aux origines de l’Empire, le « Want Yav » (Le Pouvoir du Mwant Yav).
La Reine Ruwej accepta sous son toit conjugal un homme de la tribu Luba. C’est le fameux chasseur Chibinda Ilunga. Elle lui confia, par surcroit l’anneau (Rukan) qu’elle avait hérité de son père Nkond... Ce geste qui donne l’insigne du pouvoir royal à un étranger provoqua le courroux de ses frères dont les plus furieux étaient Chingud et Chinyam. Ceux-ci décidèrent, pour sauvegarder leur fierté, d’émigrer loin de leur terre.

Le mariage entre Ruwej et Chibinda ne donna point de progéniture. Chibinda, le chasseur, alla un jour au village Mukachiland, il y rencontra Kamong, la fille de Ruwaz, le forgeron. Il tomba amoureux d’elle. De retour chez Ruwej, il la mit au courant de ses nouvelles idylles : il comptait bien prendre en mariage cette deuxième femme.

Ruwej admit que Kamong fut plutôt servante qu’épouse. Ainsi approchée, Kamong de son union avec Chibinda donna naissance à un fils qui fut nommé Yav a Irung (Yav fils de Ilunga).
Le chasseur luba se comportait avec insolence envers les aruund, nous rapporte-t-on. Le peuple lunda, cessant de le supporter, prit alors la ferme décision de le renvoyer.
On remit l’anneau royal à son fils Yav a Irung qui devint le premier Mwant Yav (Empereur Yav).

Le nouveau chef s’organisa :

Sa mère Kamong devint chef Rukonkish, son domestique devint le Kanampumb, il établit Nswan Mulapu (sous-chef) un de ses frères et Nambaz, une de ses sœurs.

La Ruwej restera envers tous, la Mère Suprême qui doit élire et contrôler la succession de Mwant Yav.

Dans son discours inaugural en juin 1952, , Mwant Yav Ditend s’exprima en ces termes :
« Je suis Roi des Lundas. Tout mon pouvoir royal descend de la Ruwej qui ordonna Chibind d’épouser Kamong avec laquelle il eut Yav. » (cfr Notes de l’Administration Belge, Archives du Scolasticat Bienheureux Jean XXIII)

Ces événements du début de l’Empire Lunda se situe vers le XVIe siècle de notre ère.

3. ADMINISTRATION ACTUELLE

Le pouvoir chez les Lundas est presque quelque chose de sacré. Il se trouve concentré entre les mains du Mwant Yav qui le délègue à ses notables. Depuis l’instauration de l’autorité coloniale, ce pouvoir se trouve juxtaposé à celui de l’Etat.

Il existe donc à Kapanga une administration bicéphale dont les deux pôles sont : l’Empereur et le commissaire de Zone. Et cela se justifie par le fait que l’étendue de la juridiction de l’empereur correspond à celle du commissaire de zone. Ainsi les frictions entre les deux pouvoirs n’en finissent jamais.



L’ETAT

A Kapanga, l’Etat est représenté par le commissaire de zone (Administrateur de territoire). Il a ses agents et ses bureaux dans le chef-lieu de la zone, au village Kapanga, à dix kilomètres de Musumba. C’est là qu’on trouve aussi la gendarmerie, le tribunal et la prison.

LE POUVOIR COUTUMIER

Le pouvoir coutumier se trouve à Musumba, la capitale de l’Empire. Le Mwant Yav , Empereur et Chef de Collectivité y organise aussi ses bureaux, son tribunal, sa police et sa prison. L’organigramme du pouvoir à Musumba se présente de la manière suivante :

A la tête, il y a le Grand Chef Mwant Yav et sa cour. Il est assisté par un collège des notables. Ce collège gouverne spécialement en l’absence de Mwant Yav.
Musumba, la Capitale de l’Empire est subdivisée en trois groupements :
Groupement Nswan Mulapu, Groupement Mutiy et groupement Kanampumb.

MUSUMBA
L’agglomération de Musumba s’oganise autour de la Grande Place appelée Dibur. De là rayonnent des avenues menant dans ses différents quartiers :
Quartier Mwant Yav, quartier Mukan, quartier Mission Méthodiste, quartier Nakabamb, Cité I, Cité II, Cités Kawel et Kambove.

Pour une meilleure connaissance de la Capitale, nous vous présentons cette structure organisationnelle :

Au carrefour donc, le Dibur ou Grand’ Place, lieu privilégié des discours du Mwant Yav, des spectacles, des défilés etc…

- Au fond du Dibur est construit le palais royal

- En face du Palais (ku mes) et au-delà du Dibur, s’établissent les notabilités appelées

Aan a Mwant Yav (les Enfants de Mwant Yav) et des fonctionnaires attachés à sa personne dont : - Nswan Mulapu, l’adjoint ou sous-chef du Mwant Yav ; - Mwant Muyimp, il apporte les messages chez le Nswan Mulapu ; Ntambu a Kabong surnommé Ntumb Chakangany, il garde la cour du chef ; Mwanat et Kankurub, deux officiers ; - Mukakatot ; - Chibamb ; - Wan-Mwaant Kaleng ; - Mwant Chot ; - Mwant Kabwit

– Derrière le Palais (ku mazemb), il y a les Ant (Pluriel de Mwant) Kanampumb, Sakawat, Kahungul, Muvumbol, Chal, Nswan-Ntambu, Mukoz.

- A droite du Palais : Nswan-Murund ou Mwant Ruwej ; Nambaz, Nakabamb, Mutiy, Nfayij…

- A gauche du Palais : Rukonkish (mère de Mwant Yav).

La population Lunda se répartit dans ces quartiers traditionnels auxquels il convient d’ajouter ce qu’on appelle aujourd’hui, les cités construites par des hommes d’affaires et qui se soustraient du pouvoir traditionnel.

4. APERCU GEOGRAPHIQUE

La zone de Kapanga est située dans un climat tropical humide à deux saisons inégalement reparties : une courte saison sèche d’un peu plus de trois mois (mi-mai à mi-aout) ; et une longue saison de pluie avec huit mois de pluviosité.

La température moyenne varie entre 24°c et 27°c

HYDROGRAPHIE
Sept grandes rivières traversent la zone de Kapanga du sud au nord : à l’ouest nous trouvons les rivières Kasaï, Kaungej et Lulua ; à l’est, les rivières Riz, Nkalany, Kajidij et Murung.
Plusieurs autres petites rivières sillonnent la zone et irriguent ses terres : Raz, Rushish, Rimpan, Ruwuj, Rutuv, Kasamwej etc…

SUPERFICIE ET POPULATION
La superficie du territoire de Kapanga est de 24.700 Km2. Il est limité au Sud par le territoire de Sandoa, à l’Est par le District du Haut-Lomami, à l’Ouest par l’Angola et au Nord par les deux provinces du Kasaï.

Il est situé entre 22° et 23° Longitude Est et 8° à 9° Latitude Sud.

Le recensement des années 1990 donne le chiffre d’une population de 100 000 habitants dont près de 25 000 habitants à Musumba, la capitale.

La population est essentiellement à vocation agricole. On pratique une agriculture d’autosuffisance. Un peu partout, on cultive le manioc, le maïs, le riz, les arachides, le haricot, le soja etc…

L’activité commerciale n’est pas négligeable. A côté des anciens grands commerçants officiellement reconnus par l’Etat comme Mulaj-a-Nsompu, Kasangij, Kanz, Mutumb, on trouve aussi une multitude de jeunes trafiquants intrépides dont les caravanes des vélos sillonnent les villages, emplissant les marchés des produits de Mbuji-Mayi, de Kananga ou de Kinshasa et Lubumbashi.

Les activités du tertiaire sont pratiquement insignifiantes. Les militaires ont débarqué à Kapanga depuis la dernière guerre du Shaba (Katanga), en 1977.

Enfin, beaucoup d’élèves et une flopée des jeunes désœuvrés complètent le recensement de la population de Kapanga.

En matière de transport, Kapanga et relié aux autres agglomérations par des routes souvent horribles. On trouve aussi à Musumba et à Kalamba des petites plaines d’aviation fréquentées occasionnellement par des avions petits porteurs méthodistes.

LANGUES ET RELIGIONS

La langue parlée à Kapanga est essentiellement le lunda (Uruund wa Mwant Yav)

Par-ci, par-là, on parle aussi le chokwe, spécialement à Musevu et dans quelques villages sur la route de Kalamb.

Le français est en principe la langue officielle comme partout en R.D.Congo, c’est la langue des bureaux, et des écoles.

Le swahili est accepté à côté du lunda comme langue de la Province, mais il n’est nullement parlé. Le lingala est plutôt la langue des militaires et des trafiquants venant de Mbuji-Mayi ou de Kinshasa pour chercher le diamant (les Kamanguiste).

Depuis l’arrivée des missionnaires protestants et catholiques, la population de Kapanga est généralement chrétienne. Récemment, des sectes ont fait irruption à Musumba et dans les villages : c’est le cas des Nzambe Malamu, excellents batteurs des tam-tams, des basantus, des pentecôtistes de tout genre.

Parmi les grandes religions de Musumba, il faut désormais compter avec le Kimbanguisme; et l’Islam qui donne à ses adeptes un air exotique et important.

A côté des religions citées, l’animisme n’a pas totalement disparu. La coutume lui donne un caractère officiel dans les cérémonies de chipaz, qui est un culte rendu à des idoles sculptées en bois.





LOISIRS

Les jeunes pratiquent bien les sports : le football reste, bien sur le sport-roi avec les grandes formations qu’on retrouve spécialement à Musumba, à savoir OCCA (Olympic Club Catholique) et ASM (Association Sportive Méthodiste).

Le basket ne manque pas d’offrir régulièrement de beaux spectacles au stade Cosmos de la Paroisse Notre Dame de Fatima de Musumba.

Jadis, la Grand’ Place (Dibur) offrait au public des danses folkloriques organisées par le Palais royal.

5. LES PAROISSES ET MISSIONS CATHOLIQUES

Le territoire de Kapanga comprend quatre Paroisses : La grande Mission de Ntita-Christ-Roi, la Paroisse Notre Dame de Fatima de Musumba, la Paroisse Sainte Famille de Kapanga, et la Paroisse Saint Michel de Kalamba.

Une répartition en secteur subdivise le territoire de Kapanga en dix secteurs ecclésiastiques :

Secteur de Musumba (avec les villages Kazol, Kateng, Karl, Katalal, Chishidil, Mwant Iland, Kabwit…), secteur de Kapanga, de Ntita, de Mulambo, de Kalamba, de Kambundu, de Musevu, de Mpanda, de Tshibamb, de Mukamwish.

 MISSION-PAROISSE DE NTITA  CHRIST- ROI

La mission de Ntita est pour ainsi dire le berceau du catholicisme à Kapanga. C’est là, en effet que les missionnaires catholiques s’implantèrent à leur arrivée : c’est la Maison-Mère avec un presbytère imposant et solennel, une vieille église massive, un jardin aux innombrables arbres fruitiers. Tout l’ensemble transpire le style roman. Elle a la configuration d’un U.

Font aussi partie de la mission, le couvent des sœurs, l’hôpital et ses annexes, les écoles, les habitations des catéchistes.

 PAROISSE SAINTE FAMILLE DE KAPANGA

Située à cinq kilomètres de Ntita, la paroisse de Kapanga se présente sous des allures vraiment discrètes et peu expansives. Les constructions sont basses et réduites à l’essentiel. La rivière Lulua passe à deux kilomètres de là.
Kapanga est le Chef-lieu du territoire qui porte le même nom.


 PAROISSE SAINT MICHEL-KALAMBA

Elle fait figure de nouveau-né. Son église pareille à celle de Musumba est de style moderne.

Elle a été construite tardivement par la vague salvatorienne. La cure est bien blottie sur elle-même.

C’est la paroisse qui fait frontière avec la province du Kasaï-Oriental.

 PAROISSE NOTRE DAME DE FATIMA-MUSUMBA

Construite en plein cœur de la Capitale de l’Empire, Notre Dame de Fatima s’élève majestueusement avec son carillon dans le ciel de Musumba.

L’Eglise et la Paroisse forment tout un ensemble dont les portes ouvrent directement sur la Grand’ Place (Dibur).

Face à Notre Dame de Fatima, après avoir traversé le Dibur, est érigée l’Eglise méthodiste Jérusalem. Derrière, est construite l’école primaire Mayemb-a-Kasaj. A gauche de la Paroisse, c’est le Palais impérial, enfoui dans les arbustes qui filtrent la blancheur jadis coquette d’une œuvre architecturale aujourd’hui ternie.












CHAP 2  
 DE LA PREFECTURE APOSTOLIQUE DE LULUA-KATANGA CENTRAL AU DIOCESE DE KOLWEZI

Il convient de remonter à la Préfecture Apostolique Lulua-Katanga Central pour mieux comprendre la naissance du Diocèse de Kolwezi et de la Mission de Kapanga.

Le 15 juin 1920, la Propaganda Fide, à Rome, charge les Pères Franciscains de se rendre dans la région du Moyen-Katanga et la région de Lulua.

En effet le Cardinal Van ROSSUM avait signalé à Rome une extension rapide du protestantisme. Verbalement, il écrivit ce qui suit : « les protestants propagent leurs enseignements pernicieux dans cette région. Nous ne pouvons plus observer cela passivement longtemps encore. »

Ainsi, en juin 1920, le Cardinal obtint de Rome une réponse favorable, c’est alors qu’il remit au « Très Révérend Père Albert LISMONT, ministre provincial de Belgique, une lettre dans laquelle il le priait d’envoyer beaucoup des missionnaires dans cette région.

Quelques mois plus tard, le Père Théophile TIELEMANS et un autre Père s’embarquèrent pour le Congo. C’était le 1er octobre 1920. Ils n’arrivèrent au Katanga et plus précisément à Kanzenze, qu’en Avril 1921 en passant par Matadi.

Par ailleurs, ayant quitté l’Europe à la mi-novembre 1920 et faisant leur entrée par l’Afrique du Sud (cap Town), les Pères franciscains Valentin STAPPERS et Sabin SERNEELS ainsi que les Frères Remi BOEVER et Justin COSTER foulèrent le sol Katangais déjà le 15 Décembre 1920. Ils s’installèrent dans la mission de Kanzenze fondée déjà par les Scheutistes en 1909.

C’est l’équipe de Père STAPPERS qui fondera la Préfecture Apostolique de Lulua-Katanga Central. Deux autres Pères viendront les rejoindre en Novembre 1921. Il s’agit des Pères Florentin DE SMEDT et d’Ernest VAN AVERMAET. Ces deux nouveaux prêtres, s’adjoignant au Père STAPPERS, le supérieur, vont fonder en 1922, la mission de Sandoa. Avec ces deux postes de Mission franciscaine, le Saint-Siège jugea opportun d’ériger cette contrée en Préfecture. Elle fut dénommée PREFECTURE APOSTOLIQUE DE LULUA-KATANGA CENTRAL, ce fut le 18 juillet 1922. Et le Père Valentin STAPPERS en fut nommé Préfet Apostolique. Cette forte personnalité devra désormais présider à la destinée de cette contrée par Rome lui confiée.

Le travail évolua rapidement. D’autres postes de mission vont, en effet, surgir : Kafakumba en 1925, Dilolo-Poste en 1927, et Kapanga en 1929.

Le Préfet Apostolique alla s‘installer à Luabo près de Kamina. C’est à Luabo finalement où fut transféré le siège de la Préfecture.

Le Saint-Siège remarqua la bonne évolution de la situation et pour récompenser cet engouement missionnaire il fit passer la mission franciscaine de Lulua-Katanga Central du statut de Préfecture à celui de Vicariat Apostolique, le 26 février 1934. Monseigneur STAPPERS fut nommé le même jour Vicaire Apostolique et le T.R.P. VAN AVERMAETS, Pro-Vicaire et Vicaire-Délégué.

A titre d’information, la Préfecture Apostolique et le Vicariat Apostolique sont une portion déterminée du Peuple de Dieu qui, à cause de certaines circonstances, ne sont pas encore constitués en Diocèse. Ils sont gouvernés au nom du Pontife Suprême. Le Préfet et Vicaire ont bien un pouvoir ordinaire, mais seulement vicarial.

Souvent en pays de Mission, c’est l’étape par laquelle on passe avant l’implantation des diocèses, véritables églises particulières.

Les franciscains venaient donc de planter définitivement la Croix du Christ dans le sol de nos ancêtres. Les postes de Mission vont se développer, les missionnaires étant animés par le zèle apostolique et leur opiniâtreté à vaincre les difficultés.

Monseigneur STAPPERS y consacra beaucoup de générosité : dès les premières années les conversions se comptaient par centaines et bientôt par milliers.

Mieux encore, dans les années 1940, on assista déjà aux premières ordinations des autochtones : Monsieur l’Abbé Barthélemy Malunga en 1945 à Luabo, et Monsieur l’Abbé Sabin Makondo, le 27 juillet 1947 (le premier prêtre de Kasaji et de toute cette Sous-région)

Vers les années 1950, Monseigneur STAPPERS dut démissionner. Nous lui reconnaissons le mérite d’avoir mis sur rails les deux futurs diocèses de Kamina et de Kolwezi. Il est remplacé par le Père Victor KEUPPENS, depuis le 25 juin 1950.

Monseigneur Victor KEUPPENS se dépensera aussi corps et âme au bénéfice de ce Vicariat qui, dans l’entre-fait, venait d’être institué en Diocèse de Kamina (comprenant la Sous-région du Haut-Lomami, la Ville de Kolwezi et la Sous-région de la Lulua : Dilolo, Sandoa, Kapanga). C’était le 10 Décembre 1959. Il vivra vingt ans à la tête de ce Diocèse, parcourant nos villes et villages pour administrer les sacrements de confirmation, conforter la foi du Peuple de Dieu…

En 1967, il commença les démarches qui devaient aboutir à la scission du vaste Diocèse en deux parties. Initialement, Monseigneur avait plutôt prévu que la scission se ferait en trois parties qui seraient dénommées :

- Diocèse de Kamina : avec son Siège apostolique sis à Kamina, il se composerait des centres de Kamina, de Bukama au sud, de Kaniama au Nord, et à l’Est, Kinkondja serait la limite.

- Diocèse de Kolwezi avec Kolwezi comme Siège, en feraient partie : Mutshatsha, et Dilolo.

- Diocèse de Kapanga : Siège apostolique à Kapanga, la zone de Sandoa y serait annexée

A la suite des rencontres entre évêques du Katanga, à la suite d’une abondante correspondance, on accepta la scission du diocèse de Kamina en deux parties, du moins dans l’immédiat. Le Diocèse de Kamina avec les frontières lui assignées ci-haut. Et le Diocèse de Kolwezi qui annexerait aussi Kapanga et Sandoa sous cette condition, écrit Monseigneur Eugène Kabanga, qu’on prévoit déjà la constitution de ce troisième Diocèse dès que le personnel nécessaire serait disponible (cfr lettre du 5 février 1971).

Mgr G. BOUVE ; Mgr Alain Le Roy et une lettre du Père Provincial de la province Saint Joseph de Belgique abondèrent dans le même sens pour une subdivision en trois parties de l’actuel Diocèse de Kamina.

Le 11 Mars 1971, par la bulle « Ad perpetuam rei Memoriam » de Paul VI, la scission du Diocèse fut finalement faite en deux parties. Le 18 Mars 1971, la Nonciature Apostolique communique que le Saint Siège a érigé le nouveau Diocèse de Kolwezi, détaché de celui de Kamina.

Le Saint-Siège transféra S.E. Mgr Victor KEUPPENS du Siège de Kamina à celui de Kolwezi. Il nomma le même jour, S.E. Mgr Barthélemy MALUNGA, évêque résidentiel de Kamina. Kolwezi fut érigé ainsi en 47e diocèse de la République Démocratique du Congo.

Ainsi aboutirent les efforts de Mgr KEUPPENS pour la scission qu’il envisageait. Il a fallu beaucoup de tractations entre Mgr KEUPPENS et les autres évêques de la Province ecclésiastique de Lubumbashi, et des interventions ponctuelles de S.E Mgr TORPIGLIANI, alors nonce Apostolique à Kinshasa.

Du 18 au 19 Novembre 1971 se tint un Conseil Presbytéral à Kolwezi au cours duquel l’abbé Miche NAWEJI fut élu Vicaire Général du Diocèse, et Mgr KEUPPENS entérina les résultats de l’élection du Conseil.

Mgr KEUPPENS resta encore trois ans au siège Apostolique de Kolwezi. Bientôt, il se sentait déjà défaillir, il fallait donc songer à son remplacement. Ainsi, l’abbé Floribert SONGASONGA de l’Archidiocèse de Lubumbashi fut nommé à la tête du Diocèse de Kolwezi. Le 24 Aout 1974 le Cardinal Joseph Albert MALULA le sacrait Evêque de Kolwezi au théâtre de la Verdure à la cité- Gécamines-Kolwezi.


























CHAP 3
LES PIONNIERS DU CHRISTIANISME A KAPANGA

C’est en 1929 qu’arrivèrent les premiers Franciscains à Kapanga en provenance de Sandoa. Il s’agit des Pères Evrard LAUWERIJS, de Père Ammans SMEETS et de Frère Remi. Avant cette date, le peuple lunda avait seulement entendu parler de l’Eglise catholique et de ses « Pères ». Le Kasaï voisin était déjà, en effet, évangélisé et la zone de Sandoa, dans la province du Katanga, était déjà constituée en mission catholique. Certains habitants de Kapanga ont même pu obtenir des sacrements à partir de ces missions voisines : c’est le cas, par exemple, du chef Mwin Masak Kalamb Albert qui fut baptisé à Tielen-Saint Jacques Tshilomba dans le Kasaï. Tandis que le Chef Mwin Kapanga TSHIZAU René arrivera à Kapanga déjà baptisé par les Pères de Sandoa. Ces chrétiens, et d’autres encore, seront, selon les registres de baptêmes de la mission de Ntit, les parrains de plusieurs premiers chrétiens de Kapanga. Le premier chrétien inscrit dans le registre de Kapanga est Théophile MUKISH KAPEND, baptisé par le R.P. Evrard, le 19 avril 1930.

Cependant, selon une certaine tradition, on raconte qu’il y aurait eu, auparavant, un missionnaire scheutiste du Kasaï qui serait venu à Kapanga en 1909. Ce Père se serait même installé au-delà de la Raz, entre Nfachingand et le village Kaleng. L’ouvrage NGAND YETU, à la page 58, raconte que « ce missionnaire vint de Malandj(Luluabourg) à Mikalay, il demeura 3 mois à Kapanga, puis s’en retourna d’où il était venu emmenant avec lui quelques jeunes dont l’un fut le fils de Mwant Yav MUTEB-A-KASANG, qui s’appelle Mushitu Henri. Le Père Willy SMEET, chroniqueur que nous avons consulté, parle aussi de ce fameux Père scheutiste venu de Mikalay à Kapanga. Selon toute vraisemblance, ce prêtre n’aurait pas eu alors l’intention de s’installer à Kapanga pour évangéliser ou administrer des sacrements.

Par contre, la présence officiellement reconnue des scheutistes au Katanga, est celle signalée à Kanzenze, la même année 1909. (Voir ci-dessous).



1. LE VOISIN SCHEUTISTE

Les scheutistes sont arrivés à Luluabourg (Kananga) en 1891, à 366 km de Kapanga. Plus précisément ils s’installèrent à Mikalayi où ils fondèrent une grande mission. Ils commencèrent naturellement par une cabane en branches des palmiers. Le fondateur de ce poste de mission fut le fameux Père CAMBIER. L’ouvrage rédigé par P. SCHEIDER (histoire de l’Eglise Catholique du Kasayi) est très éloquent là-dessus. Il raconte que la première nuit se passa sous la tente. Et la messe fut célébrée pour la première fois sur la colline de Mikalayi le 08 décembre 1891, à la fête de l’Immaculée Conception. La tradition vient de Mgr De CLERQ, premier Evêque du Kasaï. Cette mission fut dédiée à Saint Joseph.

Notre auteur signale aussi que les premiers missionnaires eurent une vie matérielle très difficile. C’est ce que témoigne le Père CAMBRIER lui-même lorsqu’il écrivait : « notre vie matérielle était misérable. Fin 1891, je me suis trouvé seul à Luluabourg. Faute de vin, pas moyen de célébrer la messe. Pas moyen de me confesser, mon confrère le plus proche étant à un mois de distance. Il m’a fallu me faire construire une cabane, puis une hutte en pisé et chercher ma nourriture… »

C’est ce Père qui entreprit aussi un voyage héroïque à pied, jusqu’à Kanzenze au Katanga avec sa disponibilité qu’il exprimait toujours en ces termes : « on le veut, incluons-nous et allons-y ». On ne sait rien de ce qui arrivera à la suite de ce voyage où le Père CAMBRIER passa par Hemptine, Mérode, Tielen, Kayembe-Mukulu…

Les véritables fondateurs de la mission de Kanzenze furent plutot les Pères VANDERMOLEN, VANCOILLIE et le Frère Hippolyte FIERS. Ils arrivèrent à l’Etoile du Congo (Lubumbashi) le 06 mars, et en septembre 1909, ils atteignirent RUWE (Kolwezi).

C’est en octobre 1909, qu’ils arrivent enfin à Kanzenze. Les Pères scheutistes montrèrent peu d’enthousiasme pour cette époque expriment toujours des plaintes de l’éloignement de sa chère mission de Mikalayi. Il était surtout déçu par la faible densité de la population dans cette contrée.

Plus tard, lorsque les Franciscains, en 1920 seront préposés à prendre Kanzenze, les scheutistes accepteront volontiers de leur céder ces terres.

2. LE CHRISTIANISME DES PROTESTANTS METHODISTES

L4Evang2lisation de Kapanga est d’abord, et avant tout marquée par la présence très influente du protestantisme américain. Nous nous rappelons que c’est à cause de cela surtout, que le Saint Siège de Rome voudra bien contrer la propagation de l’Enseignement pernicieux de nos frères séparés (les protestants).

C’est en 1912 que Monsieur et Madame SPRINGER sont arrivés à Musumba, reçus par MWANT TAV MUTEB, nous raconte Ngand Yetu (pp 84, 89).

Après avoir installé leur tente, ils se sont vite mis à l’œuvre en apprenant aux gens à prier, à exécuter des chants religieux… mais cette première expédition à Musumba fut de courte durée. Le couple américain dut rentrer au Pays de l’Oncle Sam, promettant au Mwant Yav qu’il reviendrait l’année suivante accompagné d’un médecin.

Sur leur chemin de retour, Monsieur et Madame SPRINGER rencontrèrent un pasteur noir appelé KAYEK CHANGAND. Ils lui demandèrent d’aller à Kapanga et d’y assurer l’évangélisation en leur absence. KAYEK CHANGAND dont la mère Chivumb Kapalang était fille du chef Kazemb à Lukoji, (cfr Ngand Yetu, p.141 et 160) avait été vendu esclave en Angola. Le sort le mit en contact avec des missionnaires méthodistes qui l’ont aimé et fait de lui un pasteur efficace. Il retourna donc sur la terre des aruund, la terre de ses ancêtres en 1913 (Ibidem, p.93). Il y enseigna la parole de Dieu tout en dispensant quelques bribes d’alphabétisation aux jeunes gens de Musumba.

Quelques mois plus tard, la même année 1913, arrivait Monsieur HENKLE. C’est à lui que revint, pratiquement, la tache de la construction de la mission méthodiste de Musumba.

En 1914, on accueillit le médecin de la promesse, le Docteur PIPER et son épouse. Ils donnèrent naissance à une fille qu’ils nommeront Ruth MUTEB. Le père de Ruth Muteb, le Docteur PIPER devint ainsi, selon la désignation du terroir, Docteur Samuteb.

Après ces premiers missionnaires la voie du méthodisme était désormais ouverte. Les américains feront de Musumba leur fief, évangélisant, éduquant, construisant. Les lundas adoptèrent nombreux cette nouvelle religion. On forma des pasteurs indigènes, des infirmiers, des enseignants…

En mémoire de KAYEK CHANGAND, la mission méthodiste de Musumba porte aujourd’hui le nom de KAYEK ; tandis que l’hôpital principal de Musumba est dédié au Docteur PIPER et est appelé Hôpital MEMORIAL SAMUTEB.

3. LA PENETRATION ENERGIQUE DU CATHOLICISME A KAPANGA

Kapanga étant considéré comme une terre sous-tutelle méthodiste (entendez américaine), on ne pouvait qu’à peine imaginer une éventuelle »conquête » des missionnaires catholiques (entendez belges). Pendant plus de quinze ans les protestants régneront en maitre à Musumba.le 16 mai 1929, les premiers missionnaires catholiques débarquèrent à Kapanga, sous l’œil méfiant des méthodistes. Il s’agit de Père Evrard et de Frère Remi qui furent immédiatement suivis par le Père Amans.

Cependant ces premiers missionnaires belges ne se sentirent pas du tout dépaysés. Ils furent, en effet accueillis par la communauté européenne du poste de Kapanga. Le chef de Poste de Kapanga demanda aux Franciscains nouvellement arrivés de s’installer à Kapanga même, Chef-lieu du Poste.

On pouvait aussi lire la joie dans les yeux de certains indigènes d’avance conquis à la cause catholique.

Dans le cortège qui accompagnait les missionnaires venants de Sandoa, il convient de noter la présence de deux autochtones très influents : Mudikit Alphonse et Chizau René. Ils furent des auxiliaires très utiles dans la propagation de la foi catholique, pendant ces premières années.

Désormais à Kapanga, comme bientôt à Musumba, il fallait compter avec les catholiques.

Les agents coloniaux le savaient beaucoup mieux que quiconque dans cette contrée perdue du Congo-Belge.

Il est à noter que le protestantisme au Congo est aussi vieux que le catholicisme. Son installation a obéi à certaines exigences : à l’origine, il s’agissait de dresser des barrières à l’extension de l’Islam ; puis par la suite les stations protestantes s’attelèrent à contrebalancer le catholicisme. Voici quelques stations protestantes et leur installation au Congo :

§ Baptist Missionnary Society (1882)

§ American Baptist Foreign Mission Society (1884)

§ Garenganze Evangelical Mission (1886)

§ Mission Méthodiste au Sud Congo (1913)

Mais à cette époque l’Eglise catholique resta l’Enfant – Chéri de l’administration coloniale belge au Congo.
En principe, le Congo-Belge était un état laïc. Mais à cause des convoitises politiques et économiques des puissances Anglo-Saxonnes la petite Belgique se vit obligée de renoncer au principe de libre exercice de toutes les confessions. C’est alors que le pouvoir Belge se mit à favoriser sans scrupule et presque exclusivement les missionnaires Catholiques. On consacra presque la trilogie Agent Colonial – Agent Commercial – Agent Missionnaire (catholique) tous travaillant dans un climat de parfaite collaboration. On soutint sans réserve les missions catholiques en leur accordant des subsides, des concessions des terres très vastes et beaucoup d’autres faveurs. L’Eglise Catholique eut presque un monopole dans le système éducatif : beaucoup de grands collèges au Congo et l’Université Lavinium de Kinshasa sont catholiques.

Les Belges considéraient ainsi le Congo comme une propriété inaliénable qu’ils avaient conquise à la sueur de leurs fronts et au prix de leurs vies.

Ecoutez ce poème d’Edmond PICARD :

« Nous l’avons gagné par nos peines

Et par nos poings.

Il est teint du sang de nos veines

Dans tous les coins.

Il n’est pour la Cambriole,

Ce fin morceau.

Ni pour que des mains le volent,

NOTRE CONGO !

Vous tripotez en vraies canailles

O flibustiers

Comptant après nos batailles

Pour piller.

Mais nous avons, pour le défendre

Du poil au dos.

Malheur à qui voudrait le prendre !

NOTRE CONGO ! NOTRE CONGO ! »

Edmond Picard, Notre Congo, 1909

Les craintes de la Belgique étaient, bien sûr, justifiées. Les américains débarquaient déjà au Congo en pasteur. L’Angleterre qui avait refusé l’offre de son explorateur Stanley, regrettait ce fait. L’enjeu était donc que le Belge venait en catholique, tandis que les américains et les anglais en protestants.

CHAP 4
 L’EFFORT D’IMPLANTATION FRANCISCAINE


La rencontre entre deux civilisations totalement étrangères ne peut se passer sans heurts. Pour le missionnaire Belge, ainsi que pour les autres étrangers débarqués à Kapanga l’homme blanc seul est « civilisé » ; tandis que le noir se comportait en « sauvage ».

De ce fait, que des erreurs commises ! Voici ce que rapportent les chroniques reconstitués par le Père Jérôme : « ici, les hommes vivaient comme au temps de Clovis, roi des Francs : en clans.

Les villages sont liés par des sentiers. L’effort du règne est calculé et limité au minimum. Il fait ce dont il a vraiment besoin : construire des huttes, la chasse, la pêche. Il fabrique des machettes, des flèches, des tam-tams et aussi de la bière. L’homme se fabrique une chaise en bambou afin d’admirer de l’ombre où il est assis, la femme qui laboure avec son bébé sur le dos. Ainsi donc, la colonisation vint apprendre à ces hommes qu’on doit travailler pour gagner de l’argent de quoi se payer une radio ou un pantalon et aussi l’impôt. »

C’est dans cet esprit donc, que le colonisateur va aborder l’équation-Afrique. Il fallait « civiliser » le nègre. Pour ce faire, on y alla par étapes. Au moment où les missionnaires catholiques arrivaient à Kapanga, on en était encore à apprendre à construire les villages en briques séchées (briques en potopoto). C’est aussi pendant ces années-là qu’on commença à tracer des routes. On terminait l’axe Dilolo-Luluabourg (Kananga).

Les villages dont la plupart avaient leur centre d’intérêt le long de la rivière Lulua, devaient se déplacer pour s’aligner devant les routes principales : « Quelques sentiers insignifiants de moins pour ces nègres ».

Le paysannat se développa : avec la culture obligatoire de coton, par exemple. Ainsi donc, le fonctionnaire de l’Etat colonise, le missionnaire évangélise et adoucit les mœurs, à chacun sa part de travail dans la colonie.





1. LE PERE EVRARD ET LE PERE AMANS.

Monseigneur STAPPERS accorda aux missionnaires qui étaient à Sandoa la permission d’étendre leur mission vers le Nord. Pourtant, pour ouvrir un poste de mission à Kapanga, il n’y avait pas assez de missionnaires.

Malgré cela, le 16 mai 1929, le Père Evrard s’embarquait quand même pour Kapanga en passant par MUTEBA, KADING, DINING. Il retraversa la rivière Lulua et atteignit MUSHIND puis KAROV et enfin MUSUMBA.

Le Chef des lunda, le Mwant Yav, se déclarait d’accord avec la fondation de la mission Catholique, mais à condition que l’Eglise Romaine ne s’installât point à Musumba où les méthodistes avaient déjà installé leur Quartier Général. Ces derniers, en effet, exigeaient de garder le monopole dans la Capitale de l’Empire.

Monseigneur ne pouvait qu’accepter l’alternative d’installer ses missionnaires dans le village de Kapanga à dix kilomètres de Musumba. L’administration Coloniale contribua à bâtir, pour ces nouveaux-venus, une maisonnette et une petite église, un peu en retrait du quartier résidentiel, à peu près devant l’actuel Foyer qui est à Kapanga. Ainsi installés, les Pères ne resteront pas bras croisés sous les ailes protectrices de l’Etat. Ils se mirent à la recherche d’une terre propice pour y fonder une grande mission.

Le 31 mai 1931, le Père Amans, qui avait déjà rejoint le Père Evrard, choisit dans une plaine, la place idéale pour cette fin. C’était sa terre promise près d’un petit ruisseau, Ntit. C’est là que sera construite la Grande Mission Catholique de kapanga. Le projet était de grande envergure. On commença par une habitation provisoire. A ce sujet, nous avons deux sources divergentes sur la date exacte du début de ces premières constructions.

Le Père Willy SMEETS atteste qu’on posa la première pierre de construction de l’Eglise, déjà le 08 aout 1929 dans un acte officiel où l’Administrateur lui-même fut présent. Tandis que les chroniques reprises par le Père Jérôme place le début des constructions tard vers 1931, ce qui, à notre avis, est réaliste et plausible.

Qu’importe ! Il est cependant attesté par tous que c’est le frère Rémi de BOEVER qui construisit ces premières habitations.

Pour officialiser l’installation des Pères à Ntita, il fallait obtenir l’acte de cession des terres de la part du Gouverneur du Katanga à Elisabethville (Lubumbashi).

Les démarches furent entreprises par le Représentant légal de la Mission Franciscaine, Monseigneur Valentin STAPPERS, alors Préfet Apostolique de la Préfecture de Lulua-Katanga Central. Le 7 décembre 1933, il signa un contrat de cession gratuite de terre conjointement avec le Commissaire de Province Monsieur Amour MARON. Ce contrat octroyait aux Pères une superficie approximative de 100 (cent) hectares. (cfr fig.)

Néanmoins la mission devait payer certaines indemnités dont celle à payer aux indigènes pour cession de leurs droits, soit une somme de 100 francs. Les Pères devaient aussi payer 100 Francs pour frais d’indemnité due à la colonie pour le déplacement de son Représentant.

Les premières années furent consacrées essentiellement aux constructions, notamment celle de la mission et de l’église de Ntita.

Les briques furent fabriquées avec la glaise de la rivière Lulua, située à 11 km du site des constructions.

Quant au financement du projet, Monsieur VERRIJKEN de Mechelen (Malines) en Belgique, accepta de mettre à son compte les factures des constructions. Et il émit le vœu de voir l’église consacrée au CHRIST-ROI, le nom que porte encore aujourd’hui la dite mission.

Le Père Evrard célébra son premier Noël sur le sol de Kapanga, déjà la première année de son arrivée, le 25 décembre 1929 : Jésus venait de naitre dans la campagne de Kapanga. Et le labeur ne venait que de commencer.

Par ailleurs, les missionnaires prirent à cœur aussi l’apostolat de brousse : ils ne s’occupèrent pas seulement de Kapanga – Centre, mais ils fondèrent aussi des communautés chrétiennes et des chapelles un peu partout à l’interieur. Vers Chal (Sandoa), ils établirent une chapelle à Mwana – Kaj ; vers Chamba et Musevu, les missionnaires construisirent à Samukaz, vers Ntembo et tout l’axe de la Nkalany, ils basèrent leur « Quartier Général » à Ntembo-même. De toutes ces anciennes constructions, aujourd’hui il ne reste plus que des ruines, les villages ayant suivent changé de site. En 1931, on traduisit complètement le catéchisme en lunda, il sera imprimé à Malines en 1934 sous le titre de « Mazu ma Nzambi. Mukanda wa katekismu Katolika mu dizu da uruunda. »

En 1932, la mission reçut la visite réconfortante du Père Commissaire, le T.R.P. Florent de SMEDT.

Dès leur première arrivée, les missionnaires créèrent des écoles primaires dans plusieurs villages : en octobre 1929, ouverture d’une école à Kapanga ; le 02 juin 1930, à Chishidil ; le 22 juin 1930 à Musumba ; le 10 juillet 1930, à Karl ; en octobre de la même année des écoles à Chamba et à Kambundu.

Pendant plus de trente ans, les missionnaires ne se limitèrent qu’au cap du primaire, aucune structure ne fut mise en place pour favoriser l’émergence des écoles secondaires. Il faudra attendre la fin des années 60.

Ceci est une situation généralement reconnue pour toute la colonie Belge du Congo. C’est ce qu’exprimera des années plus tard Colette BRAECKMAN dans son ouvrage : Le Dinosaure : Le Zaïre de Mobutu, à la page 126. Elle écrit :

« Au contraire des français ou Britanniques, le Belges édifièrent la pyramide de l’enseignement non avec des ambitions de pédagogues, mais avec une mentalité de maçons : de leur point de vue il fallait d’abord étendre très prudemment, le secondaire. »

Conscient de l’incommensurable retard causé par cet état des choses, les Pères de Kapanga essayèrent de se rattraper en envoyant des jeunes dans des milieux plus favorisés où ils avaient quand même crée des écoles secondaires. En 1933, ils envoyèrent 6 garçons à Luabo –près de Kamina) et 20 autres à Sandoa pour les études d’instituteur. Mais l’on se rend bien vite compte, que comme tel, il y avait-là une brèche que rien ne peut combler. Le sable ne suffit pas là où il faut du ciment : les missionnaires ont laissé Kapanga longtemps dans un vide intellectuel déplorable.



2. NAISSANCE DE L’EGLISE CATHOLIQUE A MUSUMBA.

L’Eglise des Pères ne pouvait se résigner au ghetto que lui imposaient les contingences historiques. L’élan missionnaire devait pousser les hommes en soutanes à aller là où les méthodistes régnaient en maitres. Dès 1930, ils débarquent à Musumba, où fourmillaient plusieurs âmes à convertie. Ils créèrent un modeste endroit de prière et une école entre la résidence de l’Empereur et le marché actuel.

Heureuse conversion…

L’installation catholique ne se fit pas sans heurts. Les méthodistes ne tolèrent pas l’empiètement des catholiques dans leur fief. La guerre était donc déclarée. Pendant des années, les deux confessions vont coexister en véritables ennemies. Les conflits se manifestaient surtout au niveau des enfants à l’école, des batailles avaient souvent éclaté sur la Grand’ Place, dans le rue, au marché ou au moment des spectacles culturels. Pour se taquiner mutuellement, les enfants de l’école catholique exécutaient souvent ce chant de guerre : « Ansand, ansand a ku Mwimpel, Mishon, mikwan ya anzol », ce qui veut dire : la véritable jeunesse est catholique, les méthodistes ne sont que des pattes des poules. Les enfants de l’école méthodiste ripostaient par leur fameuse mélodie de : « Mwimpel kuyindam, amosh kal nfand ku wedj… » Répétée plusieurs fois, cette mélopée est une satire pour se moquer des Pères qui trimbalent une longue barbe. Littéralement : « O ! Malheureux Père qui vient de bruler sa barbe à une cartouche. »

Les Pères prêchent à leur enfants que « lire les brochures ou autres livres des « séparés » (protestants) est un péché : « Kutang mikand ya in kwaurik, ni kov mazu makatau kujilej, chid chitil » cette intolérance mutuelle à Musumba va se perpétuer d’année en année comme nous allons le voir. Le catholicisme a eu une tâche ardue pour se tailler une place au soleil de Musumba.

L’heureux événement qui permit à l’Eglise de Rome de ne pas etre étouffée dans l’œuf par les américains méthodistes fut la conversion d’une grande notabilité de l’Empire Lunda en la personne de Maku RUKONKISH KAT Elisabeth, la sœur ainée de Mwant Yav. Elle fut baptisée le 19 aout 1933, par le Père Evrard. Elle est inscrite dans le Registre des Baptêmes de la mission Ntita sous le numéro 436.

Ce baptême trouva un grand retentissement parmi la population de Musumba qui venait d’obtenir un soutient rassurant dans sa foi. Et même au Palais de l »Empereur l’événement fut de taille. L remarquable néophyte fut abondamment ovationnée et transportée dans le chipoy, pendant que son frère, le Mwant Yav venait à sa rencontre en grande pompe.

Selon les missionnaires, la profession de foi de la Rukonkish était considérée comme la reconnaissance officielle du catholicisme à Musumba. Maku Rukonkish Elisabeth se rendait à la grande mission de Ntit deux fois par semaine ainsi que chaque dimanche avec sa suite pour accomplir son devoir de piété. Auprès du Mwant Yav, elle pesa de tout son poids pour protéger l’Eglise catholique et lui donner droit de cité.

Par un acte de reconnaissance, l’Eglise de Musumba, construite en 1937, fut dédiée à Sainte Elisabeth, le prénom chrétien que portait la Princesse. A sa mort, la dépouille mortelle de cette dame fut enterrée pieusement au cimetière chrétien de Ntit, contrairement à la coutume ancestrale qui veut que les notabilités du pouvoir impérial fussent enterrées à leur cimetière propre situé à l’entrée de la capitale de l’Empire. Les conséquences immédiates de cette heureuse conversion furent, entre autres celles-ci :

1° Les Pères pouvaient venir officiellement à Musumba

2° La cession, à la mission catholique par le Mwant Yav d’un terrain de 80 mètres sur 80 au coin ouest du Forum Sacrum, la Grand’ Place. Dans le camp méthodiste, c’était la rage au cœur.


3.   LES ANNEES NOIRES : DE 1933 à 1935

A partir de 1933, nous pouvons dire que l’Eglise Catholique avait réussi à prendre racine dans le sol des aruund à Kapanga. On compte déjà 500 chrétiens, 750 catéchumènes et 4.000 sympathisants. Mais bientôt, la nouvelle chrétienté sera assaillie par d’innombrables difficultés et malheurs.

Il fallait poursuivre les constructions à Ntit, à Musumba et dans certains villages. Cependant le doute vint s’installer quant à l’achèvement de ces œuvres : où trouver continuellement des bienfaiteurs ? Bien sur, Monsieur VERRIJKEN n’arrêta point de se montrer généreux jusqu’au bout. Au moment où l’avenir des constructions paraissait compromis, notre bienfaiteur de Malines daigna envoyer 1.000 Frs, puis 400 Frs et même 10.000 Frs, des sommes qui, à leur époque, valaient leur pesant d’or. Willy, le chroniqueur, fait remarquer qu’on mentionna un Deo gratias (un merci) à ce sujet.

Après avoir planté des arbres dans la mission et les alentours en décembre 1933, on commença la construction du presbytère en 1934 sous la direction du frère Trudo. On fit aussi une briqueterie, une tuilerie et un moulin d’argile.

Mais la même année, un feu de brousse atteignit la mission et la ravagea de ses flammes. Les malheurs vont dès lors, continuer à s’abattre sur la mission : le 24 octobre 1934, la menuiserie de Ntit s’écroula sous le coup d’un ouragan très violent ; le 30 octobre de la même année la chapelle de Musumba est emportée aussi par la tempête. Le personnel missionnaire se faisait rare pour Kapanga, car les Franciscains pensaient en fait à abandonner progressivement leur engagement pour Kapanga, ce coin très éloigné de la Préfecture, afin d’étoffer le personnel de Dilolo, Sandoa et Kanzenze.

En 1935, le Père Amans échappa à une noyade et trois ans plus tard, tombé malade, il se retira à Sandoa d’abord, puis en Europe. Il y avait de moins en moins d’enthousiasme. On ne pouvait pas encore compter, avec une assurance pleine, sur les catéchistes locaux dont les quelques miettes de connaissance en matière religieuse ne pouvaient qu’être employées avec réserve.

Heureusement, Monseigneur STAPPERS exprima quand même le souhait d’avoir à Kapanga une école de formation des catéchistes. En 1935, il y eut des pourparlers à ce sujet, et en octobre de la même année on ouvrit les portes de la dite école avec 15 hommes. Malgré cette petite lueur d’espoir, du coté des constructions à Musumba tout comme à Ntit, c’est la débâcle, plusieurs projets furent ajournés : le financement de Monsieur VERRIJKEN seul ne pouvait suffire.

La vie chrétienne en général se trouva au ralenti et incertaine. Les missionnaires sont scandalisés d’une part par le nombre des divorces entre chrétiens mariés religieusement et d’autre part par le retour facile de ces mêmes chrétiens à la divination (kupong) et la magie : bon nombre des fidèles voulaient se contenter d’un syncrétisme qui les retenait à la lisière entre le paganisme et le christianisme. Certaines personnes abandonnèrent carrément le chemin dur des « Amwimpel » (des Pères). La mission n’a même pas encore dix ans, déjà le dégout veillait quelque part dans les cœurs des uns et des autres.

Malgré toutes ces difficultés, on se remit à planifier. La force de la volonté missionnaire ne fut pas terrassée, l’Esprit de Dieu continua à souffler sur Kapanga. Avec la création de l’école des catéchistes, on pouvait etre relancé. Les missionnaires ont compris les paroles du Pape Pie XI qui disait dans son encyclique Rerum Ecclesiae qu’il fallait occuper instamment les territoires des missions en partant du principe : « Une poignée des missionnaires appuyée sur une armée des catéchistes ». Ce sont les catéchistes qui seront appelés, dans leurs villages, à devenir les modèles de vie chrétienne. Parmi les premiers catéchistes de Kapanga, il convient de citer : Albert Kalamb, Albert Mulaj et François Mayemb. Albert Kalamb a spécialement travaillé dans le circuit de la Nkalany avec le Père Kawel Adhémar dont nous allons parler au point suivant. Nous avons à son sujet recueilli le témoignage oral de Monsieur Rumbu Koj qui l’a connu : « Ce catéchiste fut un brave homme. Il était très célèbre, aimé et applaudi par la population à tel point qu’il a joui lui aussi, à certains moments du privilège d’être transporté sur le chipoy, simplement par amour et reconnaissance ».

C’est en 1937 que le Frère TRUDO termine finalement la construction de la grande église de Ntita-Christ-Roi. En 1939, sous la supervision du même Frère TRUDO et de Frère ARNOLD, le presbytère est aussi entièrement construit.

A Musumba, après avoir repris les travaux arrêtés, le Frère TRUDO achève de construire aussi l’église Sainte Elisabeth de 38 sur 8 mètres. Construite au coté ouest de la Grand’ Place, cette église était provisoirement recouverte de paille.

L’on s’occupa aussi à bâtir la maison d’habitation des Pères dont le toit fut joliment habillé en tuiles. Plus tard le Père Godard couvrira aussi l’église de ce précieux matériau. Forts de ces atouts des constructions, les missionnaires pouvaient enfin espérer poursuivre l’évangélisation en profondeur. Des villages naquirent autour de la mission. Lors de grandes fêtes baptismales, spécialement à Pâques, des foules arrivaient à la mission venant des différents villages : les drapeaux de joie flottaient en l’air. Chaque église avait ses drapeaux. Après les baptêmes, il y avait un « agapè », le repas fraternel où l’on partageait le bœuf pascal. A la fin de tout, chacun pouvait rentrer heureux dans son village en attendant la prochaine Pâques.

Ces fêtes pascales, raconte un ancien missionnaire, étaient inoubliables. Il écrit avec humour ce double regret du vieux beau temps en ces termes :

« O ! Ce beau vieux temps, disent les indigènes, pensant au bœuf consommé.

O ! Ce beau vieux temps, disent les missionnaires, pensant à ces masses des baptisés qui venaient par colonnes à la mission et connaissaient par cœur leur catéchisme ».

4. LE PERE ADHEMAR DE PAW ALIAS KAWEL

LE Seigneur m’adressa la parole et me dit : « … Lève-toi… ». Ainsi sont choisis les prophètes dans l’Ancienne Alliance. Le Père Adhémar semble être passé par ce schéma classique de la vocation des prophètes lorsqu’il fut appelé à aller en terre de Mission de Kapanga. Il y débarqua en l’an 1935, aux temps difficiles de cette mission. C’est le Père Adhémar qui, dans sa fougue de prophète, va pratiquement jeter l’ancre du christianisme catholique, de façon définitive à Kapanga.

Infatigable voyageur, il avait une autorité de fauve, une force de Samson mais aussi la sagesse de Salomon. Rien que sa présence physique vous dictait de vous mettre dans la droiture. Il avait commencé par détruire tous les maléfices des gris-gris, des amulettes, des instruments de divination (Yipong), des marmites des fétiches, le chipaz… Bien plus encore, il s’attela, sur son passage, au renversement des objets même, apparemment, servant au divertissement culturel tels les tam-tams, les grelots…

Cette « tabula rasa » visait à faire sortir une fois pour toutes le néophyte lunda de sa mentalité fétichiste, de traverser d’un pas décisif la Mer Rouge et de ne pas regretter les marmites des viandes d’Egypte.

L’intransigeance de Père Adhémar fut en partie récompensée. Le catholicisme gagna vite du terrain : beaucoup de personnes comprirent qu’une nouvelle société était en train de naitre autour de la mission catholique ; les avantages matériels en étaient le signe évident : école, dispensaire, habits, sel…, tout cela allait de pair avec l’évangélisation et la fermeté dans la foi. Beaucoup finirent aussi effectivement par comprendre que les sortilèges ancestraux sont incompatibles avec la confiance en Dieu. La forte personnalité de Père Adhémar s’affirmait aussi devant les autorités administratives à qui il n’accordait aucune concession : les agents coloniaux ne devaient surtout pas maltraiter la population indigène, sous quelque forme que ce soit. Le Père était le défenseur de ses fidèles face aux vexations de certains blancs imbus souvent des préjugés racistes.

C. BRAECMAN dans son ouvrage ci-haut cité fait remarquer ces préjugés interminables de ses compatriotes belges qui pensent que les noirs sont de grands enfants auxquels il faut tout apprendre (p.119).

Un conflit opposa, en ce temps-là, le Père Adhémar, missionnaire ; à Monsieur Germain, agent de l’administration coloniale. Et pour quelles raisons ? Il n’y en avait pas qu’une. C’est toute une accumulation des faits divers.

Par exemple en 1937, le Père construisait à Ntembo (ex-Ntemb-mankur) l’église en matériaux durable et aussi quelques classes. C’était un des principaux centres importants de l’époque à Kapanga. En 1938, on envoya l’ordre de tracer la route nationale DILOLO-LULUABOURG. Celle-ci passerait par Musumba et Ntembo, direction Mwene-Ditu. Monsieur Germain, chargé de l’exécution de ce projet, imposa tout de suite qu’on déplaça le village Ntembo vers son « autoroute ». Tant pis pour les Pères et leurs belles constructions d’église et école. La rage s’empara du Père KAWEL, qui, malheureusement ne pouvait rien y changer.

Un bon jour, le catéchiste Albert MULAJ de Ntembo se conduisit, dit-on, impoliment envers le fonctionnaire de l’Etat, Monsieur Germain. Convoqué par l’officier de Police à Sandoa aux bureaux du territoire dont Kapanga dépendait, il est mis au cachot. Puis il est jugé sur des faits anodins tels que : mauvaise présentation et préparation des aliments (ruku ou bukari), sur le travail obligatoire, le dimanche. Père Kawel respire de plus en plus vite dans sa poitrine de fauve. Puis… Un certain MWINKEU Wenceslas (devenu plus tard Chef Mutiy) est licencié, accusé de vol. Ses collègues greffiers catholiques affirment que Monsieur Germain aurait, lui-même, subtilisé cette somme d’argent.

Quand il y a feu de brousse, les catholiques sont punis par M. Germain.

Quelques temps plus tard, le Père s’étonne que le Mwant Yav ne le visite plus. Selon la Rukonkish, selon aussi Mwinkeu Wenceslas et le catéchiste Mayemb François, il a eu de la part de M. Germain l’interdiction de frayer avec la mission catholique. Quand un jour le Mwant Yav entra quand même en contact avec les Pères, Monsieur Germain l’injuria de n’être qu’un vulgaire nègre.

La température montait de plus en plus. Mr Germain continue à exacerber le Père Adhémar KAWEL à qui il reprochait encore de ne pas assez combattre la secte de UKANG, (secte qui refusait de payer l’impôt à l’Etat) ou encore que le Père ne résidant longtemps à Samukaz il prenait aux gens tout leur temps qui ne se consacraient plus à la culture de coton ou n’entretenaient plus les routes. Le conflit prenait donc des proportions démesurées.

Le 28 janvier 1939, Monseigneur reçoit une lettre dans laquelle on l’informe qu’une perquisition serait organisée à la mission des Pères à Kapanga. Monsieur TIENPONT, juge à Jadotville (Likasi) était chargé d’exécuter cette perquisition à domicile. On trouva 36,5 paquets de poudre. Le Père détenait ce produit en prévision de la chasse prochaine en faveur des élèves internes ; mais il fut déclaré hors-la-loi. De toutes ces frictions, l’on sait que le 28 octobre 1939, on organisait enfin la fête d’adieu de Monsieur Germain. Chez les Pères, on poussait un soupir de soulagement. Le Père Commissaire voulut aussi muter le Père KAWEL, non pas pour le punir, déclarait-il ! Le Père concerné refusa d’obtempérer, appuyé par le Père Pascal qui plierait aussi bagage de lui-même si on tenait à cette mutation qui ferait perdre la face des Pères dans la chrétienté naissante de Kapanga.

Le Père KAWEL n’avait pas de démêlés seulement avec l’Etat, la mission méthodiste en avait aussi pour son compte : l’ouvrage NGAND YETU rédigé par les méthodistes raconte :

« Plus tard arriva un Père dont le nom était KAWEL. Ce Père était très sévère. En ce temps-là, on a commencé à détourner les âmes des fidèles méthodistes en propageant qu’appartenir à l’Eglise Catholique, c’est s’assurer un avenir meilleur. Alors une vague d’enfants des notables ont déserté l’Eglise Méthodiste et son école ». Notre auteur poursuit son récit sur le Père KAWEL en disant : « Ce Père a fortement secoué nos églises méthodistes. Il a eu beaucoup de litiges avec nos enseignants. Il a fallu l’intervention d’un juriste venant de Likasi pour que soit tranché le différend qui opposait les catholiques aux protestants. »

C’est dans ce même contexte de conflit d’églises que Monsieur John E. BRASTRUP rédigea cette lettre en lunda au Mwant Yav : « Mwant, vous disiez que quand un garçon est inscrit chez les catholiques, il ne pourra plus, par après être accepté chez les méthodistes et vice-versa. Et maintenant tu envoies quelques-uns de tes propres enfants à l’école catholique, alors que tu nous avais promis de ne les envoyer que chez nous ! ».

Ces conflits des clochers seront interminables !

Le Père l’a reçu en héritage et en mémoire d’un chef lunda, le Chef MUTIY KAWEL, Général de guerre contre les chokwe du temps de Mwant Yav MUSHID I en 1900. Le Chef MUTIY se révéla alors comme un vaillant combattant, autoritaire et sévère. L’on comprend alors l’héritage du Père.

5. LES AUTRES PERES DE 1937 A 1955.

A Côté  de Père Adhémar KAWEL, on trouve à la mission catholique, le Père Pascal CEUTERICK, le Père TITUS, le Père TIBALD, et le Père SIDON.

Certains, parmi ces prêtres, vécurent plus longtemps à Kapanga et exercèrent une plus grande influence que d’autres. Le grand événement de l’année 1938 fut la construction d’un dispensaire à Ntita. Père Willy SMEETS nous livre l’information selon laquelle MWANT YAV KAUMB, l’Empereur de cette époque aurait fait une contribution pour cette œuvre, en offrant une somme de 10.000 frs.

KAUMB fut un grand Empereur qui régna de 1920 à 1951. Il a réellement veillé sur le bonheur de son peuple et il fut apprécié. De lui, on dit qu’il était le Chilil anshon, adinga ni ushon asangar ; ni adinga ni musangar asangar kand. Ce qui veut dire : le Consolateur des orphelins qui rend heureux les affligés et davantage plus heureux ceux qui l’étaient déjà. La construction du dispensaire révéla l’impérieuse nécessité de la présence des sœurs à Kapanga. La promesse fut faite de l’arrivée prochaine des sœurs franciscaines.

La mission signifiait aussi une certaine autosuffisance en ce qui concernait les besoins élémentaires : il fallait pratiquer l’élevage, cultiver son jardin…

L’Europe constituait, bien sûr, le grenier vital pour soutenir substantiellement l’œuvre des prêtres en pays de mission. Or, en 1939, l’Europe entra en guerre. La métropole est en feu d’un bout à l’autre du continent. On ne pouvait rien espérer en provenance de l’Europe : Les robinets avaient tari et pourtant il fallait continuer à vivre. On commença à envisager des solutions locales. A grande échelle, la famille franciscaine de Lulua-Kamina créa MPALA, une grande ferme qu’ils commencèrent à exploiter à une cinquantaine de kilomètres de Kolwezi. Elle devait être en mesure de fournir des produits à consommer, mais aussi à écouler pour faire quelques entrées d’argent.

Le résultat fut prodigieux, la ferme de Mpala devint une entreprise importante d’élevage, d’agriculture, et de menuiserie. « Pour mon peuple, abondance de bien, dit le Seigneur » Et on endura pas famine.

A Kapanga, dès 1937, le Frère TRUDO avait fait venir de Sandoa 27 vaches pour la mission. Le 27 avril 1938, la première vache à mettre bas donna un rejeton male. Et à tout Seigneur, tout honneur, ce futur taureau est nommé Kawel. Ce troupeau va prospérer jusqu’en 1955, date à laquelle la plus grande partie du troupeau sera reconduite à Sandoa. A Ntita, il ne restera plus que 25 têtes.

Le 27 Février 1939, la mission eut la joie d’acheter une camionnette de marque CHEVROLET. L’année suivante, on demanda à l’administration d’importer dix ânes dont trois males et sept femelles.

LE PERE PASCAL CEUTERICK

Selon le Père Marcel VAN IN que nous avons rencontré le 03 et 04 Novembre 1991 à Dilolo-Poste lors d’un voyage que nous avons effectué expressément pour conférer avec lui, le Père Pascal fut un homme de caractère très doux. L’on peut même dire, poursuit-il, qu’il était  bonasse. Souvent il se laissait rouler par les instituteurs dans les affaires. Il était un homme de paix, évitant toute forme de palabre avec les gens.


LE PERE TITUS VAN RUYTEGEM

Il fut celui qu’on peut appeler, « le médecin malgré lui ». Nous savons qu’en 1938, on construisit un petit dispensaire dont le Père Titus fut le superviseur des travaux. Face aux demandes pressantes des indigents malades pour les soins médicaux, le Père-Macon n’hésita point à faire le bond dans le domaine médical, il se fit Père-Médecin après avoir terminé la supervision des travaux des constructions. Avait-il quelques connaissances dans le domaine ?

Oui, quelques bribes de la médecine des maladies tropicales que tout missionnaire devait connaître avant de s’embarquer pour le Congo. De fait, à l’époque, les missionnaires étaient des hommes à tout faire : ils étaient prêtres, instituteurs, menuisiers, maçons, charpentier, infirmier.

Et dans ce dernier domaine, le Père Titus l’apprit à ses dépens. Notre narrateur du jour, le Père Marcel, ajoute que pour les cas difficiles Titus demandait conseil à Frère TRUDO, autrement, il confiait le malade à l’assistance spirituelle de Père Pascal pour l’extrême onction.

Les archives de la mission nous racontent que les conflits avec les méthodistes n’en étaient pas moins au calendrier de Père Titus. De l’intolérance on en arrivait facilement à l’antagonisme qui se muait parfois en combats.

Car il fallait bien se battre comme si les uns conquéraient les âmes pour le Royaume de Dieu méthodiste et les autres pour le Royaume de Dieu catholique. Ces fanatismes missionnaires se communiquaient facilement aux enseignants respectifs des deux confessions religieuses et à eux d’allumer le même zèle sacré dans les cœurs innocents des élèves leur confiés.

C’est finalement toute la population de Kapanga et toutes les couches qui se trouèrent divisées en deux camps. Par exemple, il y eut un incident à la léproserie de Kabaji, un village situé à dix kilomètres au Nord-est de Musumba. Cette œuvre crée par les méthodistes attirait tout naturellement la curiosité des autres occidentaux. C’est dans ce cadre qu’un jour, le Père Titus et un autre prêtre voulurent bien aller jeter un coup d’œil de ce coté-là. Etait-ce un coup d’œil innocent ?

On en doute, car il y avait bien là-bas un groupe remarquable des catholiques pieux, soucieux, disaient-ils d’avoir au moins une fois la sainte messe dans cette léproserie. Arrivés au dispensaire de Kabaji, ils furent accueillis par l’infirmier qui les invitait instamment d’entrer. Les Pères hésitèrent quelque peu, sachant qu’ils étaient sur un terrain de chasse-interdite. Tous les lépreux, confessions confondues, vinrent allègrement saluer les Pères catholiques. Les fidèles catholiques trouvèrent là une opportunité d’exposer alors leurs tourments : « Ils étaient obligés d’aller au culte protestant, les absences étaient sanctionnées d’une privation des soins médicaux. Il fallait que les Pères fassent quelque chose pour eux. »

Le lendemain, tous ces bruits parvinrent aux oreilles des Révérends Pasteurs méthodistes. Le Docteur PIPER écrivit aux missionnaires catholiques en un style concis et énergique des reproches. Le Père Titus répondit en essayant de s’expliquer. Mais le conflit devait aller jusqu’au bout, c’est-à-dire à l’expulsion de Kabaji de tous les malades catholiques. Quelques jours plus tard les refoulés arrivaient en groupe à la mission catholique. C’est ce qui motiva le Père Titus à créer une léproserie catholique : Le camp fut placé un peu en retrait, dans l’actuel village de Katamb. Cette œuvre n’eut le temps d’exister que dans l’intervalle d’une année : de 1939 à 1940.

Les autres Pères de cette époque sont : le Père WULFRAM GOVAERTS qui était routier, le Père CONSTANT, le Père Godard LEMMENS, le Père Marcel VAN IN.

L’histoire va se focaliser sur les deux derniers prêtres qui feront figure de grands pionniers.

 LE PERE GODARD LEMMENS

Arrivé à Kapanga en 1940, il sera compté parmi les derniers prêtres de la génération franciscaine dans cette contrée.

Il est le fondateur de l’Ecole Centrale de Musumba aujourd’hui dénommée E.P MAYEMB-A-KASAJ. Il construisit dix locaux de classes, une salle de réunion, un réfectoire et une cuisine. Plus tard, l’école sera amputée de quelques locaux qui seront annexé au presbytère. Une muraille, aujourd’hui sépare les deux entités. Le Père Godard œuvrera à Musumba surtout où il s’occupait des 13 pauvres vieillards et où il avait organisé des cours du soir pour analphabètes. Un rapport signale aussi l’existence des scouts à Musumba. Existaient aussi, la Ligue du Sacré-Cœur des Familles Catholiques et la Croisade Eucharistique avec 80 membres.

 LE PERE MARCEL VAN IN

Témoin des derniers événements de la génération franciscaine à Kapanga, le Père Marcel est l’un des rares missionnaires franciscains que Dieu a, jusqu’à ce jour, gardé en vie sur le sol de ce que fut la Préfecture de Lulua-Katanga-Central (Nous l’avons rencontré en ce mois de novembre 1991 à Dilolo-Poste).

Si les héros sont rares et qu’il ne soit donné à tout le monde de réaliser des actions sublimes, du moins, le Père Marcel a-t-il toujours placé devant lui un noble idéal, s’en est inspiré et c’set ce qui lui a permis jusqu’aujourd’hui d’accroitre son utilité missionnaire et sociale au milieu du peuple lunda et chokwe. S’il n’est pas un héros olympien, il est pour nous et pour sur, un véritable héraut de la parole de Dieu. Le Père, aujourd’hui, vit plus dans le passé qu’il aime à ressasser avec ferveur.

A Kapanga, pour le Père Marcel, tout a commencé en 1943… C’est comme hier, remarque notre interlocuteur. Le Père Marcel fut d’abord routier. Puis en 1945, il fut désigné Père Supérieur de la mission. Il exerça aussi la fonction de Directeur d’école. L’école de Père Marcel fut ce foyer rigoureux où devaient s’élaborer des destinées de tant de jeunes de Kapanga. Il avait, dit-il, environ 700 élèves repartis en deux groupes se relayant avant-midi et après-midi.

Il ne laissait rien passer de ce qui soit négligence, paresse, indiscipline ou autre forme de déficience à la norme catholique. Toute infraction devait être sanctionnée. Les élèves âgés étaient souvent la cible des mesures sévères. Ils n’avaient pas droit à trop se faire remarquer par des sottises. Ils étaient, alors, purement et simplement écartés. Ils pouvaient accompagner leurs parents aux champs.

A la mission, de même, le Père contrôlait tout. C’est pour cela, déclare-t-il, qu’il avait un commencement d’apostolat conflictuel avec la population de Kapanga qui supportait mal cette attention policière. Mais le Père, quand à lui, était persuadé qu’il était de sa mission de travailler dans la rigueur, d’inculquer à ces hommes et femmes le souci d’un travail toujours bien fait. Bref, il accomplissait en âme et conscience son travail d’éducateur et de pasteur. Dans sa mentalité ancrée dans le symbolisme, la population lunda le gratifia d’un nouveau nom à consonance locale : le Père devait donc désormais troquer son nom européen à celui de SAMUSENG.

L’AVENEMENT DE MWANT YAV DITEND…

Parmi les souvenirs qui reviennent à sa mémoire, le Père nous rappelle le beau jour de l’investiture de MWANT YAV DITEND. Pour venir en aide à cette mémoire surchargée par l’âge, nous vous relatons un rapport écrit, fait à ce sujet par Monsieur SOVET, alors administrateur de Kapanga. Ce rapport du 04 juillet 1952 est intitulé, Etat des nouvelles.

« Le dimanche 1er juin 1952, à Musumba WAUTHION, Gouverneur de la Province du Katanga remit solennellement la médaille de Chef au Chef MWANT YAV DITEND, successeur de MWANT YAV KAUMB, mort le 28 Mai 1951 vers 3h00 du matin. Etaient Présents à cette cérémonie :

Monsieur et Madame WAUTHION, Monsieur BUSSCHERE, Directeur Général de B.C.K (Société de Chemin de Fer), R.P. SYMPHORIEN, Pro Vicaire du Vicariat de la Lulua représentant de Monseigneur KEUPPENS, empêché ; R.P. MARCEL VAN IN, supérieur de la Mission Franciscaine, Révérend EVERETT, représentant de la mission méthodiste. Pour agrémenter la cérémonie, la Fanfare de l’UMHK (Union Minière du Haut Katanga) et un peloton de la Compagnie en S.T. de Kamina avaient prêté leur concours. A 14h00, le Gouverneur fit son entrée, salué par des salves de coups de fusils tirés par les indigènes échelonnés depuis l’entrée de Musumba jusqu’à la résidence de Mwant Yav. Dix minutes plus tard, pénètre dans l’enceinte le Mwant Yav. Le cortège se présentait de la manière suivante :

Les Kalal (Chefs de guerre) sont en tête, Chitazu, Kapang, puis les « Tubung ». Derrière eux, porté sur un pavois, le Mwant Yav, en grand costume d’apparat, est vraiment majestueux. Suit également, sur un pavois et non moins majestueuse, la Ruwej (Mère des lundas et épouse spirituelle du Mwant Yav). La cérémonie fut grandiose. Des cadeaux furent remis au Grand Chef : Le Gouverneur remit une carabine Mauser, et au grand enchantement de tous, le directeur de B.C.K offrit une élégante voiture au Grand chef ébahi.

Au nom des indigènes, Monsieur Tshombé Moise remercia le Gouverneur et tous les européens d’avoir rehaussé de leur présence cette cérémonie. Le Grand Chef remercia à son tour. »

Le Père Samuseng vivra encore de beaux moments dans cette sympathique mission de Ntita. Il y a laissé une partie de son cœur et ne regrette qu’une chose : « C’est que ce sont les salvatoriens qui l’ont fait partir de Kapanga et ce sera encore eux qui viendront sonner le glas de son départ de Sandoa ». Il ira œuvrer à Kisenge où il demeura jusqu’à la guerre du Shaba, appelée « Guerre de 80 jours » en 1977.

Le bassin de la Lulua est devenu sa seconde Patrie. Autant qu’il lui sera possible, dit-il, il préférerait demeurer en ces lieux jusqu’à son dernier soupir. C’est pourquoi il a choisi au soir de sa vie, de rester à Dilolo-Poste pour y écouler en toute quiétude des journées tropicales chargées des souvenirs d’un passé nostalgique et riche en couleurs. Esprit affiné et délicat, d’une culture intellectuelle remarquable, le Père, aujourd’hui n’a rien perdu de sa lucidité d’esprit. Partout, il est estimé, affectionné, respecté. Il suffit de l’approcher pour l’aimer…

En 1954, Monseigneur KEUPPENS annonce l’arrivée prochaine des Pères Salvatoriens. Le 19 Mars 1954, il écrit ce qui suit :

« La question des salvatoriens avance bien. Trois hollandais apprennent le français pour l’instant en France. De la part de leur Général, il n’y a pas d’opposition. »

Le 18 Janvier 1955, Monseigneur arrive à Kapanga avec le premier Salvatorien, le hollandais Frère HENRI VERKOOYEN, plein de vigueur et de jeunesse. On attendait incessamment l’arrivée des autres salvatoriens. En Mai 1955, le Père Marcel écrivait ceci à Monseigneur.

" Voici plus ou moins les dispositions d’accueil des salvatoriens : Arrivée : 10h30, directement à la mission. Si c’est nécessaire, ils pourront se rafraichir et changer de soutane avant de passer à l’église (par la sacristie) où les nouveaux Pères célébreront le Te Deum et feront l’adoration au Saint Sacrement. Au retour à la mission, il est prévu un défilé des garçons et filles. Un mot de bienvenue sera dit par le Père Supérieur ; ensuite il y aura des chansons des garçons. Pour clôturer Monseigneur prononcera son discours en chokwe. C’est seulement après ces manifestations qu’il y aura le repas et une longue sieste. Nous projetons de faire encore quelque chose l’après-midi. Mais probablement, les Pères préféreront un repos. Et puis ils ne comprendront quand même rien du théâtre des noirs"

Le jour j fut le 13 juin 1955. Le Précurseur salvatorien, le Frère Henri, empoigna la moto de la mission et se rendit à Musumba-Kakese (actuel Masang-a-Mazez) pour accueillir les nouveaux Pères. Ces premiers nouveaux venus Salvatoriens furent : Père HERMAN Joseph, Supérieur ; Père VAN ERP Léonard et Père GUBBELS Jérôme.

Ayant accompli son devoir d’accueil, le Père Marcel VAN IN SAMUSENG pouvait enfin s’en aller, mettant un point final à la présence franciscaine des prêtres à Kapanga. La cérémonie des passations des clés eut lieu le 19 décembre 1955. « C’était un jour merveilleux, se rappelle le Père Marcel », son visage s’éclaire et il poursuit :

« En présence de Monseigneur KEUPPENS et du Père Commissaire, le Père Siméon, nous avons fêté notre départ de Kapanga. J’ai apprécié, les larmes aux yeux, le geste sympathique de MWANT YAV DITEND qui m’a mis sur la tête, une couronne symbolique en signe de reconnaissance. »

Voici, par ailleurs, le personnel européen des années 1940, repris par les chroniques : au Poste d’Etat, il y avait M. et Mme TOUSSAINT et leurs enfants. Puis viendra M. SOVET ; Mme et M. BELLE FLAMME et leurs deux enfants, M. et Mme CLEYS ; M. et Mme VERDONK ; M. MARCEL LEJEUNE, agent sanitaire ; M. VAN OOST, agent agricole ; au Bunge (Société Cotonnière), il y avait M. et Mme ERPE et leurs deux enfants et M. RODRIGUEZ ; les commerçants étaient M. et Mme HOLT ; JACKY et HELENE HOLT et M. MEIRA.

6. QUELQUES EVENEMENTS ET INFORMATIONS

A partir de 1938, des véhicules de la M.A.S (Messagerie Automobile du Sankuru) assurent les liaisons de Kapanga à Sandoa-Kasaji ; puis de Kapanga à Mwene-Ditu et Luluabourg. Tshombé était bien sur aussi impliqué dans le transport à Kapanga. Le réseau M.A.S. était très bien organisé et transportait aussi bien les personnes que les colis postaux. Les commandes faites à E’ville (Lubumbashi) passaient par Mwene-Ditu fut supprimé à cause d’un problème de pont.

Ecoles…

Un rapport indique qu’il a eu beaucoup de difficultés pour le fonctionnement des écoles : manque de matériel, manque de personnel, les bâtiments se sont trouvés en mauvais état. Quelques écoles seulement avaient le privilège de posséder des ardoises usées, tandis que la plupart des élèves écrivaient à même le sol. Les élèves préféraient la chasse aux souris au lieu d’aller à l’école. Les enseignants n’étaient pas à la hauteur de leurs taches. Il y avait six classes construites et un dortoir pour 200 garçons.

En 1950 : construction de trois classes à Musumba en poto-poto: il y a 300 élèves à Musumba. Il ne reste rien de ce bâtiment. Dans les archives, il y a plusieurs autres rapports de l’Inspection Scolaire entre autre ceux du Père Jean BOURGOGNON.

En 1953 : Construction définitive d’une école Centrale Catholique à Musumba (Cfr supra) On raconte que pour cette construction, il y avait 12 maçons pour 3 truelles seulement. Plus tard, Monseigneur fit parvenir d’autres truelles et du matériel de construction, à remettre après usage. Le 21 juin 1951 : on annonce des réussites du Petit Séminaire : Joseph YAVU, Michel NAWEJ (qui deviendra Vicaire Général de Kolwezi) et Gabriel KANYIMBU (sera Député de Kapanga). En Décembre de la même année, ils pouvaient continuer les études au Grand Séminaire de Kabwe au Kasaï. Le 26 juin 1951 : Le Père DOLILLO, de l’école agricole de Kasaji annonce une bonne nouvelle pour Kapanga : 4 ou 5 garçons peuvent venir à son école : « De préférence, mentionne-t-il, des gaillards pas trop intelligents, mais pas bêtes non plus ».

La mission…

Octobre 1941 : visite du Délégué Apostolique, Monseigneur DELEPIANE ; accompagné par Monseigneur STAPPERS.

1942 : Réparation de l’église Christ-Roi avec pavement en carreaux, autels et confessionnaux en pierres : tout cela aujourd’hui inexistant.

1943 : Celle qui succède à la RUKONKISH KAT, c’est RUKONKISH KAMAS, elle se convertit aussi au catholicisme.

1950 : La mission de Ntita est déclarée sale, pire que toutes les autres missions de la Lulua. Monseigneur STAPPERS envoie un chèque de 10.000 F pour réfection, espérant que le Père Commissaire contribuerait aussi.

31 juillet 1950 : Père Constant tombe du cheval. En route pour chercher le médecin, le Père WULFRAM heurte avec son véhicule contre un arbre.

Janvier 1951 : première visite inopinée du très cher Père Commissaire, Père Siméon. Une autre première visite, celle est de Monseigneur Victor KEUPPENS. On signale qu’il y eut un accueil formidable, malgré la tempête.

10 février 1952 : Le vélo de Père Marcel est volé. Tous les policiers cherchent en vain.

4 septembre 1952 : Forte tempête, un tas de tuiles de l’église sont cassées. La moitié du toit de la nouvelle maternité, non encore inaugurée, est emportée.

11 janvier 1953 : Bénédiction de la nouvelle maternité construite en dehors de la concession, condition exigée par le BUNGE pour l’octroi des subsides à cette institution.

7.  CONCLUSION DE LA MISSION FRANCISCAINE

Le grand mérite des franciscains de Kapanga est d’avoir ouvert les voies d’évangélisation et donc, d’avoir préparé le chemin aux successeurs salvatoriens et prêtres diocésains.

Qui pourrait imaginer les obstacles qu’ils ont rencontrés ! Intellectuellement, c’est à peine qu’on peut s’approcher de la rude réalité de leur expédition à travers nos savanes boisées. Eux seuls demeurent les témoins authentiques et privilégiés du calvaire enduré sur notre sol rouge. Considérons leur premier contact avec le terroir lunda : le climat, le paysage, tout était encore à l’état sauvage pour l’homme blanc. Considérons la difficulté de communiquer. Comment transmettre le message évangélique qu’ils portaient en eux ? Il fallait commencer, balbutier une langue totalement étrangère, et puis…
Progressivement saisir au vol quelques traitres syllabes… Le mystère s’est accompli : c’est en notre propre langue qu’ils ont évangélisé. L’incarnation de Jésus n’est un fait historiquement classé, elle est permanente. Il fallait connaître non seulement la langue, mais encore il fallait connaître l’HOMME lunda, ses origines, sa mentalité, sa spontanéité… Les apôtres de Saint François d’Assise ont travaillé humblement, se mettant obstinément à l’école de la vie en Afrique. Ils ont crée et nihilo nos missions, défiant fatigues et maladies tropicales, toujours poussés à découvrir le Congo dans ses coins et recoins. Ils ont rassemblé les gens autour de la mission : la population y trouvait non seulement l’évangile sans plus, mais aussi, le dispensaire, la maternité, l’école, le foyer d’alphabétisation, de tricotage etc…

La journée commençait par l’offrande de la journée qui pouvait être la sainte messe ou la prière du bréviaire. Et puis on passait aux divers travaux : on laboure, on racle, on bine, on surveille la croissance des bêtes… Ainsi dans la concession de la mission, les vaches beuglent les moutons et les chèvres gambadent allégrement, dans la porcherie, les cochons s’engraissent paisiblement. Le potager pouvait faire leur orgueil. On y trouvait les principaux légumes de leur chère Europe : choux pommés, choux-fleurs, tomates, petits pois, céleri, salade, persil haricot… Dans le verger les orangers, les mandariniers, les goyaviers ploient sous le poids de leurs fruits jaunes, les moerbes complétaient la gamme des fruitiers protégés par l’enclos. Tandis que les palmiers et les manguiers plantés le long d’allées et des chemins constituaient le décor familier d’une véritable mission catholique.

Les après-midi, il fallait donner les leçons de catéchisme, préparer au mariage, recevoir et écouter les gens, trancher leurs différends… Et le vendredi le Père Pascal n’oubliait pas de faire son chemin de la croix. A chaque soir, sous le rayon doré du soleil couchant, le Père Marcel s’abimait dans la méditation et la récitation pieuse de « l’ave Maria, gratia plena » dans un mouvement de va et vient régulièrement respecter, là sous la voute des manguiers ou des palmiers.
Cette vie active et disciplinée dans la mission catholique fit la renommée de l’église des « Pères » partout à Kapanga. Ils étaient plus proches des gens qu’ils poursuivaient jusque dans leurs cases enfumées. Les vieillards, les indigents de tout acabit se sentaient soutenus et protégés par la mission. La population lunda a vu, elle a cru en Dieu révélé par Jésus-Christ.
Souvenons-nous donc de ces Pères, car ce qu’ils ont fait, ils l’ont fait certainement par amour pour nous.

Corollaire…
Concrètement, lorsque les Pères salvatoriens arrivaient à Kapanga, qu’ont-ils hérité des franciscains ? C’est toute une vie. Nous ne saurons jamais être exhaustif. Les salvatoriens trouvèrent une chrétienté bien enracinée avec environ 7.000 chrétiens et 860 catéchumènes. Ils trouvèrent des écoles primaires à Ntita, à Musumba et dans plusieurs villages. Les franciscains ont légué le grand presbytère de Ntita et son église, des bâtiments à Musumba comprenant aussi une église, un presbytère, une école. Ce legs ne devint cependant pas une propriété privée des salvatoriens, la convention du 29 avril 1970 entre le Diocèse et la congrégation salvatorienne stipulera, en effet ce qui suit : « Les terrains de mission de Kapanga, Sandoa et Kalamba appartiennent au Diocèse et pas à la Congrégation. »
Voilà brièvement close l’époque de la branche masculine des franciscains.
A ces missionnaires à qui nous rendons un vibrant hommage, ajoutons-y tous ces autres européens d’heureuse mémoire : administratifs, commerçants, agents de la société cotonnière BUNGE. Que l’on soit pour ou contre la colonisation, on ne peut s’empêcher d’admirer le tour de force réussi par ces hommes à ouvrir la contrée oubliée de l’Empire de MWANT YAV à la civilisation occidentale. Nos « brousses » «étaient réputées être les tombeaux précoces des missionnaires. Plusieurs gisent sous la terre rouge à coté de l’église de KANZENZE : Père Evrard LAUWREYS, né le 11 novembre 1883, décédé le 18 novembre 1951 ; Frère GODEFRIED LAWREYS mort le 21 avril 1972 ; le salvatorien Léonard VAN ERP viendra les y rejoindre en juillet 1973.

Heureux êtes-vous, chers Pères… Vous avez fait l’histoire.

CHAP  5 
 LES SŒURS FRANCISCAINES

Il y a dans la vie ecclésiale des taches caritatives que seules les sœurs peuvent accomplir avec beaucoup d’aisance.

Le Père Titus avait beau essayé de s’occuper du dispensaire (il avait certainement rendu d’énormes services), mais la main tendre et consolante d’une sœur, s’avérait indispensable. Qui donc pourrait mieux éduquer les mamans à l’art culinaire ou à la couture ? Et les consultations prénatales ? Qui accueillerait un bébé avec un cœur de mère ou l’orpheline « Kashal » avec tant d’affection ! Et l’ordre à la sacristie ou la façon de disposer une fleur…

Ce sont-là des bagatelles. L’essentiel d’une vie religieuse ne consiste pas dans ces niaiseries. Nous voulions seulement souligner le fait que la présence des sœurs à Kapanga était ardemment souhaitée et attendue comme une bénédiction. Finalement c’est le 02 septembre 1948 qu’arrivèrent à Ntita les six premières sœurs franciscaines. Un certain monsieur DEBIE, directeur de la société cotonnière (COTONCO) leur facilita le transport en mettant à leur disposition un grand camion qui les prit toutes de Dilolo-Poste à Kapanga.

Le vœu d’avoir une maison des sœurs à Kapanga remonte déjà aux années 1930. Et en 1938, une première délégation y fut envoyée pour faire connaissance avec le milieu et chercher un endroit idéal où s’élèverait le futur couvent des sœurs. Elle était conduite par la sœur Supérieure, Mère MARIE DE L’IMMACULEE CONCEPTION (Source : Willy SMEET).

Les travaux de construction débutèrent pratiquement la même année sous la supervision du Père Titus. Petit à petit, la maison prenait forme, c’est après dix ans qu’elle pouvait passer pour habitude. En plus du couvent, dès leur arrivée en 1948, les sœurs ont commencé la construction d’un nouveau dispensaire et d’un internat destiné aux filles. C’est avec ces atouts que les sœurs se lancèrent dans leur apostolat à Kapanga.

Pour nous aider à reconstituer le passé, nous avons fait recours aux premiers témoins de cette arrivée en la personne de sœur IRMA HELDERWEIRDT (Jean-François) et de sœur MARIE-JOSE HEYNSSENS (Joseph Auguste), toutes les deux, elles-mêmes cofondatrices de la communauté franciscaine féminine de Kapanga. De l’Europe où elles vivent maintenant, elles nous ont transmis ce récit à la fois plein de compassion, de rire et d’admiration :

Préparatifs et fondation…

La préparation de la fondation se fait à Dilolo-Poste. Sœur Jérôme s’y trouve. Sœur GUDDENE et Sœur Jean-François viennent l’y rejoindre, un mois avant le grand déménagement.

Début Aout 1948, Monsieur DE BIE, directeur de la société cotonnière « Cotonco » arrive avec son grand camion pour tout transporter : lits, matelas, armoires, tables, chaises, pots, casseroles, marmites, seaux, bassins… Sœur Jérôme et sœur Jean-françois s’installent à 2h30 du matin dans le camion et… en route pour 340 km. Au cours de la journée, passage de la Lulua sur un radeau très primitif, qui peut tout juste transporter un camion, avec lenteur et prudence. Sœur Jean-François a la chance de traverser en pirogue, un « bâtiment » où l’eau s’infiltre continuellement et dont l’un des « bateliers » a la charge de puiser l’eau à la pelle pour la relancer à la rivière. Quel merveilleux souvenir ! Après une heure de navigation, on continue courageusement la route. Vers midi, nous arrivons à Kapanga. Le Père Godard, qui remplace le Supérieur P. Marcel VAN IN en congé, nous reçoit chaleureusement ; il nous offre un excellent repas suivi d’une tasse de café. Nous allons ensuite jeter un coup d’œil sur notre nouvelle maison, cachée dans les herbes de 4 m de hauteur. Le sol de la moitié du bâtiment est de la fine herbe séchées ; le reste, des bancs de sable. Les portes extérieures sont démunies de serrures et de clinches. Dans la chapelle, ni pavé, ni autel : des murs nus. A quelques mètres de là une école en construction qui attend ses portes et fenêtres. Plus loin un petit dispensaire, composé d’une barza avec bancs d’attente et deux pièces, cache une hutte pompeusement baptisée : « salle de stérilisation ». Nous y trouvons, sur un feu de bois au centre, une casserole enfumée recelant des trésors : 3 seringues, quelques aiguilles, 2 pinces anatomiques et une paire des ciseaux. A coté, la maison de l’infirmier Denis, sa femme Salomé et leurs six enfants. Le brave homme parle un français correct : aussi faisons-nous facilement connaissance. Mais voilà que les Pères, Frères et quelques travailleurs arrivent pour nous aider à décharger le camion et mettre tout en place. Travail ardu couronné par un souper bienvenu, puis c’est le repos auquel nous aspirons. Les Pères invitent M. DE BIE à loger dans leur couvent aux nombreuses chambres. Ils nous offrent également l’hospitalité au cas où nous aurions peur de dormir dans nos locaux sans fermeture. Nous les remercions, mais préférons rentrer chez nous. Blotties sur nos couchettes, nous nous efforçons, en vain de dormir : lions et tigres ne viendront-ils pas nous visiter ? La nuit blanche passée, nous filons de bon matin vers Sandoa, 223 km, pour partager le diner avec nos consœurs. Ensuite encore 140 km vers Dilolo-Poste où nous arrivons vers 17h00. Il faut attendre là-bas quelques jours la venue du renfort des trois autres fondatrices. Nous en profitons pour explorer la région : par des routes assez convenables, coupées de ponts de bois très branlants, nous découvrons quelques hameaux perdus dans la brousse et avons une idée de notre nouvel environnement…

Installation définitive et réception officielle…

Arrive le jour tant désiré du vrai départ pour l’installation à Kapanga. Le 02 septembre 1948, M. DE BIE nous donne à nouveau son grand véhicule pour entasser tout ce qui doit partir encore : six sœurs et un tas des cartons, paquets, paniers, sacs, valises… Tout est serré en longueur, largeur et hauteur. La bâche qui recouvre l’ensemble sera bientôt partiellement déroulée pour permettre de respirer, car il fait très chaud ! Nous faisons halte à Sandoa pour la nuit et l’eucharistie du lendemain matin. Puis dans un grand enthousiasme, nous reprenons l’étape finale. Bosses et fosses rencontrées ne font qu’accentuer la gaieté du voyage… Comme le tapis de poussière qui nous recouvre de la tète aux pieds : c’est encore la saison sèche et le sable s’en donne à cœur joie !

Seuls quelques badauds intrigués nous observent à l’arrivée à Kapanga, car les villages sont assez loin de la mission… Mais un accueil franc et chaleureux des Pères et Frère nous attend : un bon diner arrosé de ce vin généreux qui réjouit le cœur de l’homme !

Le lendemain matin, au travail pour l’installation des locaux. Chacun s’ingénie à tirer parti de peu pour trouver l’utile et nécessaire. Au fil des jours tout s’arrange et l’ordre règne. Frère Emiel nous apporte souvent pommes de terre, viande, légumes et fruits, de même que du bon pain, beurre, œufs et lait de leur propre ferme.

Au retour de congé du Père Marcel, Supérieur, c’est la réception officielle des sœurs.

Monseigneur STAPPERS, Ofm ; la Communauté des Pères ; Mwant Yav, le grand Empereur des lundas avec ses notables, arrivent solennellement. Une foule bruyante, enthousiaste, fait cortège pour ovationner Sœur Provinciale et les six fondatrices. Musiciens, chanteurs, batteurs de tam-tams, danseurs s’en donnent à cœur joie. L’unique cheval de la contrée montre fièrement sa crinière brossée et lustrée. Il fait partie de la danse !

La fête se poursuit jusqu’au coucher du soleil dans l’enthousiasme de l’accueil africain… Avant de prendre du repos, nous faisons avec Monseigneur et Franciscains, une belle prière de reconnaissance pour cet accueil chaleureux, et nous confions au Seigneur et à Marie, notre Mère, le nouveau champ d’apostolat qu’il nous confie…

L’achèvement de la maison se fait petit à petit. En octobre la chapelle est terminée. A la fête de Saint François, elle est bénie en grande solennité, puis, nous y avons la première messe et l’adoration du Saint-Sacrement exposé.

Vive le Seigneur, le maitre de la moisson, qui habite désormais sous notre toit et attirera à lui toute la région.

Flashes de la vie Communautaire…

Levées avant le jour, nous nous rendons pour la méditation à la chapelle. Elle est faiblement éclairée par l’unique lampe Aladin (au pétrole) qui souvent nous incite à un sommeil furtif. A partir de 18h00, c’est cette pièce de grande valeur qu’on porte, avec précaution, de la cuisine à la salle à manger, puis à la barza de récréation. Les chambres et couloir sortent de l’obscurité grâce aux minuscules lampions faits d’un fil de coton passé dans l’embout d’une seringue, et plongeant dans un flacon vidé d’encre et rempli de pétrole. Lors de l’apparition de lanternes-tempêtes, nous faisons un grand pas en avant !

Pour faire la cuisine et la lessive, nous ne disposons pas de machine. On bout le linge dans un grand chaudron, à l’extérieur, sur un feu de bois. La cuisine se fait sur un petit réchaud à pétrole datant de l’âge de nos grands-mères. D’abord cuisson de potage, ensuite pommes de terre, légumes et viande. Entre-temps, la soupe est devenue froide ; on la remet quelques minutes avant l’heure du repas sur le fameux réchaud… celui-ci travaillant à en perdre haleine, a fini sa course après six mois : il expire ! Une belle solide cuisinière à bois vient le remplacer : merci Seigneur !

La Communauté a reçu de Sandoa six poulettes et coq, installés depuis trois mois à l’arrière de la maison. Un beau midi, pendant le repas où nous écoutons une lecture édifiante, se fait entendre un caquetage inhabituel du coté du poulailler. Sœur Claudiantonia s’écrie : « Ma Mère, un œuf ! » (Nous n’en avions pas jusqu’à présent). Elle disparaît comme uns flèche, pour revenir triomphante avec un joli œuf tout chaud. Naturellement, le silence religieux se métamorphose en éclats de rire et bons propos pour le reste du repas !

La récréation du dimanche se passe souvent à jouer du théâtre. Ce soir, Sœur Jean-François, Sœur Guddène et Sœur Marie-José vont représenter la fuite en Egypte.

Les spectatrices, bien attentives s’attendent à une scène biblique sérieuse. Au lever du rideau, apparaissent Saint Joseph, chargé des paquets, cartons, et d’un sac à outils ; la vierge Marie, un gros ballot sur tête, tenant par la main l’Enfant Jésus qui porte un petit jouet en bois. Tous trois se mettent à courir comme des lièvres sur la grande barza, tandis que le jeune chien, tout heureux de ce nouveau jeu, file à toute allure entre les jambes des voyageurs pour arriver le premier, la queue fièrement relevée, au bout de la piste.

Flashes de la vie Apostolique…

L’Ecole commence avec 80 enfants et une monitrice. Celle-ci ne s’en fait guère pour manquer souvent à l’appel du matin. Sœur Jean-François se présente donc pour la remplacer. Quoique ne connaissant pas la langue, elle répète et crie avec les enfants les leçons apprises par cœur. Un matin, entre soudain par la fenêtre une fillette qui dit un mot à ses compagnes et… le temps d’un éclair, voilà toute la classe envolée ! Complètement ahurie, Sœur Jean-François reste seule dans la pièce. Que faire ?... Une heure plus tard, toutes les élèves arrivent en dansant et en chantant, la monitrice sur leurs épaules… Celle-ci, en cours de route avait eu un échange de mots avec une enseignante de la mission méthodiste. Une de nos enfants avait entendu la dispute ; voyant que sa maitresse ne pouvait se défendre, elle avait couru à l’école appeler au secours. La victoire étant de notre coté, c’est un cortège triomphant qui revient à l’école. Puis, comme si rien ne s’était passé, on commence les cours par une demi-heure restante.

Six mois après la fondation, Sœur Jean-Bosco est mutée et remplacée par Sœur Fernanda-Marta, espagnole. Elle est directrice d’école mais ne connaît presque pas le français. Toute la journée entourée d’enfants, elle apprend rapidement le lunda mais le parle avec l’accent espagnol. Toutes ses élèves la comprennent aisément et avec l’aide de l’Esprit, elles connaissent le catéchisme à la perfection. Nous trouvons cela miraculeux : car en communauté, lunda, français, espagnol, s’entremêlant dans son langage, on la comprend très difficilement. « Sa langue » est restée célèbre à Kapanga où elle est demeurée pendant les dix ans de présence des Sœurs Franciscaine (F.M.M).

Parfois, nous allons visiter les gens dans leurs villages. Armées de quelques bonnes tartines, nous partons de grand matin à pied, n’ayant ni vélo, ni moto, ni voiture à notre disposition. C’est bien tard que nous revenons chez nous, le sac à provision bien plein d’œufs que les personnes visitées nous ont remis par reconnaissance. Voir les sœurs dans leurs maisons était pour ces gens une joie entièrement partagée par nous…

Le travail médical commence pour Sœur Joseph Auguste et l’infirmier Denis par la visite d’une quinzaine des malades au dispensaire. Après deux semaines leur nombre est doublé et la centaine est atteinte après un mois. Nous invitons les mamans à nous amener les bébés pour la pesée hebdomadaire. Comme celle-ci s’accompagne « bons points qui seront transformés en savons, vêtements, etc… elle a vite du succès. Pas de complications, car tout se passe sur une table rustique, à l’ombre des manguiers.

Pour la consultation prénatale, il faudrait une table d’examen qui pourrait éventuellement servir de maternité, au début. Près du dispensaire, se trouve une hutte de 3 m sur 4, dotée d’une ouverture (fenêtre) de 30 cm sur 30, qu’on ferme par un battant de bois. Quelle aubaine, c’est trouvé ! Quelques planches de bois, en plan incliné sur 4 poutres solides, feront le complément indispensable. Prudemment et lentement l’une ou l’autre mère arrive pour un examen prénatal, mais ensuite on ne la voit plus.

La question se pose dans les villages voisins : « Une sœur infirmière qui n’a jamais eu d’enfants elle-même, peut-elle aider à mettre au monde les enfants des autres ? ». Une femme hardie se décide enfin. Assistée par la sœur, après un temps relativement court, elle donne le jour à un beau garçon de 3 Kg 200. La grand-mère du bébé qui, selon la coutume, est restée aux cotés de sa fille pendant tout le travail, est au comble du bonheur. Elle sort de la hutte, en criant, chantant et dansant. Bientôt tous les habitants des environs sont là pour faire la fête dans la joie parfaite !

Entre-temps un bâtiment en dur est construit pour la maternité. Il comprend une chambre d’accouchement et une salle attenante, avec 5 beaux lits en métal, qui seront régulièrement occupés.

Un soir, on nous apporte un bébé de quelques jours, dont le père est esclave d’un riche commerçant et la mère vient de mourir. On a confié la petite fille à son frère de sept ans, mais il succombe sous charge. Deux vieilles se décident d’amener le bébé et son gardien à la mission. C’est de grand cœur que nous accueillons ce cadeau inattendu. Le nouveau bâtiment de la maternité leur servira de logis. Du coup les deux enfants auront des multiples mamans, car, en plus des sœurs, toutes les femmes qui passent près de là vont les choyer et gâter ! Au fil des jours, la petite ‘Kashal’ devient une jolie et gentille enfant qui commence à connaître et aimer Jésus et sa mère…

Voici, par ailleurs, d’après la même source, les noms des sœurs franciscaines qui ont œuvré à Kapanga :

Sœur Jérôme (ANNA HEYNEN), Responsable ; Sœur Jean-François (IRMA HELDERWEIRDT) ; Sœur Joseph Auguste (MARIE-JOSE HEYNSSENS) ; Sœur Claudiantonia (GREGORIA GARCIA ALBENIZ) ; Sœur Guddène (DELPHINE VAN BERGEN) ; Sœur Jean-Bosco (ANGELE MAYENS) qui fut remplacée six mois après par l’espagnole Sœur Fernanda Marta (MARIA DE LA GUADELOUPA).

EN RESUME :

Au-delà des récits anecdotiques, en quoi a consisté l’apostolat des franciscaines à Kapanga ? Il y avait, bien sur avant tout, la catéchèse donnée aux enfants ainsi qu’aux enfants ainsi qu’aux adultes. Les sœurs ont apporté aussi leur contribution aux deux sacristies de Ntita et de Musumba ; elles ont animé des célébrations eucharistiques par la formation des chorales pour garçons et filles, enseigné la religion à l’école primaire, aux foyers pour femmes et jeunes filles. Elles se sont chargées du dispensaire et des visites à domicile avec bribes de conversations religieuses occasionnelle.


Des difficultés

Comme nous l’avons souligné pour la branche masculine, à l’arrivée, la langue a constitué un handicap sérieux pour les sœurs dans l’accomplissement de leur apostolat. Il fallait apprendre le lunda à la volée, sans livres (c’est inexistant pratiquement), ni grammaire écrite. Pour ce qui est du travail médical, elles soulignent qu’il y avait des difficultés à commencer un petit dispensaire dans une zone située à 5 Km de Musumba où la mission Méthodiste était vraiment florissante à tout point de vue : elle était dotée de plusieurs médecins américains et plusieurs infirmiers(e) et autochtones. La collaboration ? N’y pensez pas : c’est plutôt la rivalité.

Des joies…

Malgré tout, les sœurs étaient bien contentes de leur nouvelle mission en terre lointaine. Pendant dix ans, elles vont œuvrer à Kapanga. Il n’y avait pas que des problèmes, voyez aussi ces moments exaltants :

- Bénédiction de la chapelle et du couvent et première exposition du Très Saint Sacrement avec adoration eucharistique (4 oct.1948).

- Installation officielle rehaussée de la présence de Monseigneur STAPPERS, de la Supérieur Provinciale et de l’Empereur des lundas.

- A Noël, réussite d’une chorale d’enfants faisant bonne impression sur une foule compacte qui avait pris d’assaut l’église.

- Les dimanches, il y a des récréations joyeuses, avec animations diverses : comédies et fous-rires entre les sœurs.

- Célébrations des baptêmes et premières communions d’enfants préparés par les sœurs.

Oui, autant les croix existent, autant on est consolé des rameaux des événements heureux qui font chanter la vie des missionnaires.

Mais, dix ans de tant des bienfaits, ca passe vite. En l’espace d’un rêve, dirait-on, les franciscaines qui semblaient si exubérantes pour cette mission, pliaient déjà bagages, elles quittaient définitivement Kapanga en 1958. Elles ont ouvert le chemin, laissant à leurs consœurs F.M.M s’en vont à Dilolo-Gare où Monseigneur STAPPERS leur avait demandé, quelques années auparavant, de commencer une nouvelle communauté.




CHAP 6
 LES SŒURS SALVATORIENNES

Le 16 septembre 1958, les sœurs Salvatoriennes qui venaient de recevoir en Belgique, la croix missionnaire, débarquèrent à Ntita. Quatre jours auparavant, elles furent reçues à Rome par le Pape Pie XII qui leur accorda sa bénédiction. Elles quittèrent donc Rome, le 12 septembre 1958 pour Kinshasa. Puis elles sont arrivées à Kamina par avion où les attendait le Père léonard VAN ERP avec sa camionnette. L’aventure commençait ce jour-là, à la découverte de leur nouvelle terre de mission. Il fallait parcourir 510 Km pour atteindre Kapanga. Le 16 septembre, elles furent accueillies à Ntita. La sœur HELENA, membre de la première équipe raconte :

« Une foule d’adultes et d’enfants nous attendait et nous accueillit dans l’allégresse. Nous étions heureuses de rencontrer ce jour-là Mgr KEUPPENS à Kapanga. Il nous souhaita la bienvenue. Nous étions au nombre de quatre : SŒUR GENEROSA ROSIER (la Supérieure), SŒUR CHRISTIANA GIELEN, SŒUR ANGELINE VAN ROOY et moi-même, SŒUR HELENA BAKKERS. »

A Kapanga les nouvelles venues trouvèrent les franciscaines en partance. Cependant, deux d’entre elles devaient rester encore deux mois pour initier les Salvatorinnes à la vie chez les lundas en Afrique. Il s’agit des sœurs Fernanda Marta et de sœur Joseph Auguste.

Sœur Helena raconte qu’une semaine après son arrivée, elle effectua sa première tournée de contact dans les villages de brousse. Elle avait déjà appris la brève formule de « Mu dijin dia Tatuk… Au nom du Père… »

Dans l’abaissement habituel du travail missionnaire, ces servantes du Seigneur se dévoueront avec la dernière énergie à leur taches.. Elles ont palpé notre misère et partagé nos souffrances. Elles ont connu l’angoisse de la guerre…

La Sœur Helena fut la dernière à quitter la terre africaine en 1990. Nous l’avons trouvée à Kapanga peu de mois avant son retour définitif en Europe. Elle a vécu 32 ans dans cette mission : « Kapanga est devenu et restera un chez-moi », a-t-elle déclaré le jour que nous lui disions au revoir au réfectoire des Sœurs à Ntita.

Mais la congrégation salvatorienne est toujours là. Pendant des années, des sœurs vont se succéder à Ntita : Sœur Huberta, Sœur Christophora, Sœur Elise… et aujourd’hui les sœurs Anita, Damiana, Caroline sont en train d’incruster, en lettres d’or, leurs noms dans les annales salvatoriennes.

Entre-temps depuis les années 1980, la congrégation prend de plus en plus des couleurs congolaises : elle a accepté enfin d’accueillir en son sein des jeunes religieuses zaïroises. La première à franchir la porte fut la sœur Justine Mbuyi, suivie de Maria-Petra née Justine Kaloba, Georgette Kon, Adolphine Museng. Ce premier groupe fut formé en Autriche.

En 1991, deux jeunes postulantes furent envoyées en Tanzanie pour compléter leur formation : il s’agit des sœurs Agnès Kaind et Thérèse Nyemba.

Ntita ne cessa plus d’etre une pépinière des vocations, jusqu’à ce jour. Neuf jeunes filles se préparent en ce moment dont quatre postulantes : Astrid Mand, Marie-louise Yind, Thérèse Tshakatumba, et Florence Katam ; et cinq aspirantes : Jacqueline Mwakasu, Pascaline Kabid, Georgette Mamou, Cécile Kon et Françoise Nsong.

Ainsi la Congrégation s’enracine et s’internationalise à Ntita où vous trouverez facilement l’Italienne Thérèse CIBA taquiner allégrement sa consœur Autrichienne Anita ou la zaïroise Astrid Mand ; et la polonaise Damiana rivaliser de coudes à retourner la terre avec ses jeunes postulantes et candidates zaïroises.

En Aout 1991, la Communauté eut la joie de recevoir la visite consolatrice de la Mère Générale de Rome, l’Américaine madre Jean et sa délégation.

En 1992, c’est la période trouble où des partis politiques tel que l’UFERI s’attaquent aux ressortissants Kasaiens ; ainsi le 19 septembre de cette année-là, les Sœurs Salvatoriennes se sentirent contraintes de plier bagages. Elles s’en allèrent, une partie à Kalamba et une autre partie à Kolwezi. Le grand Couvent de Ntita fut déserté, l’abandonnant à la garde peu rassurante des militaires. Mais bientôt elles ne tarderont pas à revenir et continuer la mission…










CHAP 7    LES PERES SALVATORIENS

1.  LA POLEMIQUE DES FRONTIERES : ZONE DE KAPANGA – REGION DU KASAI

             L’arrivée des Salvatoriens à Kapanga coïncide pratiquement avec l’accession du Congo à son indépendance en 1960. Nous connaissons tous les conditions dans lesquelles se sont déroulés les événements de cette accession. Le pays s’est retrouvé dans une situation politique chaotique. La confusion régnait partout : partis politiques et troupes rebelles se sont entre-déchirés. Moise Tshombé, un fils de Kapanga, fait grande figure sur l’échiquier de la politique nationale congolaise : il est Président de l’Etat proclamé du Katanga, il est ensuite Premier Ministre de la République Démocratique du Congo…

Ses soldats, reconnus sous l’appellation de « Gendarmes Katangais » sont vaincus par les forces de l’O.N.U en 1963 et se réfugient en Angola voisin. Ils resteront une force irréductible et une menace permanente du régime de Mobutu qui venait de prendre le pouvoirr au Congo à partir de 1965. Les rebelles Katangais attaqueront le pouvoir de Mobutu une première fois, en 1977, lorsqu'ils feront une incursion sur le territoire zaïrois du Sud-ouest (Kapanga, Sandoa, Dilolo) ; puis une deuxième fois, avec la prise de la ville de Kolwezi en mai 1978. Mais Mobutu résista aux assauts des assaillants.

C’est dans ce climat de crise perpétuelle que vont œuvrer les nouveaux missionnaires de Kapanga. Dans le domaine de la liturgie, nous sommes à l’heure du Vatican II, c’est-à-dire, l’heure des réformes. Le latin s’éclipse peu à peu pour permettre le développement liturgique des langues locales : chants et prières en lunda…

C’est aussi l’époque des premières ordinations sacerdotales des fils lundas, fruits de l’apostolat franciscain : l’abbé Michel NAWEJ (1960) ; l’abbé Christophe REMB (1964) ; l’abbé Paul MBANG (1965).

Quelques années après l’arrivée des Salvatoriens à Kapanga, ils furent confrontés au problème des frontières entre Kapanga et le Kasaï.

Les lundas du Nord-est de Kapanga (Nkalany) se sont retrouvés souvent ballottés entre la zone de Kapanga et la région du Kasaï. A quelle circonscription ecclésiastique appartenaient les chrétiens de Mutomb-a-Chibang, de Yombu, de Kambamb, de Nkalany ? Ils étaient évangélisés tantôt par les missionnairesdu Kasaï, tantôt par les missionnaires de Kapanga. Et pourtant, eux-mêmes, étant des Lundas (aruund),  souhaitaient être définitivement attachés à la circonscription ecclésiastique de Kapanga.  Le 09 avril 1960, après tergiversations, Mgr KETTEL, évêque de Mbuji-Mayi, céda officiellement le terrain controversé du Nord de Kapanga aux missionnaires du territoire de Kapanga.

Ce conflit trouve racine loin dans l’histoire missionnaire : avant même l’érection de la mission de Kapanga, le Kasaï voisin était déjà évangélisé par les scheutistes (Cfr Chap. II, p.22). Ce sont les prêtres de cette mission et leurs catéchistes qui vont sillonner toute la contrée du Kasaï jusqu’à Kapanga.

En 1932, les franciscains venus de Sandoa pour fonder la mission de Kapanga vont bousculer cet ordre établi en tenant compte de la subdivision territoriale de l’Etat.

Alors que les missionnaires du Kasaï occupaient le Nord de Kapanga jusqu’au 8°10’ latitude Sud, les franciscains reprennent ce territoire en 1939.  Les Pères de Scheut du Kasaï relancèrent l’offensive et réoccupèrent  la contrée après érection de la mission TUBEYA (WIKONG) la même année 1939.

C’est finalement en 1960 que Mgr KETTEL se résigne à céder au Diocèse de Kamina (Kolwezi) ce morceau. Mgr KETTEL de Mbuji-Mayi, nous l'avons dit, ne faisit que se plier à la volonté de la population concernée, et du MWANT YAV. Cette population, en effet, demandait avec insistance d’être enseignée en lunda, sa propre langue et non en Chiluba, une langue étrangère. En d’autres termes ce peuple se reconnaissait Katangais et appartenant à la mission de Kapanga. Après cette '' capitulation'' des missionaires du Kasaï, Les Salvatoriens, nouvellement arrivés pouvaient alors  évangéliser ces villages en toute quiétude.

Puisque ces accords n'étaient encore qu'officieux, on pouvait s’attendre  à une éventuelle relance du conflit, une fois qu’un nouvel évêque succèderait à Mgr KETTEL. De fait, Mgr NKONGOLO venait d’être nommé évêque de Mbuji-Mayi. La plume intrépide de Mgr KEUPPENS, Evêque du Diocèse de  Kamina auquel appartenait Kapanga, ne devait plus dormir : le 5 août 1970, Mgr KEUPPENS demandait au nouvel évêque de ratifier la juridiction qui fut donnée aux Pères de Kapanga par Mgr KETTEL en 1960. Il fallait le faire par écrit et officiellement, exigea-t-il. Le 19 octobre 1970 fut alors signé par Mgr KEUPPENS et Mgr NKONGOLO un contrat conjoint de délimitations exactes. Les archives de l'Evêché de Kolwezi disposent de ce document qui donne les termes précis du  contrat:
« Il a été convenu que les limites des deux diocèses correspondaient dorénavant avec les limites de deux provinces administratives de la République Démocratique du Congo not. (Sic) les provinces du Kasaï et du Katanga… » 

Au niveau de la hiérarchie, le conflit fut résolu donc de façon heureuse.

 Sur  terrain, au sein de la population elle-même, un ancien de cette époque-là, Monsieur Rumbu KOJ raconte qu’il y a eu  des échauffourées :

« C’est arrivé qu’à une certaine période, raconte-il,  on s’est mis à chasser les catéchistes du Kasaï et de Kanenchin (TUBEYA). Ces années-là un certain abbé David MUKENDI faisait son apostolat dans la contrée de la Nkalany arrivant jusqu’à Kateng à 18 Km de Musumba. Il enseignait en Chiluba. Nous autres, population lunda nous étions très mécontents de cette situation où il fallait mettre à l’avant plan la langue des autres. A ce rythme, le lunda était appelé à disparaître comme langue liturgique, notre culture était menacée d’effacement. J’étais commis aux bureaux du Territoire. Ainsi avec l’accord de Mwant Yav DITEND et de l’Administrateur du Territoire, Monsieur Sovet, nous avons écrit à l’Administrateur de Lusambo et de Mwene-Ditu pour leur manifester notre désaveu.

Un jour, on fit venir aux bureaux du Territoire de Kapanga l’abbé David Mukendi qu’accompagnaient deux autochtones de Kanenchin (Tubeya) pour un débat houleux en présence de Père Laurent, un Salvatorien œuvrant chez les lundas. Au bout d’une longue discussion, l’abbé David exprima son sentiment de déception et s’engageait enfin à retirer ses catéchistes kasaïens. Et les Pères de Kapanga devaient les remplacer par des catéchistes aruund (lundas). »

Quelques années plus tard, on dirait que les salvatoriens avaient jugé bon de choisir un roi des armées pour veiller à la frontière contre toute invasion éventuelle de l’élément Kasaïen: ils bouchèrent l’entrée de la frontière du Kasï  en y créant la Paroisse Saint Michel de Kalamba.

  Au niveau de la Nonciature, une correspondance trouvée dans les archives de l’Evêché de Kolwezi montre comment fut close cette affaire. Le conflit des frontières concernait aussi plusieurs autres Diocèses du Katanga : ainsi le 18 novembre 1970, Mgr TORPIGLIANI, Nonce Apostolique à Kinshasa, signale l’acceptation par la S.C pour l’Evangélisation des Peuples,  des rectifications de nouvelles frontières entre les Diocèses qu’il cite (dont celui de Kolwezi).

En conclusion, tout porte à croire donc que ce problème s’est déroulé à des échelons différents. Au niveau de la Hiérarchie de l’Eglise, c’est à coup des plumes et avec tous les égards seigneuriaux qu’on est arrivé à une convention définissant clairement les frontières conflictuels.

Au niveau du peuple, le conflit fut plutôt plus sentimental :  le lunda se sentait frustré d'être enseigné en chiluba et se devait donc de défendre et de protéger sa langue et sa culture face au chiluba envahissant. On s’est mis alors à chasser tout ce qui était kasaien.

Mais qu'il en soit il est un fait établi que l’évangélisation d’une partie de Kapanga, spécialement celle du nord-est, est venue du Kasaï. Le peuple lunda na cependant pas de gêne  à admirer et à louer sincèrement  le courage, la force, la persévérance et la piété du corpulent Abbé David MUKENDI du Kasaï. Il a parcouru la contrée de la Nkalany à pieds et parfois à vélo. La population qu’il évangélisait transportait ses malles sur la tête, à la manière des premiers missionnaires blancs. L’abbé David fut réellement un missionnaire, disent certains anciens. Une graine d’Ave Maria pour lui nous préserverait de toute ingratitude.


2. LA VIE DE QUELQUES MISSIONNAIRES

 LE FRERE HENRI VERKOOYEN APPELE  «  FRERE SAMWAN ».

Ce Frère est le missionnaire par excellence de la mission de Kalamba. Né en 1926 au Pays-Bas et devenu religieux, il accepte d’être envoyé comme missionnaire au Congo-Belge. Il fut le premier religieux salvatorien à fouler  le sol de Kapanga où il joua le rôle de charnière entre les Franciscains partants  et les Salvatoriens qui arrivaient.

D’un abord facile, le Frère s’attira beaucoup de sympathie de la part de la population lunda dont il parlait aisément la langue. Ce fut un homme très généreux, et d’aucuns reconnaissent avoir bénéficié des bontés de celui qui devint le Chef  coutumier SAMWAN : il a payé les études de certains jeunes, fait construire des maisons d’habitation à d’autres, donné des outils ou des machines de travail etc… Les actes de bienfaisance ont jalonné toute sa vie à Kapanga. Il est difficile de les énumérer tous. Parmi ses grandes œuvres,  il convient de citer celles de développement, spécialement dans les constructions des ponts entre Musumba et Kalamba. Le voyageur étranger, non averti qui traverse la Rushish ou la Kajidij, n’y verrait que quelques ponts parmi tant d’autres ; le natif par contre est renvoyé au souvenir de Frère Henri. C’est à peine qu’on a pu se retenir parfois de s’écrier à certaines traversées : « Béni sois-tu Frère Henri ». Le Grand Chef Mwant Yav David Muteb II l’honora du titre de SAMWAN qui fit de lui un véritable notable des lundas investi de tous les insignes traditionnels : la couronne royale (chibangu), un ample pagne (mukambu), un bracelet (rukan), un coutelas dans son fourreau (mpak ya mukwal) suspendu sous son bras ; une petite hache (chimbuy) et la queue-chasse-mouche (mwimpung) à la main. Le Frère Samwan jouit de tous les privilèges liés aux notables lundas. A son arrivée, après un bref séjour à Ntita, c’est à Kalamba qu’il consacrera le reste de sa vie(27 ans).
Tombé malade en février 1991, frère Samwan arrive d’abord à Ntita pour les premiers soins, ensuite il est évacué par petit porteur vers Lubumbashi. Après Lubumbashi, il regagne  l’Europe, nous promettant de nous revoir après six mois… C’était, nous l'ignrions,  nos adieux à Frère Samwan à la plaine d’aviation de Musumba. En effet, le 9 juillet 1991, le frère rendit l’âme, en Europe. "Le Frère Samwan est mort, nous annonça-t-on". A Kalamba on organisa un deuil digne d’un notable lunda. Il est mort. Mais sa chaleur humaine durera encore des années dans le pays des « Ayipak » (dénomination des habitants de cette contrée). Son nom continue encore à retenir dans nos conversations à Ntita et à Musumba : « C’était un homme de Dieu… »

 PERE ALBERT IHLE.

Père Suisse, né le 25 octobre 1906. C’est lui qui fut chargé de fonder la mission de Kalamba. Il y laissera sa vie le 10 octobre 1969 à 19h30. Il arriva au Congo comme missionnaire en 1956. Il passa sa première année de pastorale à Kapanga ; ensuite, il fut envoyé à Kanzenze. Il fut l’un des rares salvatoriens à avoir donné cours au Petit Séminaire de Kanzenze, fief des franciscains. Il y travailla de 1957 à 1960. Sa destinée penchait  plutôt vers la mission de Kalamba. Il revint ddonc à Kapanga aprèss 1960. Il est ensuite envoyé à Kalamba. C’est là qu’il s’est épanoui, se consacrant entièrement à son travail dans la recherche du bien-être  de la population qu’il devait évangéliser: il a puisé dans son savoir peu commun, des moyens appropriés pour être tout à tous : il était prêtre, bien sûr ; mais aussi médecin, constructeur, infatigable voyageur… L’Eglise de Kalamba s’est élevé, puis un dispensaire. Il envisageait même de construire un hôpital et une école pour infirmières, mais un soir, des bandits pénètrent chez lui. Quatre balles tirées sur lui mettent fin à sa vie terrestre et … à ses projets. La soif d’argent de quelques canailles l’emportait sur la générosité dont aurait profité tout un peuple. Adieu Père Albert, Jésus vous invite : « Venez les bénis de mon Père… car j’étais malade et vous m’avez visité… Recevez en héritage le Royaume… » La nouvelle se répandit aux quatre coins de Kapanga, du Diocèse de Kamina.

 LE PERE HEITFELD ALIAS MADJAKU.

Avant de devenir prêtre, Heitfeld a d’abord travaillé dans les mines de charbon en Allemagne. Mais Dieu lui préparait une autre voie et une autre croix. En effet, ordonné prêtre, le Père Louis est envoyé en Chine. Nous retenons de lui qu’il avait une grande dévotion pour Notre Dame de Fatima. Il construisit dans le Chef-lieu de la Province de Fu-Kien en Chine une cathédrale qu’il dédia à Notre Dame de Fatima. Le calvaire allait commencer avec l’arrivée des communistes au pouvoir. On persécute l’Eglise et ses missionnaires. Le Père Louis fut arrêté et emprisonné. Il subit des tortures atroces pendant vingt deux mois. Il a écrit une petite brochure intitulée ‘Gehirn Wasche’ (Lavage du cerveau). Il promit à la Vierge qu’il construirait encore une église qu’il lui dédierait s’il sortait de prison. Sa prière fut exaucée. Le Père est libéré. Il rentre en Europe. Mais il n'y demeura point. Il lui est proposé d''aller en Afrique et spécialement au Congo et à Kapanga. Il y arrive en 1958. Il est nommé Vicaire à Musumba. Il reçut de Mwant Yav Mushid le titre et les insignes de ‘Chef Sachilemb’. Le Père Louis arborait une bien bonne longue barbe que le Père Jef Cornelissen qualifie de prophétique, il avait aussi une voix tellement grave que la population lui colla le surnom de MADJAKU (en lunda, un oiseau au timbre grave). Le grand mérite de Père Louis se trouve dans l’œuvre grandiose qu’il va léguer à la capitale de l'Empire Lunda, Musumba,  à savoir la construction de l’église de Notre Dame. En effet rappelé en Allemagne pour devenir Procureur des missions à Passau, il n’oubliera pas sa promesse lors de sa captivité en Chine : construire une église dédiée à la Vierge Marie. Il se mit alors à financer la construction d’une église à Musumba, à la taille de la Capitale de l’Empire. L’exécution de l’œuvre sur place sera réalisée par Frère Georges LENDERS, Père François Caris et Père Arnold STEVENS. L’inauguration de la nouvelle église eut lieu le jour de la fête du corps et du sang du Christ en 1966 par Mgr KEUPPENS. Depuis lors, l’église de Musumba, érigée en Paroisse en 1957, prit le nom de Notre Dame de Fatima et se dévêtit de celui de Sainte Elisabeth.

Autour de cette construction, se posa le problème d’emplacement de cet édifice. Les missionnaires catholiques ne voulaient point séparer l’église de la paroisse. Et pourtant, à Musumba, l’Eglise Catholique n’avait qu’une infime concession sur la Grand’ Place appelée Dibur dia Mwant Yav, littéralement, la grande Cour réservée à Mwant Yav. De quel droit les missionnaires catholiques pouvaient-ils encore se permettre de réduire la superficie de la cour sacrée impériale à leur bénéfice ? C’est la question que se posait le Chef Chot. C’est encombrant, pensait-il. Le bras de fer s’engagea entre le Chef Chot et l’Eglise sous l’œil indécis de l’arbitre Mwin Mangand Mwant Yav Ditend. Mais la sympathie pour cette œuvre et à cette place veillait au cœur du Grand Monarque. En fin de compte, c’est lui-même, le Mwant Yav, qui imposera sa décision souveraine en faveur de l’Eglise : « il fallait élever les murs de Notre Dame sur la Grand’ Place, qu’il en déplaise à certains notables ». Le 24 mars 1992, nous avons questionné le Chef Chot à ce sujet : il marque un petit regret sur ce qu’il croyait être la bonne position qu’il fallait défendre croyant satisfaire l'Empereur. Le Chef Chot est le notable dont le rôle est d’activer le feu au Palais du Mwant Yav, il surveille, en outre, les femmes du Palais contre toute infidélité. Depuis 1942, le chef Chot est encore au pouvoir jusqu’aujourd’hui. La polémique de jadis autour de l'occupation par les catholiques d'un espace sur la Grand'Place semble l'embarrasser aujourd'hui.



 LE PERE FRANS CARIS

Ce Père fut un homme très dévoué à son travail. Il était maçon.  Quand le Père Martin arrivait en 1961, dans le village de Kapanga où il s’installerait, Frans Caris venait de terminer la construction de l’église Sainte Famille aidé par Frère Georges Lenders. Caris a d’abord, lui-même habité dans ce village. Ceux qui l’ont connu parmi la population, nous racontent qu’il était de bon caractère, mangeant et buvant comme les ‘indigènes’. Après son séjour de Kapanga, il ira s’installer à Musumba où il vivra dans une même communauté avec Père Arnold. C’est là qu’il fonda un Centre Culturel : véritable foyer de propagation des brochures en lunda. Il a publié par exemple : « Ayilabu a Uganda », « Marie Goretti et Monique ». Il est à l’origine du feuillet d’information baptisé : « Kuvarakan », feuillet qui sera relancé plus tard par le Père Paul WEY. C'est le Père Caris qui va se consacrer à la construction de la nouvelle église de Musumba, financée par le Père Heitfeld.

Mais l’homme reste  imprévisible.   Caris quittera les ordres, pour fonder une famille. Il ira habiter la ville de Lubumbashi où il a exercé le métier de professeur à l’athénée de Kiwele en 1971. Quelques années plus tard il retourna en Europe  où il vit encore aujourd’hui comme un bon chrétien profondément engagé.

LE PERE BAUDOUIN THEWISSEN

Entre 1964 et 1974, arrivèrent à Kapanga des missionnaires qui ne purent s’adapter à la vie de cette contrée. Ces inadaptations étaient d’ordre divers, selon les personnes. Nous citons parmi ces missionnaires :

Le Père Anselme (un autre ancien missionnaire venu de Chine y ayant fui la persécution).

Arrivé en 1966, ce Père préféra exercer la fonction exclusive de professeur de l’école de Ntita, rejetant toute autre tache liée à son ministère sacerdotale : ainsi il ne voulait ni prêcher, ni confesser, ni dire des messes en public. Rentré en Europe, il jeta le froc aux orties.

 LE PERE WILLY SMEET

Il est arrivé en 1965. Il a écrit les chroniques de la mission de Kapanga de la période franciscaine. Suite à une santé fragile, il dut rentrer  en Europe. Il a souffert de l’estomac, de fortes constipations, du foie etc. Et pourtant, nous raconte le Père Arnold, c’est un missionnaire qui eut beaucoup des facilités à apprendre la langue lunda.

LE PERE HUBERT GIJSEN

Arrivé très jeune à Kapanga, il se montra un homme dynamique et ouvert. Il était bien apprécié par les jeunes tant par ceux de Musumba que par  ceux de l’école artisanale de Ntita. Un enseignant qui a connu le Père Hubert, raconte avec plaisir les largesses de ce missionnaire : « C’était un très bon prêtre, il distribuait des habits usagés dans les villages, du sel etc. »

Son idéalisme juvénile l’amena à concevoir un projet gigantesque : il se proposa de construire, nous rapporte le Père Martin, ‘une Paroisse pilote’ dans le village de Chibamba. Il souhaitait de toutes ses forces la réalisation de ce projet, mais en cette matière, la seule bonne volonté ne suffit pas, il faut se confronter aux faits. En effet, le Père Hubert qui se voulait être un missionnaire de  campagne rencontra vite sur son chemin la déception et le découragement : la brousse était bien hostile tant la solitude y était pesante.  En plus, les confrères missionnaires le regardaient d’un air moqueur et indifférent. Il résolut de rentrer gentiment à la grande mission de Ntita. Quelques mois plus tard, Père Hubert s’en allait en congé ordinaire. De l’Europe, raconte le Père Paul, il envoya une lettre pour annoncer qu’il ne reviendrait plus jamais à Kapanga et au Congo parce qu’il avait reçu une admonestation des autorités de la Sureté Nationale Congolaise qui le menaçait.

Tout compte fait, l’on comprit que la mission du fébrile Père Hubert s’arrêtait-là. C’était en 1967.

FRERE GEORGES LENDERS SURNOMME JOMBOLO

A côté des religieux, les Salvatoriens ont été aidés par des laïcs.

Frère Georges en est un. Il est arrivé en 1959. Il fut un grand Maçon aux cotés des Pères FRANS Caris et Arnold STEVENS. Son œuvre s’élève aujourd’hui à travers les différents postes de mission de Kapanga : une partie de la mission de Kalamba vient tout droit de ses muscles, il a participé à la construction de la paroisse Sainte Famille à Kapanga. Et plus tard, il s'attelera, avec dévouement et succès, à la construction de l’Eglise Notre Dame de Fatima de Musumba. Au Frère Georges, il faut associer aussi Monsieur Lambert VAN LANGEDONK, son menuisier bras-droit.

MONSIEUR WOLLY BOSCH.

C’était un laïc très dynamique qui se faisait passer pour un ‘monsieur qui connaît tout.’ Il déclarait même savoir piloter un avion  à réacteurs. Il était un as de l'aviation, semble-t-il. C’est avec  sourire au coin des lèvres  que ses confrères prêtres écoutaient ces belles histoires sans y croire du tout. Quoi qu’il en soit, nous dit le Père Arnold, il ne lui manquait pas certains talents : il était certainement excellent en dactylographie, et jouait merveilleusement bien au  football où il récolta beaucoup de succès auprès des jeunes.

MONSIEUR PAUL

Encore un volontaire qui aurait rendu d’énormes services à la mission n’eût été sa petite turbulence. Il disparut pendant deux semaines en brousse emportant avec lui le camion de la mission. Après tant d’autres petites aventures, le Père Supérieur le conseilla de reprendre le chemin de l’Europe pour continuer sa vie trépidante.




 FRERE JOSEPH BEERENDONK

Il fut le Hercule des jardins. Il était un homme de forte carrure, capable de vous soulever, nous rapporte le Père Martin, tout un fût de carburant pour le hisser sur le camion. En son temps, les casseroles de la mission ne devaient jamais souffrir du manque des légumes.


    
4.   LES PERES SALVATORIENS DOYENS D’AUJOURD’HUI

Les Pères Salvatoriens de la première génération sont tous passés. Cependant aujourd’hui encore nous vivons avec des missionnaires arrivés à l’aube des années 60 à Kapanga. C’est le cas de Père Laurent Théodore JANSENS (1959), de Père Martin KOOPMAN et de Père Arnold STEVENS. Les Pères que je nomme doyens dans la vie ecclésiale de Kapanga sont justement ceux-là à qui il faut ajouter le Père Joseph CORNELISSEN, Père Maurice PIET STEVENS, Père Paul WEY FRANS, sans omettre le Père Godefroid GOVAERS qui vient récemment de retourner en Europe. Nous allons parler ici de quelques-uns seulement.

 PERE ARNOLD STEVENS

Le 15 mars 1992, nous avons rencontré le Père Arnold à Sandoa. Et, avec plaisir, nous avons abordé la page d’histoire de la mission de Kapanga. Il nous a éclairé sur bien des points et spécialement sur son propre travail pastoral. Le Père travaille actuellement dans une ferme en retrait sur la route Sandoa-Kapanga et plus précisément à KASOMBIJAN. Dès son arrivée en 1961, son premier effort fut d’apprendre la langue lunda ; il y consacra six mois. Après cela il fut chargé de l’école artisanale à Ntita, puis en septembre 1962, il arriva à Musumba comme vicaire paroissial de Père Jérôme. Il n’y demeura pas longtemps, il retourna de nouveau à Ntita avec le projet de débuter la première école secondaire catholique. Dans cette entreprise les Pères rencontrèrent à nouveau la traditionnelle forte opposition de l’Eglise Méthodiste. Les protestants, en effet, reviennent à la charge pour empêcher la création d’une école secondaire catholique, craignant que cela fasse la popularité et la publicité de l’église Catholique Romaine et son expansion rapide dans les villages. Le Père Laurent, Supérieur, las de ces empoignades insensées voulut carrément laisser tomber le projet. Heureusement, nous dit-on, le Président TSHOMBE dut intervenir en faveur de cette œuvre et encouragea la naissance et l’épanouissement de l’école. Ce sera le futur Institut Ntita.

Les débuts du travail de Père Arnold sont assez mouvementés : on le retrouve bientôt Curé de la Paroisse Sainte Famille à Kapanga, il y remplaçait le Père FRANS Caris parti en vacances   en avril1963 . Pendant cette même période, le Père remplissait les fonctions de Vicaire à Musumba. C’est en avril 1964, qu’il fut confirmé curé de cette dernière paroisse. En janvier 1965, il quitte définitivement la paroisse Sainte Famille pour s’installer à Musumba avec le Père Hubert GIJSEN. Au départ de ce dernier, en 1967, il y habitera seul. Certains soirs, nous raconte-t-il, il se rendait à Ntita pour y prendre ses repas dans la grande communauté, parfois, par contre, il préférait rester dans sa cure de Musumba s’occuper du développement de ses photos. A Musumba le Père a lancé le Mouvement des ‘Guides’(Scouts). Mais il se heurta vite au manque d’intérêt de la part des adultes, le mouvement s’éteignit et fut remplacé par le Kiro. Le Père se rappelle qu’il a gardé aussi un mauvais souvenir de certains enseignants qui l’ont farouchement combattu. Mais qu’importe les vents contraires, il continua à mener sa petite barque : il traduisit des missels en lunda avec la collaboration de ceux qui lui étaient sympathiques, dont les enseignants NAWEJ FELIX et KALENG ANDRE ; il parcourut des villages prêcher la Bonne Nouvelle, il secourut des indigents de toutes sortes etc. Enfin en 1970, il prit ses vacances en Europe ; temps qu’il mit à profit pour se préparer à la tâche de Directeur du Centre Catéchétique. Quand il revint donc en 1971, c’était pour commencer une toute autre pastorale, d’abord celle de l’apostolat de la brousse : il visitait les villages de Yombo, Mutomb-a-Chibang, Mukamwinsh… Et puis alors le Centre Catéchétique en 1973.

LE CENTRE CATECHETIQUE DE NTITA

Les Pères salvatoriens, faisant écho à leurs prédécesseurs franciscains d’avoir un véritable centre de formation catéchétique, ont entamé les travaux de concrétisation du projet en 1973. Le projet fut approuvé au Conseil Diocésain en 1970. En décembre de la même année, il y eut une rencontre du Doyenné de Dilolo (actuellement appelé Doyenné de Lulua) où l’on décida d’ériger ce Centre à Sandoa, place centrale pour cette entité ecclésiastique, afin de permettre à toutes les missions concernées (Dilolo, Sandoa, Kapanga, Kasaji) d’y avoir facilement accès. Comme langue véhiculaire, le choix tomba sur la langue provinciale, le swahili. Le Père Arnold, Directeur nommé, s’y opposa parce qu’il ne connaissait pas le swahili, il voulut même démissionner pour cette raison-là. On décida alors d’implanter le Centre à Kapanga où, à coté du français, on userait bien aussi et surtout de la langue lunda préférée par le Père Arnold. L’implication salvatorienne dans cette affaire était de taille, on ne pouvait donc pas s’opposer efficacement à cette nouvelle donne sans se retrouver dans une impasse. Les Pères Joseph CORNELISSEN et Romain MISSEN furent chargés de s’occuper du projet. Les plans et le devis pour les constructions furent établis : le coût total s’élèverait à 32.654 Zaïres, somme très considérable à cette époque-là. On introduisit ce dossier à « Action de Carême des Catholiques Suisses ». Afin d’encourager les organismes à soutenir effectivement le projet, le Diocèse de Kolwezi fit savoir qu’il disposait déjà d’un montant de 172.000 fb (francs belges), somme qu’il remettait au Centre comme contribution (Sources : Archives de la Mission de Ntita)

Le Centre ouvrit ses portes en novembre 1973. Il avait pour but, la formation des catéchistes-animateurs bénévoles des missions précitées. C’est par périodes que des familles devaient venir habiter le Centre pour suivre la formation. Pendant que les hommes sont formés à la prédication de la Parole de Dieu, les femmes en profitent pour appendre quelques rudiments des cours ménagers (puériculture, nutrition, foyer, cuisine etc.)

Nous avons trouvé un rapport des cours qui se donnaient dans cet établissement et les périodes sur lesquelles ils s’étendaient :

1. Cours de formation pour catéchistes et chefs des villages : mars 1973 – juillet 1974. 11 familles ont été hébergées au Centre.

2. Cours de formation pour catéchistes et chefs des villages : octobre 1974 – juillet 1975. 20 familles.

3. Du mois d’août au mois de septembre 1975 : recyclage pour 13 catéchistes employés à temps plein.

4. Cours de formation pour catéchistes et chefs des villages : octobre 1975 – juillet 1976 : 20 familles.

5. Août 1976 – septembre 1976 : recyclage pour 13 catéchistes employés à temps plein.

6. Cours de formation pour catéchistes et chefs des villages : octobre 1976 – mars 1977. 20 familles. Et puis alors éclata la guerre de 80 jours au Shaba (Katanga). Les cours furent interrompus et ne reprendront que trois ans plus tard en 1979.

7. Octobre et Novembre 1979 : recyclage pour 13 catéchistes venus avec leurs femmes et enfants.

8. Juillet 1980 : recyclage de six semaines pour tous les catéchistes ayant eu leur formation dans ce Centre depuis sa fondation en 1973. 53 participants.

9. Novembre et décembre 1980 : cours de formation pour 50 catéchistes bénévoles. Après cette date, le Centre va connaître un ralentissement dans ses activités.

Difficultés.

a. De la part des formés

- Ces gens qui venaient étudier au Centre savaient parfois à peine écrire, ce n’était que des simples paysans dont le niveau intellectuel était très bas. Et parfois ils étaient déjà bien âgés. Aussi plusieurs n’ont-ils pas considéré ces périodes de formation comme un temps mort dans le déroulement normal de leurs activités paysannes.

- Les participants devaient parfois venir de loin : de Dilolo, Kasaji, Kalamba, et même Wikong. La persévérance n’était pas toujours au rendez-vous.

- Les plus doués d’entre eux, préféraient aller étudier à Lubumbashi à l’Institut des Sciences Religieuses (I.S.R),  tout en dédaignant la formation du centre de Ntita.

b. De la part des formateurs

- Le Directeur de Centre, le Père Arnold, n’était pas toujours stable, parce qu’il a quand même continué encore à visiter les communautés chrétiennes de brousse. Ce handicap s’est aggravé lorsqu’il s’est installé à Kalamba (à au moins 100 Km de Ntita) depuis 1977 quand la guerre avait éclaté. Il y plaça même sa résidence jusqu’à sa confirmation comme Curé de ce village.

- Au moment où on a commencé la traduction de la Bible en langue lunda à Kapanga, on réduisit sensiblement les périodes de formations des catéchistes. Le Père Jacques venait alors de passer Directeur de Centre, en même temps qu’il s’occupait de la dite traduction. On a commencé à organiser des sessions de 3 jours seulement. Ce sont les catéchistes formés à l’I.S.R de Lubumbashi qui se chargeaient de dispenser les enseignements destinés aux catéchistes venus des villages. Une nette distinction va se faire jour entre les catéchistes formés à l’I.S.R et ceux formés sur place à Ntita.

Voici les noms des catéchistes (animateurs) ayant œuvré à Kapanga jusqu’à ce jour :

LA PREMIERE VAGUE : Mayemb a Kasaj (à Musumba), Mases Marcel (Musumba), Mbaz (à Mukamwish), Mutiy Jean-Baptiste (à Mpand-a-Kalend), Rubing qui œuvra à Kalamba puis est devenu chef coutumier à Mbok ; Kaleng Floribert (à Ntita) et Kabund (à Kapanga).

LA DEUXIEME VAGUE : Mupang Innocent (Kalamba), Mufot (à Renyek et Musevu), Mulapu Vincent (à Ntita), Chikut (à Chamb et Kambundu), Kapend Chitav Boniface et Chilond Alidor (à Musumba), Kapend Chibang (à Chibamba).

LES BATIMENTS DU CENTRE

Le Centre Catéchétique de Ntita est construit entre le couvent des Sœurs et celui des Pères. Il comprend 16 maisons d’habitation dont 8 parmi elles sont jumelées. Elles sont rangées sur deux lignes parallèles et au milieu du Centre sont bâtis les bureaux du Directeur et la salle des conférences.



MAYEMB A KASAJ, UN CATECHISTE   A  ROME

Le catéchiste Mayemb-a-Kasaj fait grande figure dans l’histoire de l’Eglise naissante de Kapanga. Mayemb fut un ancien jeune cuisinier des colons européens dans les villes minières de Kambove et de Likasi. Il est rentré dans sa zone natale à Kapanga en 1928. Quand les Pères franciscains arrivèrent en 1929, il fut un des premiers inscrits pour le catéchisme et fut baptisé en 1932 par le Père Amans. Depuis lors, allait se confirmer sa vocation d’être porte-parole de Dieu jusqu’à devenir un des grands noms des catéchistes de la zone de Kapanga. Il a travaillé tour à tour aux cotés des Pères Amans, Adhémar Kawel, Pascal Ceuterick ; il a continué à travailler, par la suite, avec les Pères salvatoriens.

Après avoir parcouru des villages innombrables, prêchant et exhortant le peuple de Dieu à vivre sa Parole, Mayemb déménagea du village Kapanga à la Capitale de l’Empire, Musumba.

En 1963, il eut le rare privilège parmi les catéchistes de visiter l’Europe : il y fut accueilli par la communauté des Pères Salvoriens. Le comble du bonheur arriva au moment où il lui fut donné de rencontrer le Pape de Rome. Celui-ci l’honora d’une médaille de mérite que Mayemb devait désormais arborer dans toutes les manifestations officielles de l’Eglise. Revenu à Kapanga, il écoula sa petite vie paisiblement à Musumba, avec le même dévouement au service de l’Eglise. On raconte, dans les détails de sa vie, qu’il fut d’une propreté exemplaire, ce qui lui valut le surnom de Belge Noir. Il s’est éteint à l’hôpital de Ntita en 1969 et fut enterré au Rusambu, le cimetière de Musumba. Plus tard, pour conserver dignement son souvenir, on donnera le nom de Mayemb-a-Kasaj à l’école primaire centrale catholique de Musumba.

Le Centre a connu ses heures de prestige, mais ce temps est révolu : à la période de gloire a succédé plutôt aujourd’hui, une période terne, apparemment sans avenir certain. Quand je suis arrivé à Kapanga, dans l’équipe des Pères Joseph CORNELISSEN et Paul WEY, nous avons encore, ensemble, animé quelques sessions pour animateurs pastoraux. Actuellement les maisons sont ou bien inoccupées ou bien habitées par quelques utiles professeurs ou infirmiers de la place. On ne peut pas encore parler du délabrement de cet établissement, mais si on n’y prend garde, on va bientôt y arriver, car la nuit plane sur le Centre.



L’HISTOIRE DE L’ELEVAGE A KAPANGA

Nous ne pouvons parler de Père Arnold sans penser à l'élevage des bovins.
Depuis le temps des franciscains, l’élevage a toujours constitué une activité essentielle à coté de la culture dans la vie quotidienne des missionnaires. En 1972, le Frère IANKEES a encore entretenu quelques vaches sans vraiment y accorder une grande importance.

Après son départ, ces vaches ont commencé à crever l’une après l’autre. C’est déjà à cette époque-là que le Père Arnold a commencé à marquer un certain intérêt à l’élevage des bovins. Il s’est instruit lui-même avec un livre que lui avait prêté un certain Monsieur SEGADAES (aujourd’hui agent de COTOLU à Kasaji). Tout de suite, il se rendit compte que ce n’était pas du temps perdu. On pouvait exploiter avec profit ce domaine-là. Mais pour le Père Arnold, il a fallu attendre 1985 pour être libéré totalement et s’adonner entièrement à la pastorale des vaches. C’est le Père IAN SCHREURS, alors Supérieur Provincial, qui lui autorisa de bien vouloir débuter la nouvelle activité d'élevage : Père Arnold accepta volontiers l’offre.

En août 1986, il constitua son premier troupeau avec une sélection venue de Mubinza, au Kasaï. Il y avait alors 26 génisses et un taureau. Plus tard, un deuxième troupeau arriva avec 24 génisses et 2 taureaux : ce qui porta le nombre des têtes à 53, cette année-là.

Depuis lors, la population bovine ne fera qu’augmenter d’année en année grâce aux soins de l’autodidacte-éleveur, qui devint un féru du domaine. En 1986, le Père s’installa à Karadany, dans la zone de Kapanga, un village situé sur la route entre Musumba et Kalamba. Il y rencontra mille et une difficultés venant de la Collectivité Mwant Yav. Le pasteur leva sa tente et marcha,  à la recherche des terres plus hospitalières : c’est la collectivité de Muteba, dans la zone de Sandoa qui lui offrit les espaces recherchés. Il campa à KASOMBIJAN à 70 Km de Sandoa, en retrait de 7 Km sur la route de Kapanga-Sandoa. Le Père remarqua que c’était sa terre promise pour y installer définitivement sa ferme : on commença à construire en dur quelques bâtiments. Aujourd’hui ce projet fait la fierté des salvatoriens. La ferme s’épanouit dans les espaces verdoyants de la rivière Randu, plus de 700 têtes marchent majestueusement à travers la savane sous le regard envieux de quelques lions voraces qui disputent parfois au Père la précieuse proie.

 LE PERE MARTIN KOOPMAN

Arrivé en 1961 dans la mission de Kapanga, le Père Martin a d’abord habité durant quelques mois à Musumba avant de rejoindre la Communauté de Ntita. Dans ses premières années, il fera la pastorale de brousse en parcourant les villages de la Nkalany (Mutombu-a-Chibang, Yombo, Ntembo, Kalamb…).

A partir du moment où il va se fixer dans le village de Kapanga en 1965, il ne voudra plus se séparer de cette paroisse-chérie. C’est là qu’il sera à l’école de la culture lunda. Il s’y enracina tellement qu’il fut investi chef SAMBAZ, à l’instar de son compatriote hollandais Frère Henri SAMWAN de Kalamba. Il vivra dans ce village jusqu’en 1980, date à laquelle il fut muté à Kalamba y rejoindre Frère Henri. Mais son cœur est resté à Kapanga. Huit ans après son exil de Kalamba, il fut joyeux de retourner dans son ancienne paroisse à Kapanga où il vit encore (seul) jusqu’aujourd’hui. C’est avec larmes aux yeux qu’il s’arrache à ce village, pour prendre quelques rares vacances en Europe : « S’il ne dépendait que de moi, nous confia-t-il un jour, je n’irais plus jamais en vacances en Europe ». Pour le Père Martin, les jours se succèdent alors l’un après l’autre, et ils se ressemblent tous : à part les messes, le vin de palme (le chikur), quelques réparations des appareils électriques et électroniques, sont parmi ses meilleures occupations. Oh ! Qu’il aime aussi à capter les messages des avions qui passent au-dessus de sa tête. Papa Mike est son appellation codée. A chacun son petit beau patelin !

 LE PERE JOSEPH CORNELISSEN

Cette humanité que d’aucuns vilipendent souvent contient parfois des beautés morales insoupçonnées. Dans ce récit consacré à Père Joseph, affectueusement appelé Jef, nous allons remarquer combien l’homme, ce néant, recèle de grandeur, de quels élans de générosité il est capable, de quels merveilleux dévouement il peut être l’auteur. Pendant près de 30 ans de vie missionnaire à Kapanga, Jef a posé beaucoup de beaux gestes de magnificence et de don de soi.

Volonté douce mais inébranlable, le Père Jef sait allier bienveillance et fermeté.
Venu du village de PEER, dans les gras vergers de la Flandres en Belgique, le Père commence son apostolat à Kapanga en 1964. Interviewé aujourd’hui, le 20 novembre 1991, nous refaisons à l’envers le chemin parcouru par ce missionnaire. Beaucoup d’événements sont aujourd’hui givrés par l’âge ; les plus marquants cependant reviennent tout doucement à la mémoire.

Dès son arrivée, le Père est nommé Directeur d’école et d’internat à Ntita. Quelques mois plus tard, il entre dans la pastorale. De fait, son véritable domaine, c’est la paroisse. En 1966, il est envoyé à Kolwezi pour apprendre la langue swahili et revenir à la mission de Sandoa en 1967. Il y trouve un des doyens des franciscains de cette époque, le Père Marcel VAN IN, prêt à déménager et céder la place aux savatoriens, comme ce fut le cas en 1955. Le Père Marcel n’avait pas de chance avec les salvatoriens, avait-il lui-même lancé avec humour (cfr chapitre des franciscains,  première partie, Chap III) . Au bout de 5 ans, en 1972, le Père Jef retourne à Kapanga et retrouve la terre de sa première alliance. C’est là que l’attendaient les grands événements de son destin.




DIFFICULTES A MUSUMBA AUTOUR DU SACRE DE SON EXCELLENCE MGR FLORIBERT SONGASONGA.

Le 24 aout 1974, la ville minière de Kolwezi avait revêtu sa plus belle robe, chants et musiques annonçaient l’accomplissement d’un événement grandiose : le Sacre de Mgr Floribert Songasonga au THEATRE DE LA VERDURE de la cité Gécamines Kolwezi. Cet événement inaugurait le début d’une nouvelle ère dans le Diocèse de Kolwezi : une église aux couleurs véritablement locales était entrain de naitre.

Mais le remplacement de Mgr KEUPPENS par Mgr Songasonga ne se fit pas sans heurts. En pareilles circonstances, les attentes sont multiples, les pronostics sur l’éventuel bienheureux successeur au Siège Apostolique de Kolwezi couraient à travers les rues de Kolwezi, mais aussi et surtout à Kapanga. Visant Mgr Nawej Michel, alors Vicaire Général du Diocèse de Kolwezi, on se disait : « Ne serait-ce pas ce digne fils,  natif de Kapanga qui passerait Evêque de Kolwezi ? ». A Musumba, où le Père Joseph était Curé, ce souhait se vivait comme une réalité accomplie : on attendait cet événement dans une foi infaillible, c’est ce qui fut le drame du nouveau curé qui n’avait qu’à peine deux ans à Notre Dame de Fatima de Musumba. En effet, voilà qu’au moment voulu, il plut à Rome de nommer Monseigneur Floribert Songasonga, évêque de Kolwezi, au grand dam de celui que tout le monde attendait à Kapanga.

Les réactions ne se firent pas attendre dans la capitale de l’Empire lunda : en signe de protestation contre l’Eglise des Pères, les fidèles coupèrent les cordes des cloches de Notre Dame de Fatima pour empêcher d’appeler les gens au culte. Certains instigateurs couraient dans le village pour contre carrer le mouvement de ceux qui quand même pensaient se rendre à la prière paroissiale. On se mit à injurier le Père Joseph et à le bouder. Quelle était donc la logique qui était à la base de la grève déclenchée contre l’Eglise et spécialement contre les Pères salvatoriens ? Selon la population de Kapanga, les prêtres expatriés ont une grande influence sur les nominations des Evêques, ce sont eux qui ont écarté certainement la candidature de Mgr Nawej à l’épiscopat. On vit alors des enseignants fanatiques soutenir sans scrupules ce mouvement de contestation. Un climat malsain se développa dans la paroisse, tout apostolat devint impossible pour le Père Joseph dont les nerfs allaient craquer. L’unique solution, nous raconte-il, fut pour lui de se retirer en Europe. Il y passa un congé prolongé de dix mois.

C’est alors que le Père Paul fut désigné pour remplacer le Père Jef à Musumba. La situation n’évolua point positivement : Joseph ou Paul ; c’est pareil ! Le Père Paul raconte qu’il ne rencontra qu’indifférence, moquerie et plaintes. Il raconte :

« Un mercredi soir, j’ai déménagé pour habiter à Musumba déserté par le Père Joseph. Je croyais que je serais mieux accueilli et que j’y ferais longtemps en attendant le retour de Père Jef. A mon arrivée, personne ne me dit mot. Je m’encourageai à persévérer dans mon dévouement. Mais chaque matin à la sortie des messes (qui avaient quand même repris), les fidèles disparaissaient chacun d’où il était venu sans sacrifier à la politesse des salutations matinales au Père, comme jadis. J’ouvrais grandement la porte de mon bureau espérant même une traitre visite d’un chrétien repenti, en vain ! Le soir j’essayais de rejoindre les gens dans leur famille, accompagnée par le fidèle catéchiste Mases Marcel. Je me sentais un intrus. Je vis que c’était ridicule de rester au milieu des mécontents et boudeurs chrétiens. Trois mois après, j’ai repris mon apostolat des villages de brousse où je me sentis enfin utile à quelque chose » (Père Paul, interview du 12 janvier 1992)

Le 15 septembre 1974, le Nouvel Evêque effectuait sa première visite dans la capitale de l’Empire lunda, à Musumba. Quel accueil y trouverait-il ? La population était-elle déjà revenue aux meilleurs sentiments ? Le Père Paul nous explique que le Mwant Yav MBUMB avait dû, au préalable, convaincre son peuple du mouvement irréversible de cette nomination dans l’Eglise catholique, les manifestations hostiles ne changeraient rien à cette nouvelle donne historique du Diocèse de Kolwezi. Il fallait accepter la situation présente sportivement et réserver au Nouvel Evêque l’accueil qui soit digne de son rang, avait déclaré l'empereur des lundas à ses sujets. Effectivement le message fut bien accepté : le jour venu, Musumba accueillit dans la liesse et les chants l’homme de Dieu. On dirait que personne ne se souvint plus de l’emportement d’il y a quelques temps. Monseigneur débarqua à Musumba d’un pas décisif, ovationné et couvert des ‘tulabul’ (cris de joie) qui fusaient de toute part. Et dans la bousculade d’une foule électrisée par les chants religieux chaudement exécutés, Musumba avait ressemblé ce jour-là à Jérusalem accueillant son Messie à coup des rameaux.

LES AUTRES DEFIS DE PERE JOSEPH

Après dix mois de congé en Europe, le Père Joseph revint enfin pour de nouveaux combats et nouvelles surprises de la vie. Il va travailler longtemps dans la Capitale de l’Empire, les messes se succédant aux autres et les œuvres de charité se multipliant à longueur des années. Ce faisant, le Père gagnait de plus en plus la confiance des ouailles lui confiées. Les vieilles mamans et les autres indigents trouvaient auprès de lui le réconfort dans leurs peines : le Père n’hésitait pas à distribuer un peu de sel, du savon, des couvertures et habits usagés. Il comprenait, avec remords, la souffrance de ces pauvres qui défilaient devant son bureau. Il savait aussi que ses propres moyens étaient bien limités, mais il ne pouvait congédier toujours, mains bredouilles, ces nécessiteux aux abois. Des années s’écoulèrent ainsi dans le même dévouement quotidien  aux visites à rendre aux chrétiens à leurs humbles domiciles, aux sacrements à administrer. C’est toute la période des années 70 qui y passa. Et parfois, il se rendait en vacances dans sa chère Europe pour se ressourcer à tout point de vue ; quand il  revenait c’était le délire parmi la population. La scène de retour à Musumba vaut bien la peine d’être contée :

Les fidèles qui sont à l’avance informés du retour prochain du Père, préparent fiévreusement l’événement. Au jour fixé, ils se mobilisent pour acclamer leur curé. Depuis l’entrée du village, dans le fief des méthodistes, la foule est rangée : kiros , chantres, légionnaires, élèves et autres insouciants badauds, chrétiens anonymes tous attendent impatiemment, les oreilles au vent pour saisir un éventuel vrombissement de moteur… Enfin le moment est arrivé, le véhicule est là, des airs de musique s’élèvent alors de la foule compacte et l’on chantait l’une de ces belles mélodies lunda : « Joseph wa mend ma mikindu/Mud manguj ma ku chis/Riyo, riyo, Joseph waswej riy ». Ce qui veut dire, Joseph aux jambes solides comme des roseaux, on dirait des piliers d’une porte. Joseph excelle en pitié. Ou encore, écoutons ces mamans légionnaires qui agitent des rameaux en scandant : « Wezaku tatuk ! washik mwingand yey », « Bienvenue, Père, bienvenue sur ton sol ». Le parcours était tracé à l’avance, blanchi au son de farine de manioc. Le cortège se dirigeait ainsi vers la paroisse catholique de Musumba située sur le dibur, au coeur de la cité de Musumba et le Père Joseph, peu apte au rythme cadencé des mélopées africaines marchait tant bien que mal en essayant d'incarner  son nouveau rôle de Fils de David accueilli à Jérusalem.

Mais ces genres d’accueil ne plurent pas toujours au Grand Chef MWANT YAV. Ca lui devait être, estimait-il, réservé. On demanda aux chrétiens catholiques d’être plus discrets dans leur façon d’accueillir les missionnaires et même l’Evêque. Cependant, on n’a jamais réussi à éteindre la spontanéité de la joie du peuple lunda qui reçoit ses hôtes religieux.

RELATIONS MISSION CATHOLIQUE ET PALAIS IMPERIAL

Il est à noter qu’à part le MWANT YAV MUSHID (1967 – 1969) qui fut catholique, tous les autres Empereurs ont toujours été des méthodistes. Malgré cela, le Palais a souvent entretenu de bonnes relations avec la mission catholique. Ce qui est important pour l’Empereur, c'est le fait que tous les missionnaires, confessions confondues, puissent contribuer au développement de la terre lunda. Mais il serait plus réaliste de dire que les relations entre la mission et le Palais étaient au beau fixe ou perturbées, selon les personnes et selon les circonstances. Tel Mwant Yav mériterait les éloges des missionnaires, tel autre, pas du tout. Tel prêtre est un as pour le Grand Chef, tel autre passe inaperçu, un troisième s’accrocherait avec lui, ainsi va la vie. Par exemple, certains missionnaires ont été élevés au rang de notable de Mwant Yav (A yilol a Mwant Yav) : le Frère Henri de Kalamba devint Samwan avec comme femme symbolique Nakabamb ; le Père Martin de Kapanga devint Sambaz, avec comme femme symbolique Nambaz ; quant au Père Joseph, le Mwant Yav lui attribua un titre de notabilité qu’il refusa et le céda à son propre frère de l’Europe. De part et d’autre donc, on se ménageait pour entretenir de bonnes relations.

Les missionnaires étrangers pouvaient exhiber en Europe, avec fierté leurs titres coutumiers honorifiques, signe de la confiance qui leur a été témoignée sur le sol lunda, signe aussi d’une intégration certaine dans la culture des enfants de RUWEJ. Les Grands Chefs, successivement de leur part sont satisfaits d’avoir apprivoisé ces partenaires occidentaux, capables de vous faire bénéficier d’une technologie utile pour transformer toute une vie.

Mais, il y a eu aussi des heurts quand Mwant Yav et missionnaires ne parviennent pas à accorder les violons. Le missionnaire sait qu’il doit, malgré tout, préserver sa liberté d’apôtre de Jésus Christ et prêcher à temps et à contre temps la Bonne Nouvelle sans compromission. C’est l’histoire malheureuse qui est arrivé entre Mwant Yav MBUMB et le Père Joseph en avril 1981. Quelques années auparavant, les prêtres catholiques ont enregistré des plaintes de la population extorquée tout le temps par le Grand Chef qui leur imposait des taxes exagérées. Les amendes créées de toutes pièces se multipliaient. Ne pouvant fermer les yeux sur ces exactions, les prêtres intervinrent aux cotés de la population exploitée : par des sermons dominicaux, ils conscientisaient les gens ; et le Père Jef, quant à lui, alla plus loin en informa l’autorité régionale, citoyen le Gouverneur de la Région du Shaba de ce qui se vivait à Musumba. Pour le Grand Chef, le Père Joseph venait ouvertement de déclarer la guerre, il ne fallait plus reculer.

Une bonne fois, le Grand Chef revenait de Kinshasa, il s’est arrangé pour atterrir en hélicoptère sur la Grand Place de Musumba, espérant un bain de foule qui remonterait sa cote de popularité. Mais, hélas ! La population lunda tournait le dos à ce gros oiseau qui rappelait les heures sombres de la guerre de 80 jours. La population n’était-elle pas informée de l’arrivée du Mwin- Mangand (un des titres du Mwant Yav signifiant : Celui à qui appartient tout l’univers) par hélicoptère ? Si oui, il était informé, pourquoi dès lors ce signe de désintéressement à celui qui jadis était acclamé comme un dieu ? l’Empereur avait-il compris ce geste du peuple ? Toutes fois, il ne fut pas content de l’accueil lui réservé. Dans son discours au Palais, il s’en est pris vertement aux prêtres catholiques, ses détracteurs qui, selon lui, intoxiquaient le peuple avec des propos discourtois envers le Grand Chef des lundas. Le Père Joseph me rapporte qu’il ne montra aucun intérêt à répondre à ce discours, il ne se tracassa outre mesure. Cette attitude décontenança davantage le Grand Chef. Mais il ne pouvait encore rien faire, il fallait attendre une bonne occasion. Et le jour arriva. C’était un dimanche de Pâques, quand le conflit éclata. A l’origine, un fait anodin d’un message phonique remis au Grand Chef sans le mettre sous enveloppe. Le Grand Chef répliqua immédiatement en envoyant deux policiers reprocher aux Pères leur manque de courtoisie. Et sans aucune autre forme de procès, un catéchiste et des chrétiens proches des Pères sont pris en otage au Palais, ils sont matraqués, rudoyés…Il s’agit du catéchiste MUTIY, de Ndebel et de Way Way.

Le Père Joseph qui était invité à une fête de première communion dans une famille à Musumba y perçut de nouveau une provocation, il garda une fois de plus son calme. Tandis que la Père Paul ne toléra point cette intervention brutale du palais sur l’innocent catéchiste. Il fallait faire quelque chose pour l’infortuné Mutiy. De Ntita où il se trouvait, Père Paul décida d’aller à Musumba pour se rendre compte de la situation. Le Père venait de stationner sa Land Rover devant la Paroisse Notre Dame de Fatima quand, très vite, un policier de la cour impériale vint se planter devant le véhicule : « Fini, dit-il au Père, vous ne pouvez plus bouger ». C’est là que le Père Jef appelé à la rescousse vint intervenir énergiquement en bousculant le policier devant la foule ébahie. Le Commissaire de Zone arriva sur les lieux échauffés. Avec le concours des militaires et de la foule elle-même, on libéra non seulement les otages chrétiens Mutiy, Ndebel et Way Way mais aussi les autres prisonniers détenus dans le cachot de la Collectivité Mwant Yav. Ce jour-là, le Grand Chef fut exposé à la risée de toute la population, il fut hué et chahuté par la population à cause de son comprtement souvent décrié.

Les relations entre la mission et le Palais furent gelées, il faudra attendre plusieurs mois avant de voir le ciel s’éclaircir entre les deux pouvoirs.

LE PERE JOSEPH ET LA GUERRE DE 80 JOURS

« La vertu est infatigable ».

Le 08 mars 1977, éclatait dans la Sous-région du Lualaba la guerre qu’on a nommée plus tard ‘Guerre de 80 jours’. Elle était menée contre le régime de Mobutu par des anciens gendarmes Katangais réfugiés en Angola depuis 1963. Ils retournaient en force sur le sol de leurs ancêtres. Ils attaquèrent simultanément les zones de Dilolo, Sandoa et Kapanga et mirent en déroute les forces de l’armée régulière de Mobutu.

Lorsque la guerre éclata à Kapanga, le Père Joseph s’était rendu à Kateng, village situé à 18 Km, au nord de Musumba, avec la chorale paroissiale KUSENG. Rentré à la cure de Fatima, il trouva bel et bien les gendarmes Katangais éparpillés partout dans le village. Les temps n’étaient plus sans doute à la rigolade, mais il ne fallait pas encore s’alarmer. En effet, en ces premiers jours de l’occupation rebelle, il ne se manifesta point une quelconque allure de brutalité et de violence envers la population et envers les missionnaires expatriés : les gendarmes Katangais se montrèrent disciplinés et respectueux. Mais toujours est-il qu'ils ne manquaient pas leur rendez-vous inopportun de mendicité quotidienne à la mission Ntita, à la Paroisse de Musumba et chez les Américains à la mission méthodiste Kayek. Il ne fallait pas trop résister à leur rendre l’obligatoire charité… Entre temps, sur le terrain de combat, les forces Katangaises progressaient de succès en succès vers Mutshatsha, et qui sait, allaient-elles bientôt conquérir Kolwezi, et puis Lubumbashi, objet de leurs rêves ! Cet espoir s’estompa lorsque, après un combat acharné dans la plaine de Kamoa près de Kanzenze, les rebelles s’agenouillèrent devant la puissance marocaine de feu venue à la rescousse de l’armée zaïroise. L’heure de la débandade dans les rangs des rebelles Katangais avait sonné. A partir de ce moment, le calvaire allait commencer à Kapanga. Les gendarmes libérateurs se transformèrent en farouches pillards. C’est dans ces circonstances que le médecin méthodiste américain ESTRUFF fut assassiné par eux, le 19 mai 1977 près du village MWANA-KAJ sur la route Sandoa-Kapanga. Il était accusé de détenir des appareils radiophoniques avec lesquels il communiquait avec les forces gouvernementales. Quant aux prêtres catholiques, qui étaient la plupart des belges, ils étaient tenus à l’œil. Il n’était plus permis au curé de Musumba de circuler encore comme aux premiers jours de l’occupation où il pouvait rendre visite à ses confrères de Ntita ou à ses ouailles. Les rebelles venaient de perdre la guerre, ils devaient se retirer de nouveau en Angola d’où ils étaient venus. De gré ou de force la population devait les suivre en exil. Les missionnaires catholiques et méthodistes, unis cette fois-ci par les circonstances tragiques, dénoncèrent cette déportation forcée de la population, dans une lettre qu’ils adressèrent au Délégué de l’ONU à Kinshasa en date du 05 juillet 1977. Ils écrivirent ce qui suit :

« Ils (les rebelles) avaient des instructions bien précises, entre autres, emmener bon gré, malgré, le plus grand nombre possible des gens de l’autre coté de la rivière Kasaï sur territoire angolais pour avoir une preuve éclatante que le Régime au Zaïre est insupportable… Les rebelles accompagnaient la foule et la dirigeaient où ils voulaient : direction Angola ». (Archives de la Paroisse de Musumba)

De l’avis de beaucoup, il s’agissait là d’une lettre de ressentiment contre les rebelles suite à des situations pénibles endurées par les missionnaires, car le Régime Mobutu n’était pas défendable. Et puis la population elle-même explique que beaucoup de gens avaient peur des représailles de l’armée de Mobutu qui considérait tous les lundas et les chokwe comme des rebelles. Le ‘Kamanyola’ (soldat de Mobutu) est sans pitié : il pille et tue sur son passage.

Dans le combat final, avant le retrait des rebelles en Angola, la date du 19 mai 1977 fut très tragique pour l’armée zaïroise : c’est le jour où gendarmes Katangais et militaires zaïrois s’empoignèrent dans un combat extrêmement sanglant à Kateng, au nord de Musumba. Les Katangais avaient tendu aux ‘Kamanyola’ une embuscade, beaucoup de ceux-ci y laissèrent leur vie. Mais pour l’armée zaïroise, alea jacta est, il ne fallait plus reculer, elle reprit très vite le dessus pour bientôt s’avancer vers le front de Musumba. Les larmes aux yeux, la mort dans l’âme, il fallait affronter l’équation Musumba à 18 Km du lieu de l’hécatombe. Dans la Capitale de l’Empire, de fait, les rebelles jouaient encore leurs dernières cartes. Les missionnaires vécurent des moments difficiles. Le Père Joseph n’a pas oublié ces jours de danger permanent.
 Il nous raconte :

« Avant leur départ, les rebelles sont venus chez moi, non plus en amis, cette fois-ci. Ils me demandèrent de leur donner des vivres et des habits. Ils étaient étonnés que je sois si démuni. – Vous n’avez que ça ? Où avez-vous caché d’autres habits ? Gare à vous !

- Je ne possède pas grand-chose, je n’ai que ça. M’enfin, j’ai encore, si vous voulez,  une veste à la mission de Ntita.

- On va la chercher, cette veste, retorquèrent les rebelles.

Alors ils embarquèrent le Père sur leur jeep décapotée pour aller chercher ce dernier trésor à Ntita. La population qui voyait cela, n’augura rien de bon pour l’infortuné missionnaire, on le conduisait certainement à sa mort. C’était le 20 mai 1977. Mais à Ntita, la situation que le Père Jef (qu’accompagnaient ses ravisseurs) trouva était autant tendue : on lui raconta que le Père Paul, le Père Jacques et les sœurs larmoyantes étaient tous faits prisonniers des rebelles et conduits à Musumba à l’hôtel de la Paix. Plus tard, ces missionnaires rapporteront le récit du calvaire qu’ils y avaient vécu dans cette nuit du vendredi au samedi 21 mai. Les rebelles décidèrent de les emmener de force en Angola. Les Pères Paul et Jacques se virent obligés de payer une rançon pour leur liberté. Alors les ravisseurs renoncèrent à leur projet et les Pères purent rentrer à leur Mission. Pendant la nuit du samedi au dimanche 22 mai 1977, s’opérait la fuite des rebelles. Les missionnaires s’étaient terrés regroupés tous au couvent des sœurs. La Sœur Elise, propre sœur à Père Stevens Arnold et Piet, fut tellement traumatisée par ces événements qu’elle finit par perdre la tête. Mais rien de malencontreux n’arriva pendant cette longue nuit  d’angoisse et de tous les dangers. Le lendemain matin, le Père Jef put déjà regagner sa paroisse de Musumba. Les rebelles étaient bel et bien partis tous.

Les zairois étaient à la porte de ce grand village déserté par sa population timorée. Il fallait anéantir ce repaire de rebelles, pensèrent les militaires de Mobutu encore sous le choc de l’embuscade de Kateng. Une pluie d’obus s’abattit sur le village, des avions de chasse de type Mirage déversèrent leur cargaison de bombes. L’assaut final était visiblement lancé. Puis un calme relatif s’en suivit. Le Père Jef était une de ces rares âmes qui respiraient encore à Musumba. On attendait une deuxième pluie des bombardements. L’épée de Damoclès pesait lourdement sur le village. On me détruira la Paroisse en même temps que le village, pensa le Père Joseph, il faut intervenir. Le Père décida d’entrer en jeu : il doit affronter le Kamanyola là où il se trouvait busqué, dans le maquis de la rivière RUPEMB. Il osa un acte de bravoure. Le voilà bientôt engagé sur la route de Kazol d’où venait le danger, avec sa mobylette et un drapeau blanc y attaché. Il espérait convaincre les Zaïrois d’entrer à Musumba sans trop de casses. Sur sa nerveuse kadap-dap (mobylette en langue lunda) qui emplissait de ses bruits le village silencieux, le Père partit à la rencontre des militaires de l'armée régulière. De temps en temps, un frisson d’angoisse le secouait ; il voyait défiler l’une après l’autre les maisons de sa chère paroisse, les reverrait-il encore ? Ce n'était pas certain. Il vivait-là, peut-être ses derniers jours sur terre.  Il entre dans une voute des manguiers, les derniers arbres avant la menaçante rivière RUPEMB… et puis, hop !

- Stop-là, et mains en l’air, lui cria une voix.

Du coup, le Père était entouré des tuyaux de la mort. Musumba et sa Paroisse étaient maintenant bien loin, à 3 Km. Il fallait vivre la réalité présente et rassembler tout son courage. Instinctivement, le Père osa balbutier quelques mots :

- Hé ! Mes amies la guerre est finie, les rebelles ont tous fui de Musumba, FAZ OYEE !

Paroles magiques qui décrispèrent sur le coup la situation, les militaires se détendirent un peu, mais brusquement, prudence exige, un officier lança un cri d’alerte. Chacun reprit sa position initiale. Le Père fut conduit s’expliquer devant l’Officier – Commandant et déclina ses identités. L’Officier répercuta les informations par radiophonie à Kolwezi. Quelques moments s’écoulèrent. On annonça sur place l’arrivée d’un Général. L’hélicoptère qui l’emmenait atterrit quelques instants plus tard. On donna l’ordre au Père de faire demi-tour et repartir à Musumba.

- Non, repartit le Père, je préfère que nous avancions tous ensemble.

Le Père fut pris en otage pour le cas où il voudrait jouer au traitre. Avec prudence, suspicion, agilité et tactique, l’armée de Mobutu fit son entrée enfin dans la Capitale des lundas. Et on laissa partir le Père, notre héros qui, ce jour-là avait joué vraiment un cinéma périlleux et plein de suspens.

La guerre contre les rebelles était terminée, celle contre la population allait alors commencer, avec l’éternel refrain qu’elle devait continuellement entendre : ‘Bino ba rebelles’ (Vous les rebelles !).  Des monstruosités vont se commettre contre ces inoffensifs civiles restés à Kapanga. Les couvre-feux seront des occasions des persécutions sans précédent. Maintes fois, le Père Joseph devra de nouveau intervenir auprès des officiers de l’Etat-major pour obtenir la libération de certaines victimes innocentes. Il y eut beaucoup de condamnations à mort ; et parfois, rapporte le Père, l’intervention des missionnaires était vaine. C’est le cas, par exemple du Directeur de l’école Primaire de Kambundu, Monsieur KAPEND MEDARD : il possédait un agenda personnel dans lequel il retraçait les événements de la guerre, jour après jour. Saisi avec ce document, il fut jugé de suspect. Transféré à la prison de Buluo près de Likasi, il fut exécuté sans aucune autre forme de procès.

Kapanga n’avait jamais connu l’armée. La voilà arrivée, et cette fois-ci, elle s’y installa définitivement. Les tiraillements entre les civiles et les militaires ne cesseront plus jamais. Le curé de Musumba sera toujours sollicité comme avocat de son peuple.
Père Joseph aura bientôt trente ans de vie missionnaire au Zaïre. Le gros de cette vie, il l’aura écoulé dans notre chère mission de Kapanga. C’est en 1989, après son séjour de quelques années à Sandoa et à Kalamba, qu’il est revenu à Ntita pour commencer une nouvelle Communauté sacerdotale avec le Père Paul Wey, l’Abbé Alain Ket et Patrick Neys, un jeune stagiaire belge. C’est là que nous avons découvert cette forte personnalité de Père Joseph CORNELISSEN. Il n’en est pas encore à ses dernières cartouches.

ANNEXES

 LES ANNEES 70 ET L’EGLISE CATHOLIQUE

Le 15 aout 1974, le Mouvement Populaire de la Révolution (M.P.R) est institué en Parti-Etat. Cela entraina des conséquences incommensurables pour l’Eglise. Les années de 1971 à 1989 sont comme un caillou dans la mémoire de notre Eglise : ce sont des années où l’Etat zaïrois connaît des conflits interminables avec l’Eglise Catholique. L’Etat ne jure plus que par l’authenticité. Le clergé et les hommes politiques zaïrois s’affrontent régulièrement à différents échelons. L’illustration du sommet est celle du différend acre qui opposa le Cardinal Joseph MALULA au Président de la République Joseph MOBUTU. Le Président voulait réprimer avec force tout ce qui le contrariait. C’est le cas notamment des prises de positions de l’Eglise. Ainsi, pour lui priver de toute ascendance sur la jeunesse, les écoles et les Mouvements de jeunesse (scouts, Kiros etc.) lui furent soustraits le 29 novembre 1972. Tout le monde devenait membre du M.P.R .Et on clamait : Olinga, olinga te ; ozali na M.P.R. (Que tu le veuilles ou non tu es dans le M.P.R.). On décida de proscrire l’enseignement de la religion dans toutes les écoles au Zaïre ; à la place, on enseignerait le mobutisme, on arracha les croix des murs des classes… Avant de commencer les cours dans les écoles, on s’attardait d’abord à chanter la louange du Guide Mobutu et à danser. Même les plus hauts cadres dans les Entreprises devaient se trémousser au rythme de SAKAYONSA avant le travail : Le MPR avant tout, le reste après. C’est le slogan que tout le monde devait mettre en pratique. Dès le 15 février 1972, les prénoms chrétiens furent bannis.

La terreur, les injustices, l’exploitation du plus faible que soi, l’obscurantisme, le culte de la personnalité, la corruption, les détournements, le trafic d’influence, le népotisme voilà le lot des maux qui accompagnèrent la politique du monopartisme de Mobutu.

L’Eglise ne se laissa pas museler. Colette BRAECKMANS dans son ouvrage Le Dinosaure. Le Zaïre de Mobutu, à la page 175 écrit : « Le plus coriace adversaire de l’authenticité présidentielle, de sa dérive vers le culte de la personnalité et de ses injustices sociales fut l’Eglise Catholique ». A temps et à contre temps, l’Eglise continuera à prêcher sans crainte la Vérité de l’Evangile, certains Evêques publieront des lettres pastorales dans lesquelles ils dénigrent la politique corrompue du Régime en place. Malgré l’interdiction du cours de la religion dans les écoles, l’Eglise poursuivra son action catéchétique par les programmes de la pastorale extrascolaire. En février 1977, elle parvint à récupérer ses écoles, fortement endommagées. Il fallait reconstruire l’homme zaïrois, rééduquer la jeunesse, restaurer la morale et la religion chrétiennes, jusqu’aujourd’hui partout au Zaïre, le mal causé par ces années de folles turbulences politiques de l’authenticité mobutienne est irréparable.

LE PERE PAUL WEY FRANS (Interview 12 janvier 1992)

Le Père Paul est arrivé au Congo en mai 1966. Venant de la Suisse, il transita par la Belgique où il prit le bateau jusqu’au port de Lobito en Angola. De Lobito, il entra au Congo par Dilolo avant de rejoindre immédiatement Kapanga. Le Père Paul aime à répéter qu’il est un campagnard de naissance en Suisse : Il est fils d’un paysan de la région de Lucerne. Il est né en 1938, il avait 28 ans à son arrivée en terre de mission au Congo. Dès l’Europe, le Père s’était préparé à cet événement qui allait complètement changer sa vie : il a appris déjà le lunda en 16 leçons, il a fait connaissance avec la contrée de Kapanga par des photos, des  diapositives et autres cassettes des chants religieux.
Cet enthousiasme pour vite connaître la terre de son apostolat lui a permis de s’adapter facilement au milieu : « je n’ai pas eu de choc culturel, déclare – t- il ». A son ordination en Suisse, il avait même déjà mentionné sur sa carte souvenir : « PERE PAUL, MWIMPEL WA KU KALAMB ». Il vivait l’Afrique avant même d’y arriver. Il croyait qu’il travaillerait à Kalamba aux cotés de Père Albert IHLE, son ancien professeur et Père spirituel. Quand il arriva à Kapanga, on lui confia plutôt la brousse de l’autre rive de la Lulua (Ushad wa Ruruu), dans la direction opposée de Kalamba . Il se mit vite au travail à la découverte des villages congolais : « ces villages se ressemblent tous, remarqua-t-il lors de sa première visite, impossible de les distinguer les uns des autres. C’est toujours le même tableau : une route centrale, quelques chaumières, des enfants criards aux torses nus ou un vieillard qui s’étire sur sa natte devant sa case ensoleillée… ». Lors de son premier voyage, il se souvient d'avoir visité déjà plusieurs villages dont ceux-ci: Chamb, Samukaz, Chibaba, Kambundu, Chibamba, Dining, Murub, Samupang, Masak, Muyej etc. Au total lors de ce premier périple, il prit contact avec 26 villages, nous raconte-t-il.
L’esprit de son Saint Patron Paul, allait désormais l’impulser. Il ne se limitera pas à visiter les communautés déjà fondées. Au long des années, il commencera lui-même de nouvelles communautés chrétiennes. Il a établi au total 120 villages-chapelles dont 36 couvertes des tôles. Son désir le plus ardent serait de continuer à implanter des églises en matériaux durables et en tôles, avec l’aide généreuse de la Suisse, sa chère Patrie. Mais le Père, raconte qu’il a rencontré l’opposition de la hiérarchie provinciale de sa Congrégation au Zaïre qui lui a demandé d’arrêter des actions isolées et de privilégier une pastorale d’ensemble. C’est avec beaucoup de peines qu’il a cédé à cette volonté, car cette action ne se poursuivra certainement plus avec la même ampleur. Qu’importe ! Le Père poursuit l’évangélisation : il implante partout des groupes des légionnaires et des Kiros ; pendant des mois il disparaît dans les makunk (villages de brousse) prêchant, buvant et mangeant ce que la population lui sert.

Dans sa pastorale, il a une conception très large du salut apporté par le christ. Il donne les sacrements au plus grand nombre des gens que possible y comprit aux femmes des polygames. Interrogé à ce sujet, il nous répond : « Certains hommes ont des deuxièmes femmes, surtout les chefs des villages. Ces femmes sont souvent très respectueuses et pieuses. Pourquoi ne pas les baptiser et les accepter à la Sainte Communion. Dans l’Eglise, on laisse communier les prostitués célibataires et on écarte avec acharnement des femmes sérieuses parce qu’elles sont deuxièmes femmes. Ce n’est pas normal ». Quant aux églises protestantes ou pentecôtistes qu'il trouvait, il estimait qu'elles étaient aussi utiles à l'évangélisation des peuples. Il déclare: "l'Eglise catholique ne peut pas tout faire. Si les pasteurs peuvent aussi bien annoncer l'évangile, alors tant mieux, pourquoi doit-on se battre ou se jalouser mutuellement.''

Le Père vient de totaliser 25 ans de pastorale de brousse. Tel que nous l’avons dit, nous le voyons encore plus à l’aise dans ses voyages de brousse qu’à la mission de Ntita. Une fois il est tombé gravement malade, il fallait aller le récupérer en pleine brousse de Chibamba. Voilà qu'il eut encore le temps d’écrire à ceux qui viendraient le chercher, alors qu’il était sous une forte pression de diarrhée et vomissement, qu’on lui amène à cette même occasion des clous, des tôles et des tas de ferrailles dont il aurait besoin quand il serait guéri. – « Laisse tomber, dit le Père Martin au chauffeur, il faut aller vite le prendre pour le sauver d’abord du danger, le reste, on verra plus tard ». Le Père Martin avait bien raison, on le ramena à la grande Mission de Ntita dans un piteux état de moribond. Bien sûr, il s’impatientait de sa guérison qui ne tarda pas à venir. Et le revoilà sur la route pour rencontrer ses ouailles de la brousse. Il se plaignait toujours du temps perdu pour les voyages obligatoires vers la ville où on avait besoin de lui à Kolwezi ou à Lubumbashi (Par exemple, pour le Chapitre provincial).  Le Père Paul est devenu, selon ses propres termes, ''un broussard enthousiaste'' : il aimerait poursuivre, jusqu’à sa mort, cette pastorale particulière qui le passionne tant. Le uruund est devenue sa deuxième langue qu'il ponctue souvent avec cette interjection de ''yeuh'': "Yeuh andamany(eeuh)"
Envers la population de Kapanga, le Père a toujours manifesté un grand cœur, il ne reste pas indifférent à la misère des pauvres. Il n'hésite  pas de distribuer aux pauvres tout ce qu'il peut avoir en sa possession,  y compris de la nourriture déjà préparée pour la communauté. Ce qui énervait parfois les autres membres. Alors, il était obligé de le faire en cachette. Il est l’ami des indigènes qui emplissent son véhicule ou son bureau de Ntita. Le Père est généreux non seulement pour les sacrements mais aussi pour les besoins matériels des gens.

Il n’est pas seulement voyageur. Père Paul écrit abondamment dès qu’il se trouve à la mission. Ses publications parcourent les villages et leur portent les informations sur bien des points : KILU est le feuillet destiné aux Kiros.  Une autre  publication est réservée aux pour les Légionnaires. Tandis que  le Journal KUVARAKAN,  commencé par le Père Caris a continué sous le Père Paul transmettant aux fidèles les informations les plus diverses, il rédige aussi chaque semaine (quand il le peut) un feuillet de lecture de la Bible destiné aux CEV. Il a écrit des pages d’informations diverses sur les Saints. Il est l"auteur des brochures-Missel  utilisées à l'Eglise depuis 1977 dans la liturgie lunda à Kapanga, et ce, jusqu’aujourd’hui. Il passe des heures à dactylographier : à partir de 4 heures du matin vous entendez dans sa chambre la machine à écrire crépiter. Naturellement, pareil horaire ne lui laisse pas le temps de causer en communauté au-delà de 20 heures ou 21 heures. Il ne s'attarde pas aux jeux de cartes ou d'échec affectionnés par son confrère Père Jef Cornelissen: " Yeuh, il ne sert à rien de jouer car Jef gagne toujours."
Quant au travail manuel, c’est  un as, il se donne à cœur joie à cultiver le jardin. Par ailleurs, il lit abondamment les journaux internationaux. C’est à se demander où est-ce qu’il trouve tout ce temps pour accomplir tant de choses...!!!

D’autre part, on est étonné par ses croyances. Il raconte des histoires que je qualifie allègrement de farfelues: des histoires des monstres et des fantômes d’Afrique ou de Suisse. Jamais vous n’allez le convaincre de ne pas y prêter foi. Voyez-le consulter sa pendule magique : il vous donne des informations et des messages ésotériques, y compris ceux du ciel. Un jour il parvint à guérir un enfant maladif par cette procédure-là : dans un entretien qu’il eut avec la mère de l’enfant, il la conseilla sérieusement de changer tous les noms de l’enfant ; car, fit remarquer le père Paul l’enfant portait les noms d’un ancêtre méchant. La mère s’exécuta, et l’enfant s’en trouve définitivement guéri. C’est avec sourire aux lèvres que j’écoutais raconter le Père HELVETIQUE ce que j'appelle « des contes des fées. Mais le Père Paul est ancré aussi bien dans la tradsition africaine que dans sa tradition suisse: écoute-le exécuter le ''Yodler'': c'est l'homme de la campagne de Lucerne qui renaît en lui...

CONCLUSION
A l’instar de son sain Patron de Tarse, le Père Paul a su mettre en symbiose sa plume facile et son amour pour les voyages missionnaires à travers les villages de Kapanga.
Son œuvre se poursuit ...

 LES AUTRES PRETRES DES ANNEES 70 ET 80
Après les années 1960, l’Europe n’envoya plus beaucoup de nouveaux prêtres à KAPANGA. Pour les deux décennies de 1970 et 1980, on enregistra l’arrivée de deux missionnaires seulement : Père Jacques HENKENS et Père Ian SZCPILKA.

PERE JACQUES HENKENS
C’est un belge arrivé en 1974 et ordonné prêtre en 1976 à la mission Ntita. Dès son arrivée, il se mit sérieusement à l’apprentissage de la langue lunda et à l’intégration dans cette culture. C’est ce qu’il va réussir à faire. Il parlera assez parfaitement le lunda et même il se sentira désormais capable de se lancer dans la traduction de la Bible en lunda ensemble avec le Pasteur méthodiste américain WOLFORD et une équipe des nationaux. Les catholiques devaient plutôt beaucoup plus s’occuper des livres Deutéro –Canoniques. Le Père travaillera longtemps à Kapanga, il sera successivement Curé à Ntita, puis à Musumba. Grace à son savoir-faire en mécanique et électricité, il rendra des services remarquables dans les deux paroisses où il a travaillé à Kapanga. Il construisit entre autre, une petite centrale électrique sur la rivière Raz pour éclairer la mission Ntita. En 1989, il fut transféré à Kolwezi.

PERE IAN SZCPILKA

C’est un polonais arrivé à Kapanga en 1980. Après avoir parcouru les Communautés chrétiennes de l’autre rive de la Lulua, il fut nommé Curé de la Paroisse de Kalamba. C’est là qu’il travaille encore jusqu’aujourd’hui.


CHAP 8
 LES PRETRES DIOCESAINS

1.  LES PREMIERES ORDINATIONS


                      Une Eglise n’est pas encore enracinée dans le terroir évangélisé si elle se refusait à y susciter des vocations sacerdotales locales. Cela, en effet, équivaudrait à dire aux fils du terroir, : « La chose ne vous concerne pas ».

C’est ainsi que les Franciscains conscients de ce fait ont accepté d’envoyer des jeunes lundas en formation au Séminaire pour le sacerdoce. Dès le début des années 1960, on pouvait déjà gouter aux délices de cet investissement :

- Le 08 mai 1960 : ordination de l’abbé Michel NAWEJ

- Le 02 août 1964 : ordination de l’abbé Christophe REMB

- Le 08 août 1965 : ordination de l’abbé Paul MBANG

Nous avons rencontré ce dernier, et il nous fait le récit de du grand événement  de son ordination:

                          En 1965, Kapanga accueillait dans la liesse et les chants un de ses fils, l’abbé Paul Mbang. Il venait d’être ordonné prêtre à Kolwezi, le 08 août de cette même année devant le Lycée Notre Dame des Lumières. Nous n’allons pas vous livrer ici la description de l’ordination proprement dite, qui, comme le dit si bien le concerné, se déroula sur une ‘terre étrangère’. La famille qui y était représentée attendait avec une patience mesurée le retour au pays natal à Kapanga et plus précisément dans le village de CHIPAZ. C’est là, en effet que l’événement se revêtit de toute sa magnificence. Jamais foule n’avait été aussi nombreuse que ce jour-là, dans ce village de l’autre rive de la Lulua . Le nouvel ordonné y entra en prince porté sur le traditionnel ‘chipoy’ au milieu des danses et des acclamations (Tulabul). Il était vraiment heureux et consolé d’appartenir à un clan enraciné dans la digne culture lunda. L’abbé Paul nous rapporte qu’il lut dans son village sa messe des prémices devant une assistance incroyable : aussi inattendue que douteuse quant à ses sentiments véritablement religieux. Ce jour-là, unique depuis la création du monde, il n’y avait plus, à Chipaz, de distinction entre familles catholiques et familles méthodistes. Les animistes et les païens de toutes sortes avaient oublié leurs convictions et étaient emportés dans le tourbillon d’une joie sainte et catholique. Le plus important était d’honorer le village par ce fils exceptionnel. Après la messe, les débordements se poursuivirent dans les danses traditionnelles de Dikand, Kalal-a-Kabooz, Moy, Mandjos etc.

Plusieurs discours furent prononcés en commençant déjà par Kolwezi, puis à Chipaz et à Musumba.

Les années 1960 et 1970 s’écoulèrent sans qu’il y ait des jeunes gens de Kapanga qui entrèrent dans les ordres. La nouvelle vague des ordinations ne commencera qu’en 1986, une vingtaine d’années plus tard. Cette fois-là, c’est le village de Mulambo qui fut honoré avec l’ordination de son fils KABEY MUCHAIL EMMANUEL. Comme son lointain devancier, l’abbé Emmanuel fut ordonné aussi devant le Lycée Notre Dame des Lumières à Kolwezi, c’est quelques jours plus tard qu’il se rendra à Kapanga pour célébrer ses prémices. Il fallait bien qu’on ordonnât un jour sur le sol même de Kapanga un fils du pays.

Cela arriva en 1987 : trois prêtres et un diacre y seront ordonnés par Monseigneur Songasonga : d’abord l’abbé Hubert Mutombu à Kalamba, le 19 septembre 1987,  puis les abbés Kapend Museng Sabin, Kapend Sabul Albert et Muchak-a-Kasang Emery (ce dernier comme diacre) à Musumba, le 26 septembre 1987. Les Kapend étaient vraiment bienheureux ce jour-là, et l’on chanta pour eux cet hymne aux Kapend : « Chakin a Kapend amboku, tusangar nen, ushon wapwang kal » La joie et le chikur coulèrent à flot…

En 1989, on consacra de nouveau la formule des ordinations à Kolwezi. On ordonna les abbés Mushid Ngambu Jean-Pascal et Mutombu Chey Christophe à Mariapolis-Kolwezi. En septembre de la même année, ils se rendirent dans leurs villages respectifs célébrer les prémices, à Museng pour l’abbé Jean-Pascal et à Kambamb pour l’abbé Christophe.

L’année suivante en 1990, l’abbé Kadjat François ordonné à Kolwezi, suivit le même cheminement en venant sanctifier son village de Ntembo près de la rivière RIZ.

Partout où l’on fêtait ces événements, le nouvel ordonné était comme intronisé chef spirituel de son village : et l’on jubilait toujours avec la même piété ambiguë où le folklore prenait très vite le dessus : la messe, chaleureusement chantée, est rythmée par des coups de fusil (qui arrachaient souvent des tressaillements à Mgr Songasonga). A ces salves répondent des cris aigus des mamans toujours transportées dans une euphorie insatiable. La danse est présente d’un bout à l’autre de la messe. C’est la fête…


2. LA PASTORALE DES PREMIERS ABBES

Depuis sa fondation en 1929, la mission de Kapanga ne fut évangélisée que par des missionnaires des Congrégations Franciscaine et Salvatorienne. Les prêtres diocésains étaient pratiquement inconnus. Bien sûr, nous avons signalé, au passage, le travail missionnaire accompli officieusement dans cette contrée par l’abbé Mukendi David au compte de la province du Kasaï. Cette présence fut contestée par la population lunda. Il fallut attendre plus de quarante ans depuis la fondation pour que le Diocèse puisse enfin envoyer le premier prêtre autochtone œuvrer à Kapanga.


 L’ABBE MUZUKA MAVUNGA GABRIEL

Le 1er octobre 1983, Mgr Songasonga Evêque de Kolwezi, daigna envoyer à Kapanga le premier prêtre autochtone travailler dans cette mission. Il habitera un moment à la mission Ntita, mais exercera son ministère dans la Paroisse Sainte Famille à Kapanga - village. Il finira par y demeurer. Mais son séjour fut vraiment bref : deux années plus tard, il quittait le territoire de Kapanga pour commencer une nouvelle Communauté des abbés à Kasaji en 1985.


 L’ABBE ALAIN KALENDA KET

 « APRES LA VIE DE L’ECOLE, C’EST L’ECOLE DE LAVIE. »

En 1989, j’avais un an de sacerdoce quand Monseigneur Songasonga me détacha de la mission de Kafakumba pour me transférer à Kapanga à double titre de vicaire paroissial de Ntita et vicaire paroissial de Musumba. Le ministère d’un abbé zaïrois était une nouveauté pour ces deux paroisses. C’était donc ma percée dans le fief  des Pères Salvatoriens.

J’y débarquai le 06 septembre 1989, accompagné par l’abbé Gabriel Muzuka. La mission était déserte : tous les missionnaires salvatoriens avec qui je devais désormais vivre étaient en vacances en Europe. Seul un jeune stagiaire laïc belge, Patrick Neys y était resté. Il expédiait les affaires courantes des finances ou d’ordre social. Pas de messes !

Je commençais donc ma pastorale en apprenant tout de moi-même, navigant entre Ntita et Musumba jusqu’en novembre quand arrivèrent enfin mes ainés confrères prêtres salvatoriens :  Père Joseph CORNELISSEN et Père Paul WEY. Père Joseph était mon Curé qui devait m'aider dans mon ministère à à Ntita et à Musumba. Il préféra plutôt de me charger  de m’occuper plus de la Paroisse de Musumba, sans négliger pour autant les activités à Ntita.
Les festivités de mon accueil furent organisées séparément dans les deux paroisses. Et ces fêtes de bienvenue se multiplièrent selon les différents groupes paroissiaux : d’abord celle du conseil Paroissial et puis des légionnaires, des Kiros, des acolytes, des enseignants, des militaires dans leurcamp, etc.

Il fallait commencer enfin le travail.   Au menu du quotidien : je m’acclimatais par des rencontres des personnes, les visites des CEV, je tranchais des différends et puis commencèrent les activités de mes dix villages attachés à la desserte de la Paroisse de Notre Dame de Fatima Musumba. Mensuellement je présidais le conseil Paroissial…. Je m’organisais progressivement. Mais la Paroisse était encore sous le choc de la disparition de certain animateur pastoral Mases Marcel, animateur très célèbre, mort le 19 mai 1989, quelques mois avant mon arrivée. Cela amena quelques perturbations dans le comportement chrétien de beaucoup : on était, en effet, préoccupé plus par  la recherche du sorcier qui aurait emporté Mases.  Il était urgent de se pencher sur ce problème et de créer un nouvel esprit au sein de la communauté paroissiale. Avec l’aide de Dieu, nous y parvînmes, on oublia peu à eu les dissensions qui déchiraient la paroisse à cause de la mort de Mases,  et on devait commencer une nouvelle histoire, dans une nouvelle dynamique.

Quelques années passèrent pendant lesquelles je me suis impliqué à fond dans mon travail pastoral : l’intégration était déjà chose faite. Au conseil paroissial, nous décidâmes de réaliser certains projets : cuire un four à briques pour la construction prochaine d’une deuxième église dans la cité de Musumba, créer un domaine marial dont l’inauguration eut lieu déjà, même sans construction d’édifices, le dimanche 27 mai 1990 lors d’un pèlerinage et d’une messe célébrée sur les lieux situés au bout de la cité Kambove de Musumba sur la route de Nfachingand. Nous cultivâmes un champ paroissial….. Les messes dominicales étaient des véritables fêtes ou les fidèles louaient chaudement le Seigneur sous le rythme entrainant des chants lunda des chorales KUSENG et CHISAMBU. Les visites des villages environnants faisaient aussi ma joie : KAZOL, KANAMPUMB, KATENG ; CHISHIDIL, KATALAL, KARL, MWANT ILAND ; partout j’étais accueilli avec la même émotion religieuse, avec le même délire et la même gaieté…..

En août 1992, Monseigneur l’Evêque, remarqua mon travail accompli dans la Capitale de l'Empire Lunda, il me confirma Curé de Notre Dame de Fatima – Musumba, par une lettre officielle. En pratique j’en faisais déjà office. Mais,  la politique allait bientôt se mêler à la marche de l'Eglise. Le Zaïre venait d’entamer son long processus de démocratisation, les partis politiques pullulaient partout.
Au Katanga l’UFERI faisait figure de grand et unique parti des Katangais. Un conflit assez sérieux advint, lorsque dans un sermon dominical (le 29 mars 1992), j’ai dénoncé le comportement odieux et brutal de certains partisans de l’UFERI qui rançonnaient leur propre population. Le président territorial de ce parti ne toléra pas « l’immixtion des calotins dans la politique ». Les dirigeants de l'UFERI Musumbaentamérent une campagne d'intoxication de la population contre le Curé  que j'étais. Ils créèrent un climat malsain dans le village : on ne me laissa désormais plus tranquille. Les instances officielles de l'Etat affectèrent à mon domicile des miltaires pour ma garde de nuit. Pendant cinq mois je vécus sous cette pression psychologique des miltants de l'UFERI. Ma nomination de Curé en août me réconforta un peu mais,  pas pour longtemps. En effet, le 26 septembre 1992, je quittais Kapanga avec ma Land Rover pour m'exiler à Kolwezi.

J'y fus reçu par Monseigneur Songasonga, mon Evêque. Il me demanda de demeurer à Kolwezi le temps qu'il fallait, mais je devais retourner à Musumba dès que possible. Mon exil durera finalement cinq mois. 

A Musumba, c’est la consternation de beaucoup de fidèles catholiques restés sans pasteur. Les jeunes enfants continuèrent à chanter dans la rue et dans leurs jeux ce refrain de triomphe qu’ils avaient composé auparavant lors d’une rencontre de football où notre équipe sortit victorieuse : « Abbé walond, Abbé walond yangany kwen ukawinany, kwikil chom chikwezakwo ». Ce qui veut dire : « l’Abbé nous a dit, allez gagner, rien ne vous arrivera ». Un chant symbolique certainement : oui ! Le Christ lui-même vaincra, l’œuvre commencée par le Père Evrard à Kapanga en 1929 se poursuivra...

De Kolwezi je me rendis à Lubumbashi où je fus reçu par le puissant Gouverneur du Katanga, Monsieur Kyungu wa Kumwanza, à son domicile de l'Avenue Kipopo. Il était l'un des fondateurs du parti de l'UFERI.   Il minimisa l’affaire, et me manifesta sa sympathie et son désir de me voir continuer à œuvrer à Musumba : "Tu es fils Katangais, me dit-il". J'étais conduit chez le Gouverneur par Monsieur Muyej Mangez, un ami et  membre influent du parti.

Le 15 février 1993, je regagnais Musumba. J'y  fus accueilli triomphalement  pour commencer de nouveaux combats pour le Seigneur Jésus.

 SOUVENIRS  DE VIE EN MISSION

A certaines heures de repos et de souvenance, l’esprit vagabonde ça et là, il s’accroche à la mémoire d’un voyage ou d’autres événements. C’est un flot des souvenirs vivants dont il me plait de conter  ici quelques-uns.

La mission c’est la joie d’être utile à une multitude des personnes connues ou non ; la vie est rythmée par des faits, importants ou anodins.

Tôt le matin, la journée commence par l’offrande de la messe : la cloche sonnée par le sacristain mi-sommeillant, retentit dans le silence matinal en même temps que le crépitement du tam-tam (mond, en lunda ) des voisins méthodistes. La nuit s’achève, le crépuscule matinal se désagrège progressivement. Les silhouettes des cases de la capitale de l’Empire se dessinent. Des voix annoncent que la vie ressuscite. Sur la route de l’église, des fidèles s’empressent à rejoindre la paroisse par groupe de 4 à 5 personnes. La messe commence à 6 heures chantée par quelques pieux et persévérants disciples. Immédiatement après la messe, on n’attend pas un rendez-vous, vous êtes littéralement accaparé : l’un vient s’enquérir de votre santé, l’autre demande qu’on bénisse son chapelet, un troisième est estropié, il a besoin qu’on l’assiste. C’est alors seulement qu’on peut se retirer pour la récitation du bréviaire et commencer les activités ordinaires de la mission. Le soleil point déjà là-haut. Le Curé est au centre du village :

"Monsieur l’abbé, les fidèles vous attendent au four des briques qu’on construit à la cité". – Bon j’y viens bientôt !

Et dans l’entrefaite, on frappe à votre bureau :
"Mwant abbé, voici une palabre sur la sorcellerie…. Suit un long récit passionnant des histoires effroyables qu’on serait parfois tenté de juger de farfelues". Mais il fallait accorder de l'importance à la personne tourmentée.

"Mwant abbé, voici un message qui vient du palais de Mwant Yav, le Grand Chef voudrait que…."

"Mwant  abbé, les militaires viennent d’arrêter arbitrairement un de nos fervents chrétiens, il faut vite intervenir, il est maltraité….."

Mwant abbé, un chrétien va bientôt rendre l’âme, il demande l’onction".

Et l’on applique le principe qui nous demande d’ « avoir dans son sac une chanson pour chaque peine. Chaque individu est toujours nouveau et son problème est toujours le plus important. L’exercice du sacerdoce est de s’exercer à se  composer un visage toujours affable prêt à écouter, même quand vous êtes contrarié par des problèmes qui vous sont propres. Parfois, on est quand même exténué, l’énervement prend le dessus. Parfois aussi les « ayant droit » à la charité se font légion. Et on n’est pas riche pour tant distribuer….On se lasse. De fil en aiguille, on termine une journée. On rentre dans la cour interne prendre son repas. La nuit tombe. L’électricité est, bien sûr, inexistante.
 – "Monsieur l’abbé, on n’a plus de bougie pour l’éclairage au réfectoire et au salon, constate Papa Fidel, le cuisinier". Au ciel, le premier quartier de la lune monte ses reflets qui éclairent à peine. – "Tant pis, Papa Fidel, je resterai dans la cour, au clair de la lune, sers-moi le repas du soir ici…"

« Quand viennent les soucis, ils ne viennent pas simples espions mais bataillons entiers ». (SHAKESPEARE)

Ce vendredi 26 février 1993, est une journée de malheur. Une tornade s’abat sur le village. Les maisonnettes se devinent à peine à travers la masse pluvieuse. Un vent terrible accompagne cette tempête. Le vacarme des tôles devient de plus en plus assourdissant. Dans la désespérance étreignante de cette fin d’après-midi, je contemple à travers les voiles des larges fenêtres de mon bureau les dégâts : des maisons qui croulent, des arbres qui craquent, une foudre qui éclate. L’angoisse me saisit. Tenace et inlassable, la pluie continue avec la même force destructrice. Elle finit par soulever une partie du toit de mon église, Notre Dame de Fatima : Tôles et plafond métalliques s’envolent dispersés jusque devant mon bureau. L’antenne de ma petite phonie est terrassée. J’assiste à ce tableau macabre, le cœur serré. A peine revenu d’exil ! J’avas dix jours depuis mon retour à Musumba. Et le carême venait de commencer. Progressivement, le ciel imposa son silence. Il est 18 heures. J’avais bien peur ! Mais dehors l’on entendait déjà les jacasseries de la foule des badauds et les criailleries des enfants contemplant le majestueux édifice, dépouillé. Seigneur ! Un événement de plus dans ma petite vie de pauvre jeune Curé ! Il fallait tenir tête au découragement. Abbé Alain, curé de brousse sur qui tous les yeux des fidèles étaient braqués, rôle délicat et pénible, j’acceptais de le jouer jusqu’au bout. Nous devions relever le défi nous-mêmes, sans financement de l’étranger: j’encourageai en ces termes les fidèles. Quelques mois plus tard, avec, quand même,  le concours de la mission Ntita où habitaient  mes confrères et nantis Pères Salvatoriens et même avec le concours de la mission méthodiste (qui nous prêta un poste à souder), nous parvînmes à remettre tout en place. Et la vie continuait… avec de nouveaux appels à l’initiative, à l’ingéniosité et surtout au cran.

EN TOURNEE…

La vie en mission, c’est aussi les visites des communautés chrétiennes de la brousse intérieure. Les villages dont j’ai parlé ci-haut attendaient toujours ma prochaine arrivée.  Aujourd’hui, nous allons vers le village de Mwant KARL, à une vingtaine des kilomètres de Musumba. L’animateur pastoral, KAPEND CHITAV Boniface, qui m’accompagnait dans ces tournées est arrivé tôt à la Paroisse d’où nous devions partir. Ma moto Honda était prête. Un dernier coup d’œil avant le voyage : "rien n’est-il oublié ? Calice, ciboire, hostie et vin, missels, les huiles saintes…?"  Mon compagnon acquiesce. Tout y est vraiment. Plus qu’à fermer mon sac blanc où tout cela est fourré. Bientôt l’animateur l’accrochera sur son dos. Un dernier adieu à papa Fidel, le cuisinier. J’empoigne les guidons de ma Honda après avoir attaché le casque de sécurité. L’engin sera bientôt lancé à travers la campagne à 80 Km/h. L’animateur KAPEND s’agrippe de tous ses muscles. Les dernières plantations de Musumba sont dépassées en un clin d’œil. Sinueux, le sentier s’étire à travers la savane boisée aux herbes encore hautes en ce début de la saison sèche. L’armure de sécurité dont je me suis revêtu ne suffit pas à parer les fouets sifflants de ces herbes tenaces. Rien ne nous arrête, nous échangeons à la volée quelques paroles. Le village CHISHIDIL est dépassé, puis KATALAL. On sent l’approche d’une rivière, oui la RUSHISH est à quelques mètres. Le pont qui coupe cette rivière est formé d’un tronc d’arbre suffisamment rond pour vous faire craindre une traversée sans chute. C’est vraiment un passage dangereux. Nous descendons de la moto pour mieux prendre toutes les précautions. Il faut la pousser, elle est assez lourde, jamais je n’avais appris à faire l’équilibriste, heureusement mon compagnon, plus expérimenté, intervint efficacement et nous traversons avec succès la rivière. Enfin on approche : les champs de manioc défilent à nouveau et brusquement les toits des chaumes apparaissent, nous sommes arrivés à destination dans le village de MWANT KARL.

Déjà viennent en courant hommes et femmes devancés par les enfants, tous chantant et criant leur joie. Le refrain de bienvenue est repris par tous : « Wezaku, wezaku Mwante, wezaku Mwant, ilel unou wez kal ; wezaku Mwant amboku !
Twading aan anshon, nlel ushon wapwang kal, wezaku Mwant amboku ! » Ce qui veut dire: "Bienvenu, bienvenue,  Mant (titre de respect). Nous étions comme des orphelins tristes, maintenant, plus de tristesse, bienvenue, Mwant"

Le catéchiste, l’air très important, accompagné par ses subalternes maîtres de chant, se frayent un passage parmiles hommes,  les femmes et les enfants pour nous accueillir les premiers,  à l’entrée du village. Le Chef, MWANT KARL CHIKOMB attendait majestueusement assis sous l’arbre devant son palais : le cortège devait être reçu d’abord chez lui où les chaises en bambous étaient d’avance rangées avec protocole : l’événement est de taille. Après mon petit mot de remerciement pour l’accueil me réservé, c’est chez le catéchiste que le cortège termine sa marche. Sans repos, je demande à mes hôtes de se préparer pour la célébration de la messe : baptêmes et mariages religieux étaient prévus.

Ainsi, dans la ferveur de cette sainte visite, les gens du village exécutent l’un après l’autre les différents moments de la journée festive :

- Messe fiévreusement chantée

- Repas pléthorique : au menu le ruk (boule de pâte à base de manioc), la viande de chasse, du poulet etc.

      Le soir est déjà tombé après la longue célébration eucharistique, on dispose des bûches, l’une sur l’autre pour être allumées. Les réjouissances nocturnes allaient commencer. Ici et là on voit des mamans arracher des pailles à leurs cases, allumées ces pailles serviront de torches. Le grand moment des danses et des chants a commencé : mélodies religieuses et chants profanes s’alternent. Quelques discours improvisés par des membres du groupe: "Tukwet musangar wa kumwak Tatuk Abbé Lain..." (Nous sommes heureux d'accueillir l'Abbé Alain). Une éclatante clarté illumine les chaumières de ce beau village des « a Kaumbu, ainsi sont nommés les habitants de Karl ». On est bien content de la confiance vous témoignée, même si on va se coucher avec des oreilles qui bourdonnent. Le lendemain, une autre messe avant la séparation, une dernière exhortation puis on lève l’ancre gratifié des poulets ou même d’un mouton : la vie en mission a ses peines, mais aussi ses délices.

Pendant des années, je vivrai ces scènes d’accueil dans les villages, des villages parfois tellement minuscules qu’on dirait qu’ils ont volé à la brousse conquérante juste un petit espace pour la vie humaine.

Tout cela me revient parfois avec nostalgie : c’est gai, cette petite pluie monotone, ce soleil doré du mois de mai.  C’est joyeux, ce dérangement d’enfants aux torses à peine vêtus qui emplissent votre bureau pour vous demander des images (ipich, disent-ils en ruund) et des bonbons. Souvenir aussi des voyages en véhicule Land Cruiser : quand on a échoué dans de la boue collante et après un travail harassant, lorsqu’on en sort avec des vêtements trempés et la glaise qui vous colle à la peau et qu’on peut repartir, alors on comprend mieux le prix de l’effort, et l’identité de missionnaire de brousse. Souvenir de la vie d’un peuple si démuni, si simple, si rivé à la nature qui lui fournit sa subsistance saisonnière, un peuple pourtant toujours joyeux et accueillant… Musumba avec sa terre rouge m’a formé à l’école de la vie.

En juillet 1995, je quittais la mission de Kapanga pour commencer une toute autre vie, en ville à Kolwezi.




CHAP 9
 LA COOPERATIVE AGRICOLE DE KAPANGA

          En marge des activités purement pastorales, les Pères Salvatoriens ont créé aussi une Coopérative agricole en faveur de la population de toute la zone de Kapanga. C’est le 10 septembre 1981 qu’elle vit le jour sous l’égide des Pères Joseph CORNELISSEN et Laurent JANSSENS. La Coopérative Agricole de Kapanga (Cagrikap en sigle), était censée participer activement à l’amélioration de la vie de la population ; elle était appelée à être un modèle de développement communautaire rural.

               Effectivement, la CAGRIKAP eut des débuts florissants, elle faisait le prestige de la mission catholique de Kapanga. On importa d’Europe les moyens nécessaires pour que s’épanouisse l’Entreprise : le 08 juillet arrivèrent les deux premiers véhicules, un lourd camion Magirus et une jeep Land Cruiser. Jacques Santos, le chauffeur digne des Pères Salvatoriens, qu’accompagnaient les Pères PIET et JOS POLDERS ramena de Kinshasa, sans casse et par route l’importante acquisition de la CAGRIKAP. Le personnel de direction de l’Entreprise vint aussi d’Europe. Ce premier gérant fut le suisse DIETER IMHOF. Des équipements de toutes les sortes arrivèrent, on construisit des bâtiments : des entrepôts et des silos pour la conservation des produits. Des containers sont débarqués ayant dan leurs gros ventres des outils… CAGRIKAP connut un point de départ fulgurant, son siège Social fut établi à Musumba. Son rôle essentiel était l’encadrement des agricultures de engrais leur sont fournis. Après la récolte, le grand camion passe dans les villages acheter les produits es paysans coopérateurs. La CAGRIKAP les travaille à Musumba (au moulin, aux décortiqueuses…), les conserves pour les consommer au moment opportun. Elle s’occupait non seulement de l’achat, mais aussi de la vente de ces produits agricoles travaillés (farine, arachide…). Le camion orange surgissait dans les villages comme une consolation de la population après les durs labeurs des activités champêtres. La Coopérative disposait aussi d’un magasin de vente des produits manufacturés : savons, huile, habits et même des pièces de vélos. Les coopérateurs pouvaient s’en procurer à crédit. Au bout d’un an, certains pouvaient s’acheter des objets de valeur, tel que un vélo ou se construire une maison convenable.

L’Entreprise faisait d’énormes progrès sous l’œil vigilant de DIETER qu’assistait le Zaïrois MATEP JOJO. Tout le monde était satisfait et y trouvait son compte.





L’ASSEMBLEE GENERALE

                   Pour mieux contrôler l’Entreprise, les agriculteurs et la direction se retrouvaient une fois l’an au sein de l’Assemblée Générale. Y prennent part, les représentants de chaque village (appelé Centre), les Gérants et le Conseil de gestion. A l’ouverture et à la clôture, on y invite aussi les notabilités de la place : Le Commissaire Sous-Régional de Kasaji, le Commissaire de Zone de Kapanga, le MWANT YAV, les responsables religieux, les autorités militaires… Et aux discours protocolaires de pleuvoir.

L’assemblée siège pendant trois jours : on présente des rapports des activités, on fait des révisions et fixations des prix des produits agricoles pour la saison prochaine on parle de la « vie de la Coopérative »

En 1985, la Coopérative était au sommet de son prestige : il y a une augmentation significative du nombre des coopérateurs et de la production. La même année, elle acquit son autonomie par rapport à la mission catholique dans son fonctionnement. Les fondateurs n’œuvraient plus sur place à Kapanga. Le Père Joseph n’y reviendra qu’en 1989.

En avril 1989, le mandat de Monsieur DIETER IMHOF touchait à sa fin. On annonce son remplacement par un couple Belge. Mais en attendant l’arrivée de ce couple, un jeune stagiaire Belge, Frère Patrick NEYS assurait l’intérim. C’est en novembre 1989 que débarquèrent les nouveaux gérants, Luc DENOYETTE et son épouse KRISTEL WITTOUCK, accompagnés par DIETER, le gérant sortant.

En ce moment, hélas !, la CAGRIKAP avait plutôt l’air essoufflé. L’héritage de LUC et KRISTEL n’était pas enviable. Un défi leur était lancé. Le camion et la jeep étaient amortis. L’économie même du pays est aux abois. La CAGRIKAP, butte à des multiples difficultés. Elle a la corde au cou. Les agriculteurs, sentant le poids de cette période de vaches maigres, pensent qu’ils sont trompés. Ils ne jouissaient plus, en effet, des avantages qui étaient les leurs jadis (Par exemple, le crédit).

A l’Assemblée Générale de 1990, le fondateur, le Père Joseph est présent pour soutenir le jeune couple aux prises avec les agriculteurs en colère. Tous les trois tâchèrent de s’expliquer sur la situation actuelle et les espérances en vue. En vain. Le langage des paysans devient insupportable, le Père Joseph est tout simplement scandalisé, il claque les portes au milieu de la séance. Il veut enterrer l’Entreprise qui, dit-il,’ n’est pas avant tout une Coopérative de Crédit’. L’Assemblée tourna au vinaigre. Tout le monde en sortit fâché. Le couple cependant veut encore être optimiste : il y a moyen de trouver une solution. La concertation eut lieu entre le Père Joseph et le couple.

Il fallait nécessairement injecter des capitaux frais dans cette boite, il fallait trouver un nouveau camion, il fallait, il fallait… La Belgique était d’accord pour voler au secours de la CAGRIKAP. Les nouveaux gérants devaient donc travailler.

Mais, le malheur dit-on, ne vient pas seul. Au niveau national, un conflit éclate entre le Gouvernement belge et le Gouvernement zaïrois : ce conflit rentre dans le cadre de l'interminable et  fameux « contentieux Belgo-Zaïrois ». Le Président Mobutu entre en fureur contre les Belges et expulse illico tous les coopérants Belges du Zaïre. LUC et KRISTEL plièrent bagages le 28 juin 1990, abandonnant la moribonde CAGRIKAP à son propre sort. Une nuit noire sombra sur ses bâtiments. Aujourd’hui l’herbe a envahi la cour. C’est maintenant que Monsieur Mukaz peut hériter du titre pompeux de Gérant a.i.

La CAGRIKAP attend encore sa réanimation.



















CONCLUSION

               Au bout de notre travail, nous croyons, sans naïveté de notre part, que l’Evangile de Jésus-Christ est tombé dans de la bonne terre à Kapanga. Rude montée, marche cahotante, lente maturation de la vie chrétienne, nous ne pouvons pas décrire autrement l’histoire de l’Evangélisation de Kapanga. Malgré la promesse de l’aide et de la présence du Seigneur (Mathieu28,20 et Jean 14,18) la vie de missionnaires n’exclut néanmoins pas la souffrance. Celle-ci fait d’ailleurs partie de la vie d’apôtre de Jésus-Christ qui avait prévenu :  « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il renonce à lui-même ; qu’il se charge de la croix et qu’il me suive… » Mathieu16,24. Chaque missionnaire  peut certainement raconter sa part de croix prise dans sa vie en terre de mission.
 Cet ouvrage peut manquer la rigueur d’un historien. Tel n’était pas certainement notre objectif. Nous avons néanmoins fouiné passionnément dans un passé relativement lointain avec nos limites des moyens. Nous n’avons pas toujours obtenu les informations que nous aurions voulu avoir ; nous n’avons pas parlé de la vie de tous les prêtres qui, eux aussi, ont été à leurs manières, des inlassables apôtres des Jésus-Christ à Kapanga. Le sujet reste ouvert à d’autres chercheurs…

Quant aux pages qui s’arrêtent ici, elles ont voulu simplement traduire notre émerveillement face à l’œuvre grandiose accomplie par tous les missionnaires de Kapanga.

« Comme ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds du messager de la bonne nouvelle », s’écrie le Prophète (Isaïe 52,7).











SUCCESION CHRONOLOGIQUES DES MISSIONNAIRES DE KAPANGA



1. P. EVRARD LAUREYS1929-1938

2.
P. AMANS SMEETS 1929-1938

3. P. ADHEMAR DEPAW (KAWEL) 1934-1941

4. P . PASCAL CEUTERICK 1937-1945

5. P .TITUS VAN RUYTEGEN 19368-1941

6. P. TIBALD PETERS 1940

7. P. GODARD LEMMENS 1940- ?

8. P . SIDON VAN DEN BORCHT 1940-1955

9. P. MARCELVAN INN ( SAMUSENG ) 1943-1955

10. P. CONSTANT JACOB 1946-1952

11. P. WULFRAM GOAVAERTS 1949-1954

12.
P. JEAN BOURGONYON 1955.

13. Fr RE?I DE BOEVER

14. Fr VERCOUTEREN

15.
Fr ARNOLD KNAAPKENS

16. Fr GODFRIEND LOUWERS

17. P. LEONARD VANERP

18. P. JEROME GUBBELS ( KABWABU) 1955

19. P. JOSEPH Hermann 1955

20. P. ALBERT IHLE 1957

21. P. ANSELME 1957

22. P. LOUIS HEITFELD (MADJAKU) 1958

23. P. ONESIME EGGERT 1959

24. P. FRANS CARIS 1959

25. P. LAURENT THEODORE JANSENS 1960

26. P. MARTIN KOOPMAN (SAMBAZ) 1961- A NOS

JOURS

27P. ARNOLD STEVENS 1961 – A NOS JOURS

27. P. GODEFROID GOVAERS 1961-1991

28. P. JOSEPH CORNELISSEN 1964- A NOS JOURS

29. P. HUBERT GUSEN 1964

30. P. PIET MAURICE STEVENS 1965

31. P. WILLY SMEET 1965

32.
P. ROMAIN MINSEN 1972

33. P. JACQUES HENKENS 1974-1989

34. P. LAN SZCPILKA 1980- Q NOS JOURS

35. ABBE MUZUKA MAVUNGA GABRIEL 1983-1985

36. ABBE KALENDA KET ALAIN 1989...




TABLE DES MATIERES

ALAIN  KALENDA KET